L'agence Algérie Presse Service a diffusé, hier après-midi, des photos du président Abdelaziz Bouteflika rencontrant, à Paris, aux Invalides, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal et le chef d'état-major de l'armée algérienne, le général Gaïd Salah. La chaîne publique A3 a diffusé dans son JT de 17 heures des images muettes du président discutant avec deux hommes. On y voit le président sirotant un café de sa main droite tandis que la main gauche paraît crispée et figée. Ces images devraient permettre d'atténuer l'impact du «ratage» de la veille où le Journal télévisé très attendu s'est contenté de montrer une image fixe de M. Sellal et de faire la lecture d'une courte dépêche sur la visite qui a eu lieu à l'institution des Invalides. Tout le monde attendait des images qui ne sont pas venues, ce qui a eu pour effet de relancer les rumeurs qui, depuis une cinquantaine de jours, défraient la chronique alors que la scène politique officielle est quasiment pétrifiée. Un bulletin de santé signé par ses médecins accompagnateurs, les professeurs Sahraoui Mohcène et Metref Merzak, a évoqué un AVC «sans retentissement sur les fonctions vitales». Mais une phrase a retenu l'attention et suscité des interrogations et des interprétations: il y est question d'une «période de soins et de réadaptation fonctionnelle en vue de consolider l'évolution favorable de son état de santé». Certains y ont vu un signe de la gravité de la maladie. «READAPTATION FONCTIONNELLE» Les images montrées hier où la main gauche du président semble figée éclairent peut-être la formule de «réadaptation fonctionnelle». Cinquante jours après, un effort de communication un peu plus consistant est fait où le président paraît bien affecté par son AVC mais dans une situation beaucoup moins grave que le créditaient les rumeurs. Un communiqué de la présidence insiste sur le fait que le président s'occupe des affaires de l'Etat et qu'il a reçu de M. Sellal, un «rapport exhaustif sur la situation générale du pays et sur les activités du gouvernement». Selon le communiqué, le président a insisté sur «la nécessité de suivre de près la réalisation des projets en cours» et a demandé au Premier ministre de «veiller à la bonne prise en charge des préoccupations du citoyen, notamment en cette période de préparatifs du mois sacré du Ramadhan et de la saison estivale». Il lui a également demandé de «finaliser le projet de loi de finances complémentaire 2013, ainsi que l'ensemble des autres projets de loi, examinés par le gouvernement afin qu'ils soient prêts pour leur adoption au prochain Conseil des ministres». Il semble que l'annonce par un journal d'extrême-droite, Valeurs Actuelles, de la mort de Bouteflika avant de rétropédaler à une «incapacité» a convaincu le cercle présidentiel de communiquer autrement que par des déclarations d'officiels absolument sans impact. Il faut dire aussi que le manque d'informations devenait pesant en Algérie où certains ont appelé à la mise en application de l'article 88 de la Constitution prévoyant l'empêchement du président de la République pour des raisons de santé. L'absence d'images était considérée par les défenseurs de cette option un «signe» que l'état de santé du président est très grave et qu'il était dans une incapacité que l'on chercherait à cacher. Selon l'article 88 de la Constitution algérienne, le poste de président de la République est déclaré vacant après 45 jours si le chef de l'Etat se trouve dans l'incapacité d'exercer ses fonctions. Le président du Conseil de la nation assure dès lors l'intérim, et une élection présidentielle est organisée dans les soixante jours. L'ARMEE REJETTE LES APPELS A DESTITUTION L'armée a rejeté fermement les appels qui lui ont été adressés pour destituer le président. Le plus direct est venu de Mohamed Mechati, membre du groupe des 22, qui a demandé à l'armée «d'agir vite»: «Votre courage et votre patriotisme, dont nous ne doutons pas, doivent vous faire agir vite; il y va de la survie de notre pays. Les Algériens vous en seront reconnaissants». Hier, un communiqué du ministère de la Défense opposait une fin de non-recevoir à ces appels. «L'Armée nationale populaire (ANP) est une institution nationale républicaine aux missions clairement définies par la Constitution» avec une «mission permanente de sauvegarde de l'indépendance et de défense de la souveraineté nationale». Affichant son légalisme, l'ANP affirme être «pleinement dévouée à assumer sa noble mission dans le respect rigoureux de la Constitution et des textes de loi régissant le fonctionnement des institutions de l'Etat algérien sous la conduite de M. le Président de la République, chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale».