En février dernier, le chef d'Al-Qaïda, l'Egyptien Ayman al-Zawahiri, a ouvertement appuyé la révolte syrienne mais les rebelles ont alors qualifié son appel d'«ingérence». Six mois plus tard, la stratégie de la rébellion semble prendre une autre option. Et le dernier appel lancé par Abou Ammar, un commandant rebelle de Bab al-Nasr, dans le centre d'Alep, est symptomatique de la situation sur le terrain des opérations. La rébellion pense à s'allier avec Al Qaïda si la communauté internationale continue d'ignorer ses appels à l'armement. «Nous ne voulons pas d'Al-Qaïda ici, mais si personne ne nous aide, nous ferons alliance avec elle», menace Abou Ammar. L'opposition a commencé par réclamer une «zone d'exclusion aérienne», à l'image de celle instaurée pendant la révolte en Libye, en 2011, ou la livraison d'armes aux rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL), mal équipée face à la puissance de feu des troupes régulières. L'ASL est essentiellement constituée de combattants islamistes issus du courant des Frères musulmans syrien, soutenue militairement par des unités spéciales américaines, françaises, britanniques et une aide multiforme du Qatar, de la Turquie, de l'Arabie Saoudite. Mais, paradoxalement, Washington a officiellement refusé de fournir des armes aux rebelles de peur qu'elles ne tombent aux mains de la nébuleuse terroriste. En juin dernier, Hussein Sayyed, président du conseil suprême du commandement de la révolution, une composante de l'opposition syrienne, avait déclaré que «ceux qui prétendent aider l'opposition syrienne devraient commencer par soutenir les gens à l'intérieur de la Syrie». S'exprimant par téléphone, lors d'une réunion à Washington, au centre de réflexion «Rethink Institute», il a tenu à démentir toute division au sein de l'opposition, argument brandi, selon lui, par la communauté internationale pour ne pas leur livrer les armes. «Nous demandons seulement des armes plus sophistiquées, mais personne ne veut le faire», a regretté, pour sa part, Louay Sakka, un porte-parole du «Syrian Support Group», une organisation de soutien à l'ASL. La menace de Abou Ammar trouve toute sa vérité dans la présence avérée de combattants arabes certainement «affrétés» par l'organisation de Zawahiri pour combattre en Syrie. «Je vous parie que si ces combattants viennent, ils se livreront à un lavage de cerveau des habitants et que s'ils entrent à Alep, la ville deviendra leur base en trois mois», dira le commandant rebelle, faisant sûrement dans l'exagération pour souligner l'urgence de la situation. Selon des experts, plus le conflit traînera en longueur, plus il risque de se radicaliser. L'arrivée des djihadistes étrangers a été divulguée par les services secrets français qui ont indiqué que 200 à 250 djihadistes salafistes, venus d'Algérie, d'Irak, du Liban, d'Arabie Saoudite, d'Egypte et d'autres pays du Maghreb, combattent l'armée syrienne, en marge de la lutte des soldats déserteurs. PRESENCE DES SALAFISTES ALGERIENS L'intrusion de ces djihadistes, entrés en Syrie le plus souvent par le Nord-Liban, l'Irak et la Jordanie, a soulevé l'indignation de l'opposition, qui a nié tout lien avec eux. Par ailleurs, et selon d'autres sources, d'importants groupes de combattants originaires d'Algérie, d'Arabie Saoudite, du Koweït, de Tunisie, de Libye et du Pakistan, combattent aux côtés de l'ASL, après être entrés en Syrie à partir de la Turquie. Des membres de l'ASL rencontrent les volontaires à la frontière, leur fournissent des armes et les affectent à des unités combattantes. L'ASL fournit également à ces étrangers des cartes d'identité syriennes à présenter en cas d'arrestation. Des experts ont noté que si Al-Qaïda n'était pas présente, en tant qu'organisation sur le terrain, certains groupes commençaient à utiliser ses méthodes, à l'image du double attentat suicide à la voiture piégée qui a fait 55 morts en mai à Damas. Sur le plan diplomatique, Lakhdar Brahimi a accepté de remplacer Kofi Annan comme médiateur international sur la Syrie, même si la date de son annonce officielle n'est pas encore connue. De sources diplomatiques anonymes ont affirmé à Reuters que le diplomate algérien avait accepté d'occuper le poste, à condition que la nature de son mandat et sa dénomination soient modifiées, ce qu'a accepté Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies. Selon les diplomates, la nature éventuelle et l'existence même d'un lien entre le poste de Lakhdar Brahimi, basé à New York et la Ligue arabe ne sont pas encore décidées. Par ailleurs, et comme attendu, le Conseil de sécurité de l'ONU a annoncé, jeudi, la fin de la mission de ses observateurs militaires en Syrie. Déployée en avril, la Mission de supervision des Nations unies en Syrie (Misnus), a dû suspendre la plupart de ses patrouilles à la mi-juin et son effectif a été réduit de moitié, à 150 hommes seulement. Le Conseil de sécurité a prolongé son mandat jusqu'au 19 août mais en avertissant que les observateurs partiraient si les conditions de sécurité et les perspectives de dialogue politique, entre pouvoir et opposition, ne s'amélioraient pas nettement. L'ambassadeur de France à l'ONU, Gérard Araud, qui préside le Conseil de sécurité en août, a cependant évoqué une présence des Nations unies à Damas, sous forme d'un bureau de liaison chargé de soutenir les efforts du prochain médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie. La Russie, regrettant la fin de la Misnus, a demandé, de son côté, que les grandes puissances lancent avec l'Arabie Saoudite et l'Iran, un appel au gouvernement syrien et à l'opposition pour cesser les violences «le plus tôt possible». Depuis le début de la crise syrienne, il y a 17 mois, la Russie et la Chine ont opposé, à trois reprises, leur veto au Conseil de sécurité à des résolutions visant à faire pression sur le gouvernement syrien.