Tout le monde partage évidemment le soulagement des proches de la famille française Moulin-Fournier libérée hier après une détention de deux mois aux mains de ravisseurs dont le groupe islamiste djihadiste nigérian Boko Haram a revendiqué la filiation. Beaucoup néanmoins sont dubitatifs quant à l'affirmation du président François Hollande que cette libération n'a pas donné lieu au versement de rançon de la part de l'Etat français qui, a-t-il précisé, s'en est tenu au principe édicté par lui du refus d'un marchandage de la sorte avec les ravisseurs d'otages. Il paraît toutefois inconcevable que le groupe qui a procédé à l'enlèvement de la famille Moulin-Fournier l'ait libérée sans contrepartie d'aucune sorte. Ce n'est pas le genre des groupes qui ont fait de la prise d'otage un fonds de commerce. Il a par conséquent bien fallu qu'une partie quelconque donne satisfaction à ses exigences au groupe ayant détenu la famille Moulin-Fournier. Si ce n'est donc pas l'Etat français comme l'a déclaré son président, ce ne peut être que celui du Cameroun dont le territoire a été le théâtre du kidnapping ou celui du Nigeria dont seraient originaires les ravisseurs et où ils auraient détenu leurs otages. Nul doute que Paris tout en se refusant officiellement à entrer en négociation directe avec les ravisseurs a poussé les autorités de ces deux Etats à le faire et probablement à cautionner les termes de l'accord qui a abouti à libération de la famille otage. Nous ne saurons pas de sitôt la nature des contreparties concédées par l'un ou les deux Etats concernés en échange de cette libération. Mais il faut être naïf pour croire que celle-ci a eu lieu autrement que de la sorte. Pour rappel, Boko Haram quand il a revendiqué l'enlèvement de la famille Moulin-Fournier a exigé pour sa libération celle de djihadistes emprisonnés au Nigeria, au Cameroun et ailleurs. Il a dû probablement obtenir en tout ou partie satisfaction. Bien entendu que sur un plan humanitaire c'est tant mieux pour la famille Moulin-Fournier et ses proches. Reste que cela relativise la détermination des Etats sur le principe du refus du marchandage avec les preneurs d'otages quand il s'agit de leurs ressortissants. L'Algérie, on n'en doute pas, a le répondant pour faire entorse à ce principe comme certains Etats le font de façon tortueuse. Elle s'y est apparemment refusée comme l'indique la détention prolongée de ses ressortissants détenus par le groupe islamiste Mujao depuis la prise par lui de la ville malienne de Gao. Il est clair donc que la libération de la famille française va augmenter la pression sur les autorités algériennes qu'exercent sur elles les familles des otages et l'opinion publique qui estiment légitimes qu'elles devraient faire preuve de plus de « souplesse » dans leur position sur le principe du refus de toute négociation avec les ravisseurs. Ces autorités sont en droit en tout cas de demander des éclaircissements aux parties étatiques mêlées à la libération de la famille française sur ce qu'elles ont fait et concédé pour l'obtenir. La lutte contre le terrorisme et la prise d'otage à laquelle se déclarent résolus sans concession ces Etats et pour laquelle ils demandent toujours plus en terme d'engagement à l'Algérie, ne peut être efficace et dissuasive si ceux qui la mènent sont animés par l'esprit du « chacun pour soi » dès qu'une prise d'otage concerne leurs ressortissants nationaux respectifs.