Tous leurs discours se ressemblent du côté des partis politiques. Ils disent, donc, « les électeurs nous ont envoyé un message clair. Il nous faut être davantage à leur écoute ». Et blablabla. A se demander à quoi ils passent leur temps durant toute une législature ou avant les rendez-vous électoraux. Chez nous, nos politiques, ancrés dans l'opposition, ne répondent pas à ce schéma. Comme ils savent tout, et se disent au contact des électeurs, et comprennent ce peuple, le temps des élections, leur échec ils l'expliquent par la manipulation des scrutins. Ce qui pourrait être vrai, dans un sens, mais encore ? Reconnaissons, cependant, dans la bouche du secrétaire général du Front de libération nationale un doute. Léger. Mais un doute tout de même lorsqu'il affirme qu'il faudrait penser à créer plus d'espace à l'opposition dans la prochaine mouture de la constitution ou plutôt de l'ajustement du texte fondamental de la République. C'est gentil d'accorder ce strapontin à l'opposition. Ce sera, s'ils s'exécutent, un couloir tellement étroit qu'aucune initiative n'aboutira, ne parviendra à trouver son chemin. Est-ce du pessimisme que d'écrire cela ? Non pas. Je prétends seulement me limiter à l'expérience politique de ces dernières années qui veut qu'un débat politique n'est autorisé, ou permis, que dans la mesure où ladite majorité, en fin de parcours, a le dessus sur ceux qui ont eu, souvent, raison trop tôt. On a justifié ainsi les débats d'idées et le plein exercice de la démocratie. Les dés, en fait, étaient et seront pipés. Il est bien rare, dans les casinos, tous les joueurs vous le diront, qu'une table perde trop d'argent pour justifier une sorte de deuil, ce drap noir dont on la couvre. Le drap noir, qui équivaut en politique à un coup d'Etat, ne fut pas étendu sur la table de l'Algérie. Mais la rue avait son point de vue. La réponse citoyenne s'est résumée à ceci: «puisque vous ne voulez pas nous écouter, vous ne voulez pas de nous, alors nous nous lavons les mains et ne vous accordons pas notre appui». Ceci dit, ne soyons ni binaire ni anxiogène. Dans un même panier on trouve de tout. Globalement, au sein de chaque parti, la lutte est permanente entre la défense de l'intérêt public et celui de la structure à laquelle on appartient, à laquelle, bien entendu, on doit fidélité. Ce ne sont pas toujours les premiers, malheureusement, qui ont le dernier mot. Le plus souvent on n'avance pas. On s'agite. On pédale dans la semoule quand nous disposons de pétrodollars pour l'acheter sur les marchés mondiaux. Des solutions ont été apportées de par le monde pour répondre au décalage entre la volonté populaire immédiate et le pouvoir législatif et exécutif. On pense, bien sûr, aux Etats-Unis où, dans les grands quotidiens, existe un ombudsman. Au-delà la Méditerranée, juste en face de nous, ils l'ont appelé, à l'échelle de l'Etat, le médiateur. Comme nous avons tendance à aller chercher des idées ailleurs, en oubliant notre histoire et notre culture, nous passons à côté de ce que nous fûmes. L'ombudsman n'est pas une invention occidentale. Elle est chinoise, datant de la dynastie Quin, 221 avant la naissance de Aissa fils de Mariem, que l'on adopta, en Corée, durant la dynastie Joseon. Puis en en terre d'Islam. Le khalife Omar Ibn Khattab (634-644) institua al Qadi al Qadat. En institutionnalisant cette fonction, nous n'aurons donc rien inventé. Nous aurons réintroduit un mode de gestion, de contrôle qui sans doute nous manque à tous les échelons. Il est d'autant plus nécessaire que le monde devient complexe, les relations souterraines et que la confiance seule ne suffit pas si elle n'est pas accompagnée de contrôle et de sanction. De la base au sommet. Indiquer que certains fonctionnaires demandent, en roulant les yeux, un « café » au citoyen pour lui délivrer un extrait de naissance ou un acte de mariage n'est pas de la délation parce que, sans le nommer, cela conduirait peut-être les autorités à se pencher sur les conditions matérielles de ces hommes pour les corriger, ou le corriger en lui enjoignant d'aller exercer leur trafic entre quatre murs. Je sais de quoi je parle, j'en fus victime. Si cette vigilance citoyenne était mise au goût du jour, il y a fort à parier que les dérapages seraient moins courants. Et que la chose publique devienne vraiment publique, c'est-à-dire l'affaire de tous. J'imagine bien le flot de courriers qui inondera nos pauvres responsables de cette structure. Au début de l'opération. Avant que tout ne rentre dans l'ordre. Soyons-en certains. Ces actions citoyennes pourraient prévenir les scandales financiers que nous avons connus et qui auraient pu être évités si, au premier virage mal négocié, l'auteur du méfait avait capoté. Et les conseillers municipaux, les conseillers départementaux et les députés, à quoi serviraient-ils dans ce cas ? Justement à légiférer, à cadrer les initiatives. A faire de ces révélations un outil supplémentaire de bonne gouvernance. Si nous tentions cette expérience, Monsieur le Président ? Il n'y a rien à craindre de ces hommes. Il ne s'agit pas de la Cour des comptes qui, comme vous le savez, peut être instrumentalisée. Je parle de ces hommes - dont il faudra définir les contours - que l'on ne dégomme pas comme on veut. Ils sont désignés, ou élus, pour un mandat unique. Trois ans. Pas comme vous, Monsieur le Président. Car le principe de base est qu'ils ne doivent pas non plus prendre racine et que leur vigilance se ramollisse. Je suis certain que vous êtes de notre avis, n'est-ce pas ? Et le temps viendra enfin où ce qui est juste devienne fort à défaut de laisser la force devenir juste.