Les pharmaciens d'officines de la wilaya de Constantine ont finalement décidé d'aller vers une grève générale de 24h le dimanche 10 février prochain. La menace d'un durcissement de la position des pharmaciens, en l'air depuis quelques jours, prend ainsi forme. C'est ce qu'indique un «avis de grève» qui nous a été remis, hier, par le porte-parole du bureau de wilaya du Syndicat national algérien des pharmaciens d'officines (SNAPO), M. Aïb Raouf, en signalant que toutes les voies de recours ont été épuisées afin d'éviter cet ultime recours. Ce document indique qu'une seconde grève de 3 jours, avec service minimum, sera déclenchée 48h après ce premier mouvement de protestation, évidemment dans le cas où leurs revendications ne seront pas prises en charge. «Et si dans un délai de 24h après la seconde grève, nos revendications ne sont pas prises en compte, ajoute le SNAPO dans ce document, nous serons dans l'obligation d'entamer une grève générale ouverte». Cette décision du SNAPO, dont l'application va générer des désagréments pour les malades et les citoyens d'une façon générale, même si l'on assure le service minimum, intervient après le silence réservé par l'administration de tutelle, à savoir la direction de la Santé, aux correspondances qui lui ont été adressées à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire du syndicat tenue en date du 19 janvier dernier. On se rappelle que cette assemblée avait exigé la fermeture de l'agence Endimed dans la nouvelle ville Ali Mendjeli et soulevé le problème posé par la tenue du registre des produits classés dans la catégorie des psychotropes. Le SNAPO de Constantine vient d'ajouter à ces demandes celle de la réouverture de l'officine d'un pharmacien qui demeure fermée depuis plus d'un mois suite à sa mise sous contrôle judiciaire pour le grief, justement, de n'avoir pas inscrit sur l'ordonnancier, «par mégarde» selon les syndicalistes, la vente d'un médicament classé dans la catégorie des barbituriques. Pour le premier cas, le SNAPO estime que l'agence Endimed a été délocalisée de la commune de Constantine vers celle d'El-Khroub en violation flagrante de la réglementation. «Et cela de l'aveu même du directeur de la Santé de la wilaya», a précisé M. Aïb Raouf, membre du conseil national et porte-parole du SNAPO, qui s'est présenté, hier, à notre bureau. Ajoutant que cette agence doit être fermée car elle n'a même par respecté la distance réglementaire de 200 mètres entre elle et une officine privée. Ce qui a contraint le pharmacien concerné à déposer une plainte en justice contre l'agence Endimed, a révélé notre interlocuteur. Pour le second point, «très important pour nous», a souligné notre interlocuteur, c'est celui du registre ordonnancier dans lequel sont consignées les ventes des médicaments psychotropes, sujet qui a suscité dernièrement des débats et provoqué une polémique. Aussi, le SNAPO a lancé un appel aux autorités locales concernées pour l'ouverture d'un débat serein «afin de permettre une gestion efficace des substances jugées dangereuses pour la santé publique par les services de sécurité», estime le syndicat des pharmaciens dans l'avis de grève que nous avons cité. A ce propos, M. Aïb a expliqué longuement cette problématique en déplorant l'inexistence d'une liste officielle de médicaments dangereux. «Nous avons les médicaments du tableau C, à savoir les médicaments dangereux, les stupéfiants et les médicaments toxiques, commença-t-il. La liste générale des médicaments en Algérie comportait, en 2012, 5.532 médicaments. Et nous sommes maintenant obligés de reporter plus de 4.000 médicaments sur le registre». Il considère que cela est pratiquement impossible. Pour les services de sécurité qui utilisent le terme «drogues pour désigner ces médicaments, poursuit-il, leur souci est d'empêcher les dealers de pouvoir se les procurer. Mais, il y a manifestement une confusion entre drogue et anesthésiant qu'il faut dissiper. Ce qui pose problème aussi est que nous n'avons pas une liste bien claire de médicaments dangereux dans notre pays et cela est grave ! Il faut dresser cette liste de médicaments dangereux et élaborer une procédure bien déterminée pour pouvoir contrôler leur écoulement». Notre interlocuteur s'en est pris au système actuel de distribution et contrôle de ces médicaments en affirmant que celui-ci n'empêche pas un dealer de se procurer facilement et légalement de tels médicaments. En plus du fait qu'il est inefficace, le système actuel crée des problèmes de nature judiciaire au pharmacien, a considéré le représentant du SNAPO. «Donnez-nous la liste des médicaments jugés dangereux et jugez-nous par la suite !», dira-t-il. Et de citer le cas de ce pharmacien d'Ali Mendjeli, en l'occurrence, qui avait oublié de consigner sur l'ordonnancier le médicament psychotrope qu'il avait vendu légalement et s'est retrouvé mis sous contrôle judiciaire. «Et pendant l'instruction judiciaire de son dossier, la direction de la Santé s'est empressée de prendre la décision de fermeture de son officine», ajoute le représentant du SNAPO. «C'est notre droit de demander la liste des médicaments psychotropes, de revendiquer un système d'organisation qui soit en phase avec son temps, parce que celui actuellement en vigueur est dépassé. Il faut aussi une liste des malades à servir pour pouvoir déterminer les besoins. Et nous sommes tout à fait disposés à collaborer avec les services de sécurité pour combattre le phénomène de la consommation et la commercialisation illégale des psychotropes», a conclu M. Aïb.