Au-delà des éléments matériels de l'enquête judiciaire qui laissent peu de doute sur l'auteur de l'attentat, des zones d'ombres demeurent et soulèvent de sérieuses interrogations sur la motivation de ses commanditaires. Jusqu'à dimanche soir, l'auteur présumé de l'attentat commis, le samedi 24 mai, contre le musée juif de Bruxelles, Mehdi Nemmouche, n'avait pas encore parlé ou avoué être l'auteur du triple assassinat. C'est ce qu'ont affirmé les procureurs français et belge, lors de leurs conférences de presse, tenues dimanche après-midi, simultanément, à Paris et Bruxelles. En revanche, beaucoup d'éléments matériels, trouvés en possession du suspect sont « probants » et prouvent qu'il est bien l'auteur de l'attentat. Les armes, une kalachnikov et un pistolet, la tenue vestimentaire ainsi qu'une mini- caméra et un appareil photos correspondent, tout à fait, à ceux constatés sur les vidéos des caméras de surveillance du musée qui ont filmé l'attentat. Et puis, il y a l'itinéraire et le profil du tueur qui entre dans le champ de ce genre d'attentat : Mehdi Nemmouche, de nationalité française, était connu et fiché par les services de renseignement français, la direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI, ex- DST), comme activiste islamiste radical, ayant séjourné en Syrie, entre décembre 2012 et début de l'année 2014, soit plus d'une année. Il est soupçonné de s'être engagé dans le combat, en Syrie, dans les rangs des djihadistes de l'Etat islamique, en Irak et au Levant (EIIL). Avant son engagement dans le djihad, Mehdi a vécu une adolescence et une première jeunesse de délinquant : il aurait eu 6 ou 7 condamnations pour des braquages, agressions et vols. Les sources judiciaires françaises affirment qu'il aurait été « radicalisé » et entraîné dans les réseaux terroristes islamistes, en prison. Cependant, malgré ce profil, sans faille, du tueur présumé, des zones d'ombre subsistent et soulèvent certaines interrogations. D'abord la résidence ou le domicile de Mehdi Nemmouche : ni les policiers, ni mêmes les membres de sa famille n'ont pu le préciser. Selon les mêmes sources, il aurait vécu une adolescence en France, entre Roubaix et Tourcoing, où résident des membres de sa famille, mais pas lui. Il est dit qu'il a passé de longs séjours en Belgique, Courtrai et Bruxelles. Il a même séjourné en Allemagne, où il fût intercepté par la police allemande pour un délit et relâché. Toutes ces indications ne disent pas où vivait, légalement et en permanence, Mehdi Nemmouche. On parle de lui comme d'un SDF. Sa propre tante et sa grand-mère, interrogées par la police, ont affirmé qu'elles ne l'ont vu que sporadiquement, dont la dernière fois remonte à la fin de l'année 2012, juste après sa sortie de prison. Cet homme de 29 ans était, jusqu'à dimanche soir, un mystère. LA TROUBLE COINCIDENCE ALLEMANDE Dans cet ensemble d'éléments « probants », aucune source judiciaire ou policière, aucun média n'a relevé la troublante coïncidence entre le tueur et ses victimes : deux d'entre-elles étaient (ou avaient été) employées par les services secrets israéliens, le Mossad, en Allemagne. Et Mehdi Nemmouche a séjourné en Allemagne et a été arrêté, puis relâché par la police allemande. L'appartenance des victimes au Mossad israélien a fait réagir le gouvernement de Tel-Aviv qui a dépêché, dès l'annonce de la tuerie, ses propres enquêteurs à Bruxelles. La presse belge parle, aussi, de l'arrivée en renfort d'agents du FBI américain. Ces éléments, précisons-le, s'ils ne préjugent pas, automatiquement, d'une « guerre des services secrets », ne peuvent écarter l'idée d'une manipulation ou d'un « règlement de compte », entre quelques factions secrètes du monde trouble de l'espionnage et contre-espionnage. Le tueur Nemmouche n'étant que l'exécutant manipulé par une « force » » plus complexe et plus secrète de la guerre entre services. Cela ne justifie, bien sûr, en aucun cas, la tuerie du musée. L'attentat contre le musée juif reste une ignominie, un acte barbare, une atteinte à la dignité humaine et son auteur ne doit bénéficier d'aucune complaisance ou clémence. D'ailleurs, dès l'annonce de la tuerie, le 24 mai, des personnes de toutes confessions et toutes origines ont afflué sur les lieux du drame pour témoigner de leur solidarité avec la communauté juive. Le président des associations juives de Belgique a tenu à remercier les musulmans et chrétiens qui lui ont apporté leur soutien. Reste qu'après la fin de la garde à vue de Mehdi Nemmouche, détenu par la DCRI française, et qui risque de se prolonger jusqu'à mardi, voire jeudi prochain, se posera la question du pays qui le jugera : la France peut le faire parce qu'en plus de sa nationalité (française), l'une des 3 victimes décédées est française et il a été interpellé en France. La Belgique qui a lancé un mandat d'arrêt européen contre le tueur, est aussi en droit de le juger puisque l'attentat a eu lieu sur son sol et il y a une victime belge. Israël qui a rapatrié les corps des défunts, au pays et reconnu que les deux victimes ont appartenu à ses services secrets, se constituera, sans aucun doute, comme partie civile.