Une cinquantaine de spécialistes de l'anthroponymie en provenance de plusieurs établissements universitaires du pays ont pris part, hier et pour une durée de deux jours, au séminaire national dédié à la problématique de la gestion de l'état civil, notamment en matière d'écritures. Comment interroger l'histoire, l'identité et la généalogie à partir de données anthroponymiques ? Comment se sont construits historiquement les noms de personnes algériens ? Comment se sont opérées les variations à travers le temps et l'espace ? De quelle manière l'algérianité en tant que paradigme identitaire multiple est-elle représentée dans la dénomination des personnes ? Telles sont les questions proposées au débat de la rencontre initiée par la division Anthroponymie, de l'Unité de recherche sur les systèmes de dénomination en Algérie (RASYD) du Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC). Pour Ouardia Yermeche, chef de division Anthroponymie, cette problématique est le résultat d'un double legs, à savoir celui du système d'état civil imposé en 1882 par l'administration coloniale dans le seul but de mieux museler les populations autochtones et la transcription du latin à l'arabe décidée en 1984 dans le cadre de l'arabisation de l'état civil national. A une question relative sur les statistiques en matière de réclamations sur les écritures d'état civil, notre interlocutrice précise que les chercheurs sont confrontés à des difficultés pour l'accès aux informations au niveau des APC et, à chaque fois, il leur est exigé des autorisations de la part de la tutelle. Néanmoins et pour illustrer l'ampleur de cette défaillance, au niveau de l'APC de Tizi Ouzou et durant le premier trimestre de l'année en cours, pas moins de 800 cas ont été signalés par des citoyens et donc contraints de passer par une procédure judiciaire du fait que l'officier d'état civil n'est pas habilité à procéder aux rectifications souhaitées. Des enquêtes auprès des citoyens ont conclu, selon Mme Yermeche, que plusieurs d'entre eux déplorent des erreurs commises par les officiers d'état civil, notamment quand il s'agit de transcriptions du latin vers l'arabe en expliquant ces écarts par l'absence de normes d'orthographe et d'estimer que cela est dû au fait que toutes les opérations qui ont touché la gestion de l'état civil étaient faites dans la précipitation et cela pour répondre à des impératifs de demande accrue. En revanche, force est de constater que les effets ont été contraires et, par conséquent, il ne s'agit pas de repenser la gestion de l'état civil, mais carrément de le penser. « La balle est donc dans le camp des politiques », indiquent nos interlocuteurs. Par ailleurs, notre interlocutrice a rappelé que, depuis plusieurs années, cette problématique a constitué un centre de recherche pour les spécialistes et la sonnette d'alarme a été à chaque fois tirée pour interpeller les institutions qui doivent plancher sur cette question et de trouver les meilleures solutions. A noter que dans ce contexte, plusieurs maires ont été conviés, à l'instar de ceux d'Oran et de Mostaganem, mais ces derniers n'ont pas répondu à l'appel.