Le président Abdelaziz Bouteflika a évoqué, dans un message de condoléances adressé au général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, et aux familles des victimes du crash de l'avion militaire, survenu mardi à Oum El-Bouaghi, les grands tumultes qui traversent le pouvoir depuis la charge d'Amar Saadani contre le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) et de son chef, le général Mohamed Médiene, dit Toufik. Un message trop général pour être interprété comme un franc désaveu d'Amar Saadani même s'il semble appeler à l'apaisement et à la retenue. Cette sortie présidentielle, que d'aucuns jugent tardive et insuffisante, est une mise en garde des manœuvres présumées attentatoires à l'unité de l'armée. «Nul n'est en droit, quelles que soient ses responsabilités, de s'en prendre à l'Armée nationale populaire ni aux autres institutions constitutionnelles», a indiqué le président de la République. «Nous sommes certes habitués à des dépassements émanant de certains milieux à l'approche de chaque échéance mais, cette fois-ci, l'acharnement a pris une ampleur telle que notre pays n'a jamais connue depuis l'indépendance allant jusqu'à tenter de porter atteinte à l'unité de l'Armée nationale populaire ainsi qu'à la stabilité du pays et à son image dans le concert des nations». Le message semble, a priori, un désaveu tardif de la sortie, inattendue et sans précédent, du secrétaire général du FLN mettant en cause l'omnipotence du DRS et dressant une longue liste de ses «échecs». Amar Saadani rétorque, lui, avec une certaine assurance, qu'il n'est pas le seul destinataire du message présidentiel. «C'est un message adressé à tous, à tous les niveaux de responsabilité, de ne pas porter atteinte et de ne pas jouer avec l'institution militaire». Amar Saadani semble enfoncer le clou en affirmant, selon des propos rapportés par Ennahar, que le président Bouteflika «prépare une nouvelle étape dans la vie de l'Armée nationale populaire». QUI PURIFIE QUI ? Il n'est pas certain que le message du président de la République soit un signal de la fin de la partie du bras de fer engagé au sein du régime. Bouteflika semble lier de fait ces soubresauts à l'échéance présidentielle mais il n'a pas toujours clarifié ses intentions sur cette question qui est un motif réel de crispation du climat politique. Il reste cependant très imprécis sur ces «certains milieux» qui auraient lancé une attaque sans précédent depuis l'indépendance contre «l'unité» de l'armée et la «stabilité» du pays. Trop peu, trop vague alors que le message évoque des thèmes d'une extrême gravité. C'est pour cela qu'il est improbable que cela arrête les débordements -parfois fangeux- qui émanent du sérail où se pose ouvertement la question «qui purifie qui ?» (Men youtahirou men). La sortie d'Amar Saadani -est-il allé plus loin que ce qu'on lui demandait ?- a ouvert la boîte de Pandore. Comme en témoigne la charge de l'ancien général Hocine Benhadid contre le président Bouteflika et son frère dans un entretien publié simultanément par El Khabar et El Watan. UNE RIPOSTE AU MORTIER Le général Benhadid, qui s'est positionné en faveur de Benflis en 2004, a tenu «à préciser» qu'il parlait à la demande de ses «frères d'armes parce que l'on ne peut pas laisser durer une telle situation». La riposte est directe : Saadani ne pèse rien, c'est le président qui l'utilise pour affaiblir le DRS. Il accuse ouvertement le «clan» présidentiel de «jouer avec le destin de l'Algérie». «Le DRS a toujours été ciblé par la Présidence pour l'affaiblir, cela dure depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir. Le DRS est une institution militaire et l'armée est l'ultime protecteur du pays». Il affirme que Bouteflika est «otage de son entourage» et qu'il est dans l'incapacité d'exercer ses missions. Saïd Bouteflika est directement ciblé par Benhadid. «Tout le monde est à plat ventre devant Saïd, les ministres, les walis, la police, les hauts responsables Il gère via le téléphone de la Présidence, donc les gens obéissent. Et dans l'armée, Gaïd Salah est avec lui. Mais je précise qu'il ne s'agit que de Gaïd Salah en tant qu'individu -pas l'armée entière en tant qu'institution- qui est le soutien de Saïd». Certains ont vu dans le message de Bouteflika le signal de la «fin de partie». La riposte au mortier de Benhadid montre que le sifflet n'a pas été entendu. Et que la Présidence n'est pas considérée comme un arbitre par une partie des forces en action dans le sérail.