L'expert en économie et vice-président du Conseil National Economique et Social (CNES), Mustapha Mekideche a estimé, hier, que le projet de construction de l'usine Renault à Oued Tlélat, dans la wilaya d'Oran, est une «avancée sérieuse» dans le dispositif global de retour à la filière automobile et, plus généralement, dans la stratégie de réindustrialisation ambitionnée par l'Algérie: «Mais il ne faut pas donner à ce projet plus d'importance qu'il n'en a, à la fois, par la taille et par l'implication qu'il peut avoir sur l'ensemble du tissu industriel» a-t-il tempéré, en rappelant qu'à l'horizon 2014, les 70.000 voitures annoncées par le constructeur français, couvriront «seulement» le cinquième du marché de l'automobile en Algérie, qui devrait avoisiner les 500.000 véhicules : «Je pense qu'il y aura de la place pour d'autres projets plus significatifs avec d'autres constructeurs automobiles présents en Algérie, ou qui développent leur présence de manière significative», a-t-il encore indiqué. Sur le choix d'Oued Tlélat, daïra située à une trentaine de kilomètres à l'Est d'Oran, comme site d'implantation de la future usine, Mustapha Mekideche a estimé que cela s'expliquait par la «forte tradition industrielle» de la zone Oran-Arzew-Mohammadia, de la disponibilité de la main d'œuvre qualifiée,de l'existence d'une logistique mais aussi d'un important réseau d'infrastructures et de voies de communication, notamment les ports d'Oran et de Mostaganem et de l'autoroute Est-Ouest ; Soit un ensemble de potentialités qui vont «porter le projet Renault avec succès», a-t-il conclu. ELARGIR LA CO-INDUSTRIALISATION Evoquant les «nouvelles» relations algéro-françaises qui se dessinent, le vice-président du CNES a affirmé qu'il était désormais question d'un partenariat bénéfique aux deux parties, basé sur la répartition dans la chaine de valeurs ajoutées et d'implantations industrielles sur des segments de production :«C'est une stratégie d'industrialisation gagnant-gagnant qui permet d'avoir des segments productifs, un transfert de savoir-faire et de la formation», a-t-il expliqué en exprimant son souhait de voir ce nouveau concept appelé «co-industrialisation ou co-localisation» - qui va faire l'objet d'un forum d'affaires franco-algérien prochainement en France -élargi aux relations économiques avec d'autres pays (notamment les grands exportateurs que sont la Chine et la Turquie) afin que l'Algérie s'affranchisse des importations massives et engage sa réindustrialisation : «Il faut une approche plus agressive dans la reconquête de nos parts de marché intérieur quitte à fixer plus les exportations des produits hors hydrocarbures comme un objectif ultérieur», a encore plaidé M. Mekideche en soulignant les importantes possibilités qui existent comme la fabrication des tracteurs Ferguson, en partenariat avec les Américains, dans la région de Constantine, ou la construction de véhicules militaires à Tiaret.L'intervenant a encore estimé que la co-industrialisation pourrait également toucher d'autres secteurs comme la pharmacie, services, les énergies renouvelables : «C'est la nouvelle orientation qu'il faut mettre en œuvre pour sortir du domaine commercial» a-t-il déclaré en regrettant que l'Algérie ait «laissé filer» un marché de 500.000 voitures sans qu'il y ait de contreparties industrielles. LE NECESSAIRE COURAGE POLITIQUE Pour l'expert en économie et président du groupe de travail sur la relance industrielle, installé par le ministère de l'Industrie et des mines, la démarche de réindustrialisation entamée par les pouvoirs publics vise à arrêter des actions, qui permettent d'utiliser les capacités oisives ou sous-utilisées existant dans le public et le privé, améliorer le climat des affaires qui est encore médiocre et aider les entrepreneurs à s'organiser et devenir plus grand. «Des rencontres régionales sont prévues avec des producteurs locaux pour pointer les problèmes et étudier les pistes, pour retrouver le chemin de la croissance industrielle et identifier les atouts à développer», a-t-il annoncé, en ajoutant qu'une conférence nationale couronnera ce cycle de rencontres, au cours de laquelle les différentes filières au niveau national vont s'organiser et améliorer leurs capacités : «Les pouvoirs publics apporteront les soutiens nécessaires et les producteurs assureront les productions, pour reconquérir les parts de marché intérieur et aller vers l'international.» Mustapha Mekideche a également insisté sur la nécessité de mettre à jour l'appareil administratif, qui ne répond pas encore aux nouvelles conditions d'économie de marché, et de mettre à plat l'ensemble des dispositifs pour les expurger des incohérences, dysfonctionnements et des inerties : «Pour cela, il faut des réformes qui s'opposent parfois à des intérêts en place, comme le marché informel ( ) Cela suppose un courage politique que les pouvoirs publics doivent assumer», a-t-il indiqué.