Le secteur de la santé est au fond du gouffre mais l'Algérie dispose des ressources humaines et des moyens financiers pour l'en sortir ; le tout est de prendre les bonnes décisions. C'est, en grande partie, ce que le président de l'Ordre national des médecins, Dr Mohamed Bekkat Berkani, a soutenu, hier matin sur les ondes de la radio nationale : «La Santé doit être au cœur du politique et des préoccupations de l'Exécutif qui devrait consacrer une réunion du Conseil du gouvernement pour examiner la réforme de Loi sanitaire», a-t-il affirmé. Une loi sanitaire frappée d'obsolescence dont la révision a été rendue impérieuse par les nombreux changements intervenus depuis son adoption en 1986 et la nécessaire adaptation aux nouvelles réalités socioéconomiques du pays et les nouveaux besoins de la population : «Mais cette révision doit se faire en concertation avec l'ensemble des acteurs de la Santé autrement, elle sera vouée à l'échec», a-t-il prévenu en mettant l'échec de toutes les tentatives de révision sur le compte du «dirigisme des responsables». Un responsable en particulier - qu'il ne nommera pas mais l'allusion faite à Djamel Ould Abbès était limpide celui qui avait tendance à croire qu'il avait tout compris» et voulait faire passer ses idées sans concertation», qui affirmait «qu'il n'y avait pas de pénurie de médicaments alors que le contraire était de notoriété publique» et qui jurait que «l'Algérie disposait d'un plan anti-cancer mais que personne ne trouve nulle part» ; plan anti-cancer qu'il est, par ailleurs, possible d'établir en une semaine, a-t-il encore signalé. LE SECTEUR PUBLIC D'ABORD D'où la nécessité, selon Mohamed Bekkat Berkani, de faire appel à l'ensemble des compétences nationales pour examiner les moyens de réformer la loi sanitaire et de mettre fin à l'affligeante situation de la santé : «Il est extrêmement difficile de se soigner en Algérie et il faut rapidement améliorer l'accès aux soins et les prestations de santé». Ce qui ne saurait se faire sans le redressement prioritaire du secteur public «qui doit représenter l'essentiel des prestations de santé» et le rétablissement de la confiance perdue des citoyens dans le système de santé et les structures médicales. Et pour cela, nulle autre alternative que la redéfinition des missions des hôpitaux et leur réhabilitation : «Nos hôpitaux sont vétustes, les équipements désuets, les urgences se trouvent en grandes difficultés , tout cela provoque la colère des citoyens et il est déjà arrivé que des résidents aient été agressé», a-t-il déploré en appelant également à améliorer l'environnement socioprofessionnel des personnels de santé, revoir le statut des médecins et consolider la formation des résidents, ces médecins de demain, afin de résorber l'hémorragie des compétences : «L'Algérie consacre seulement 05% du PIB à la Santé, contre 07% en Tunisie, un pays qui dispose de moins de ressources financières, et 10% dans les pays occidentaux», note-t-il pour souligner le manque d'intérêt accordé au secteur. Le secteur privé ? Le président de l'Ordre national des médecins le voit comme un appui, un soutien au secteur public qui, rappelle-t-il, doit répondre à l'essentiel des besoins des citoyens qui doivent pouvoir choisir en fonction de leurs possibilités: «Il est anormal que les citoyens, y compris des hauts responsables, privilégient les cliniques privées lorsqu'il est question d'interventions chirurgicales. Le secteur privé doit jouer un rôle d'appoint», a-t-il encore expliqué en plaidant pour un meilleur contrôle des cliniques et une limitation de leurs compétences : «Nous avons constaté que des maternités se transformaient en centres de haute chirurgie, en violation de cahiers des charges. Il faut les réadapter à leurs plateaux techniques et à leur possibilité d' éviter des dépassements et des erreurs médicales.» LES LIMITES DU SERVICE CIVIL Pour mettre fin à ce qu'il qualifie de «désertification médicale» dans certaines régions (notamment le sud), Mohamed Bekkat Berkani rappelle que la garantie d'un meilleur environnement socio-économique et de meilleures conditions de travail sont à même de convaincre les médecins à se fixer dans ces régions-là, d'autant que les syndicats et les résidents ont déjà affiché leur disponibilité : «De toutes manières, le service civil et les primes de zoning ont montré leurs limites puisque les médecins finissent toujours par remonter dans le nord», a-t-il indiqué. Mohamed Bekkat Berkani qui rappelle que l'Algérie dispose d'un excellent système de sécurité sociale qu'il convient, tout de même, d'optimiser, appelle également à faire le bilan des structures de proximité et de prendre les décisions qui s'imposeront pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle - notamment préventif - auprès de la population : «Il n'est pas normal de ne pas trouver des vaccins pour les nourrissons dans ces structures dépourvues de tout et cela relève de la responsabilité des pouvoirs publics qui n'ont pas su distribuer les médicaments, a-t-il accusé en rappelant qu'il y à 20 ans, la prévention était exemplaire: «La lutte contre la tuberculose était optimale alors qu'aujourd'hui nous n'arrivons même pas à trouver des médicaments antituberculeux dans les structures spécialisées.» Un travail concerté avec la tutelle, nouvelles infrastructures, équipements adaptés, formation du personnel, c'est, en substance, ce que le docteur Berkani prescrit pour rétablir la santé défaillante de l'Algérie...