Qatif, fief de la contestation chiite contre le régime wahabbite saoudien, a connu une nouvelle fois des affrontements armés. Deux personnes, dont un policier, ont été tuées vendredi soir, dans une attaque contre une patrouille de police. Selon l'agence de presse saoudienne, «une patrouille de sécurité a essuyé des tirs nourris de la part de quatre émeutiers armés à bord de motocyclettes». Un policier et un assaillant seraient morts dans les heurts, et un autre agent de police aurait été blessé. Comme chaque vendredi, depuis plus d'un an, il y a eu des manifestations à Qatif, réprimés par la police et dégénérant dans des violences. La police a fait usage d'armes à feu, tuant un jeune homme de 18 ans et blessant 2 autres manifestants. Le cycle de la répression-contestation se poursuit dans l'est de l'Arabie Saoudite. Cela n'a rien à voir avec l'ampleur des contestations que connaissent la Syrie et à degré moindre le Bahreïn, mais le mouvement de protestation au sein de la communauté saoudienne chiite dans l'est du pays s'est installé dans la durée. DEFIANCE ET MEFIANCE Le climat de défiance chez les chiites saoudiens à l'égard des autorités reste de mise. Les responsables saoudiens de Ryadh ont accentué les menaces de répression brutale, en indiquant que la contestation sera traitée comme «un terrorisme» et subira le sort réservé à Al-Qaïda dans la péninsule arabique. Les autorités saoudiennes ont pourtant eu tendance jusque-là, à minimiser l'ampleur du mouvement en l'imputant généralement à des actions iraniennes. Sans apporter des éléments de preuve mais suggérant, implicitement, que leur statut de chiite les transforme de fait en cinquième colonne de l'Iran. Dans les faits, les contestataires chiites saoudiens ont été plus largement mobilisés par l'intervention saoudienne au Bahreïn pour réprimer le mouvement de contestation de ce pays majoritairement chiite. Et ce mouvement qui a démarré en novembre 2011 ne s'est pas essoufflé malgré un embargo médiatique international. Les contestataires du Bahreïn ou d'Arabie Saoudite ne pouvaient s'attendre, en effet, à ce que les chaînes satellitaires du Golfe, Al Jazira et Al-Arabiya, leur accordent beaucoup d'importance. Depuis le début du mouvement, le bilan est de onze personnes tuées par les forces de l'ordre. La tension s'est aggravée, début juillet, avec l'arrestation mouvementée de Cheikh Nimr Baqer al-Nimr à Awamiyya, qui est, avec Qatif, un des bastions de la contestation. Le cheikh avait été blessé à la jambe lors de son arrestation survenue le 8 juillet. Qualifié «d'instigateur de la sédition», Nimr Baqer al-Nimr, a été blessé «en opposant une résistance aux forces de sécurité, a déclaré le porte-parole du ministère de l'Intérieur saoudien, le général Mansour Turki. «MOURIR LIBRE QUE FAIRE ALLEGEANCE AUX TYRANS» Cette arrestation a été suivie dans la nuit par des manifestations et des affrontements avec la police qui ont fait deux morts et des dizaines de blessés. Il est vrai que Cheikh Nimr n'a pas sa langue dans sa poche et ne fait aucune différence entre les despotismes. «Il vaut mieux mourir libre que faire allégeance à des tyrans comme les Saoud, les Khalifa ou les Assad qui terrorisent les gens, les tuent et les soumettent, qui combattent pour rester sur le trône du pouvoir !». Dans une autre intervention et en réplique aux accusations d'être des agents de l'Iran, il a répondu vertement : «Pourquoi vous attaquer à nous, quelques pauvres âmes, si c'est un autre pays qui est responsable ? Alors attaquez-le, attaquez l'Iran, et nous verrons bien ce dont vous êtes capables !». Nimr, dont l'épouse vient de décéder dans un hôpital, voit son aura grandir chez les jeunes chiites saoudiens. Son arrestation a donné encore plus de vigueur au mouvement. La région contestataire est riche en pétrole et l'essentiel des deux millions de chiites saoudiens y vivent. Ils dénoncent des discriminations dans le domaine de l'emploi et des prestations sociales. Ils sont souvent insultés par des religieux bornés qui ne sont pas loin de les considérer comme des hérétiques. En annonçant qu'ils seront traités comme des «terroristes», Ryadh entend durcir la répression dans un relatif silence médiatique.