Nos marchés de vente de fruits et légumes, grouillants et désordonnés, continuent de porter, en eux, les petits lambeaux de l'âme de la ville. Plus qu'un rituel, faire ses achats, c'est également, avec consentement, se laisser avaler, au plus près, par la proximité et la promiscuité. Briser, en un laps de temps, furtif son anonymat, pour aller se ressourcer dans ce terreau, bon enfant, de bagout et de bavardage. A Oran, les marchés des fruits et légumes, par le bouche-à-oreille, sont classés, selon la qualité et les prix pratiqués. A l'instar de celui de Mdina J'dida indétrônable, depuis des lustres, le marché d'El Hamri occupe la bonne place et on y vient, de partout, pour faire ses achats. L'offre variée est de bonne qualité mais les prix ne sont pas plus avantageux que les autres marchés et le seul privilège permis est que le client peut choisir et trier, par lui-même, le fruit ou le légume qu'il doit acheter. Au marché de la rue des Aurès (Ex La Bastille) les prix sont bien abordables, les plus bas, même à Oran, mais le seul hic c'est que le client ne doit pas choisir c'est au vendeur de le faire. Eh bien sûr l'étal on met en avant la bonne qualité mais ce qui est servi est tout autre. Autre avantage, surtout pour le retardataires, il reste ouvert jusqu'à tard, en fin de journée. Quant au marché d'Essedikia, les prix sont élevés, même très élevés, mais la qualité est de 1er choix. Pratiquement, dans chaque quartier, il existe un marché et les prix varient, selon la qualité. Pour ceux qui font leur achat, chaque semaine, dans les marchés hebdomadaires, comme celui de Maraval, il faut qu'ils se lèvent tôt pour choisir le meilleur produit car au-delà de 10h, ne subsiste que de la mauvaise qualité. Il y aussi des tics et des habitudes: telle personne va toujours et par habitude au quartier de son enfance pour faire son couffin et rencontrer ses connaissances et telle autre ne peut acheter son café ou sa viande que chez son vendeur habituel, question de confiance. Il y a, aussi, l'hygiène qui détermine l'attrait ou la désertion. On le voit auprès des boucheries et chez tout vendeur de produits périssables. En tous les cas, faire son marché, à tel endroit précis, est un rituel plus qu'une obligation pour meubler son temps et s'imprégner de l'humus décousu du bruit et des bousculades.. Et on l'a vu avec le peu de succès des marchés parisiens qu'on a voulu ériger pour remplacer l'étalage à même la rue.