Rabat persiste et signe et ne veut pas lâcher l'affaire de l'incident survenu aux frontières terrestres ouest le 18 octobre dernier. Le Maroc a ainsi réitéré, hier, sa demande d'ouverture d'une «enquête» de la part des Algériens au «sujet des tirs par l'armée algérienne sur des civils marocains près de la frontière», a déclaré en substance le ministre marocain des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar. Répondant visiblement à la pression du Parlement marocain, M. Mezouar a insisté devant les députés sur l'ouverture d'une enquête pour, dit-il, «éclairer l'opinion publique internationale». Cité par l'agence MAP, le ministre marocain a appelé Alger à «mettre en place une commission» d'enquête afin «d'élucider les circonstances de cet incident». Le Maroc avait accusé, le 18 octobre dernier, des soldats algériens, d'avoir tiré délibérément sur un citoyen marocain le blessant grièvement à la frontière commune. Selon la version marocaine, un Marocain de 28 ans a été grièvement blessé au visage après le tir par un soldat de l'armée algérienne de trois balles sur une dizaine de civils, au niveau de la commune de Beni Khaled. La victime se trouve dans un état très critique. Réclamant des «explications» d'Alger sur ce qui est qualifié d'«incident grave», le département des Affaires étrangères marocain a convoqué l'ambassadeur algérien à Rabat et exigé que l'auteur des tirs soit «traduit en justice». Le ministre marocain de l'Intérieur, Mohamed Hassad, a affirmé de son côté, à propos de l'incident que l'intention était clairement destinée à tuer. Le maire d'Oujda, quant à lui, a déclaré que la communauté internationale doit s'impliquer dans ce type d'incidents et que lui-même se proposait de saisir le Conseil de l'Europe. La réaction algérienne n'a pas tardé puisque, tout en démentant la version donnée par le Makhzen, Alger a accusé Rabat de manipuler et de travestir les faits. Dans une déclaration du porte-parole des Affaires étrangères, Abdelaziz Benali Cherif, Alger récuse totalement les accusations marocaines et parle plutôt d'«une affaire montée de toutes pièces». Pour le département de Ramtane Lamamra, les gardes-frontières algériens n'ont fait que riposter, avec deux tirs de sommation en l'air, sans viser les civils marocains qui leur jetaient des pierres. «Il n'y a eu aucun blessé», affirmera M. Benali Cherif ajoutant que «ce genre d'incidents est fréquent». Alger, a de son côté, convoqué le chargé d'affaires marocain au ministère des Affaires étrangères où on lui a signifié le rejet par l'Algérie de toutes les accusations «fallacieuses» de la partie marocaine, précisant qu'Alger ne se laissera pas entraîner dans cette guerre des nerfs. L'Algérie dénonce également «l'exploitation politico-médiatique abusive qui en est faite par la partie marocaine», comme rapporté par un communiqué des AE. Le ministère a rappelé que «la réalité est qu'une patrouille de gardes-frontières qui a été ciblée, ce jour-là, par des pierres lancés par un groupe de contrebandiers marocains, a réagi d'une manière professionnelle, comme d'habitude, par deux tirs de sommation en l'air qui ne peuvent, en aucune manière, provoquer des blessures à quelques personnes engagées dans l'acte de provocation». Selon une version des faits, le samedi 18 octobre, vers 13h30, les GGF, en patrouille dans cette zone parsemée de tranchées, ont surpris 12 contrebandiers, originaires du Maroc, en train de creuser des brèches pour faciliter le passage des véhicules en nocturne. Pris de panique, ces passeurs s'en sont pris aux GGF en leur lançant des pierres. Suite à quoi, les soldats ont tiré des coups de sommation pour les disperser et procéder à leur arrestation. Les mis en cause ont alors pris la fuite vers le territoire marocain, plus exactement vers Ouled Ben Salah, relevant du district de Drar. Alors que ses acolytes ont réussi à rejoindre le sol marocain sans la moindre égratignure, la victime, présentée comme telle par la partie marocaine, trébuche et tombe à plat ventre avant de continuer sa course.