Syndicats et patronat réclament le retour du crédit à la consommation. Mais le gouvernement, tout en se déclarant favorable, maintient le statuquo, qui lui offre un levier pour influer sur la consommation et l'inflation. Le crédit à la consommation, suspendu depuis trois ans, fait l'objet d'un large consensus en Algérie, mais le gouvernement n'ose pas franchir le pas pour le rétablir. Alors que les organisations patronales et les syndicats demandent, à l'unisson, un retour de la formule, et de la consacrer éventuellement aux produits fabriqués localement, l'exécutif hésite encore. Il redoute une nouvelle explosion de la consommation et un boom des importations, alors que l'impact d'une telle mesure sur la production locale n'est pas assuré. Longtemps réservé au seul logement, le crédit a été étendu à la faveur de l'embellie financière qui a accompagné la hausse des prix du pétrole, au tournant du siècle. Il s'est rapidement développé, essentiellement dans le domaine de l'automobile, provoquant une véritable explosion des importations, qui ont dépassé le demi-million en 2012. Le gouvernement de M. Ahmed Ouyahia avait mis fin à la formule dans la célèbre loi de finances complémentaire de 2009, qui avait consacré le «patriotisme économique», en établissant la règle du 51/49 et la taxe sur les véhicules neufs. Les hausses des salaires, décidées en 2011/2012, dans la foulée du «printemps arabe», ont ensuite provoqué une hausse sensible des revenus, et permis à de nombreuses catégories de salariés d'aspirer à un nouveau modèle de consommation. Cette boulimie est toutefois contrariée par l'absence de crédit, qui freine les achats. LE MINISTRE DES FINANCES SE DECLARE FAVORABLE C'est d'ailleurs l'UGTA, premier syndicat du pays, qui a demandé le rétablissement du crédit à la consommation. M. Abdelmadjid Sidi-Saïd, le patron de l'UGTA, ne rate aucune occasion pour renouveler cette revendication. Il l'a encore défendue le 10 octobre, lors de la réunion de la tripartite. C'est également lui qui a suggéré que la formule soit réservée aux produits locaux. Syndicats et patronat se retrouvent d'ailleurs, pour une fois, sur la même ligne, pour défendre le retour à la formule. Abdelwahab Ziani, vice-président de la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA), a présenté cette mesure comme «un véritable encouragement» à l'industrie locale, dont la faiblesse inquiète tous les acteurs de la vie économique. L'industrie algérienne représente moins de cinq pour cent du PIB, et elle a encore baissé durant le premier semestre 2013, malgré les mesures prises pour relancer le secteur. M Ziani a noté qu'il «y a une crise de la consommation, une mévente de produits» fabriqués localement. Il a mis en cause plusieurs facteurs, notamment la période des vacances durant l'été, pour expliquer le manque d'engouement pour les produits locaux, et demandé au gouvernement de revenir au crédit à la consommation pour permettre à l'industrie de rebondir. Dimanche, M. Mahi Khelil, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale (APN, chambre basse), a regretté que la loi des finances pour 2014, actuellement en discussion au parlement, ne rétablisse pas cette disposition. Certes, il faut «s'entourer des garanties nécessaires», mais il faut revenir à cette formule pour «encourager la production nationale», a-t-il dit. UNE DECISION COMPLEXE Même le ministre des finances, M. Karim Djoudi, déjà en poste quand le crédit à la consommation était en vigueur, s'est déclaré favorable à la restauration de la formule. « Je suis partisan du crédit à la consommation pour la production nationale», a-t-il déclaré. Il a toutefois précisé que cela reste tributaire de la mise en place de formules de garantie pour éviter un surendettement des ménages. «Il faut attendre que la Banque centrale mette en place la centrale des risques», a-t-il prudemment dit, excluant un retour à la formule dans l'immédiat. Officiellement, le risque d'un surendettement des ménages et d'un dérapage du crédit justifierait largement le report de la mesure. Le gouvernement est toutefois satisfait du statut actuel. En forçant les ménages à utiliser leurs économies, le gouvernement trouve un levier pour maitriser l'inflation. Il évite aussi un nouveau bond des importations, qui résulterait inévitablement d'un boom de la consommation. En effet, les produits locaux auxquels le crédit pourrait profiter sont essentiellement fabriqués à partir de composants importés, comme l'électroménager. En outre, une telle mesure sera difficile à mettre en œuvre, relève un économiste, qui se demande « à partir de quel taux d'intégration il faudra accepter le crédit ». Pour lui, il faudra se contenter du label «made in Algeria», ce qui signifie que tout travail d'assemblage sera considéré comme une production nationale ». « Ce serait un bon départ, mais la mise en place sera très complexe», avertit-il, tout en rappelant qu'il n'y a que deux ou trois pays au monde, dont l'Algérie, où on achète une voiture cash.