La confusion règne au Burkina Faso dont le président Blaise Compaoré a été contraint de démissionner sous la pression de manifestations populaires monstres qui ont éclaté dans le pays en riposte à son intention de faire avaliser par l'Assemblée nationale un projet de révision de la Constitution visant à lui permettre de se représenter en 2015 à l'élection présidentielle après 27 ans de règne. Deux officiers de l'armée ont prétendu chacun assumer désormais la fonction présidentielle vacante en se prévalant l'un et l'autre mandatés et par l'institution militaire et par le peuple burkinabé, ce dont apparemment les manifestants qui occupent toujours la rue à Ouagadougou ne veulent pas entendre parler. Il est donc à craindre que le calme n'est pas près de revenir au pays suite à ce qui s'apparente à une véritable tentative de récupération par les militaires du mouvement populaire insurrectionnel qui a chassé le désormais ex-président Blaise Compaoré. Il y a risque en effet que l'on assiste à une confrontation violente avec affrontements entre les deux ailes de l'armée du Burkina dont les chefs de file respectifs se disputent le poste laissé vacant par le président déchu mais aussi entre elles et la population véritable artisan de la chute de ce dernier. L'impression que des opérations de récupération du mouvement de protestation populaire anti-Blaise Compaoré ont été échafaudées a été perceptible avant même que celui-ci n'annonce officiellement sa démission. Les prémices en ont été la mise en avant orchestrée du général à la retraite, ancien ministre de la Défense de Compaoré limogé en 2003, Kouamé Lougué. Lequel général après avoir « consulté » (qui ? Là est toute la question) n'a pas attendu que Compaoré démissionne pour s'autoproclamer président intérimaire du pays et faire l'annonce de la mise en place d'un pouvoir de transition sous la conduite de l'armée dont il s'est prétendu le mandaté. Un autre officier, celui-ci haut gradé de la garde présidentielle, corps d'élite puissamment armé et fidèle au président déchu, a aussitôt fait entendre de son côté un autre son de cloche en faisant savoir que c'est lui qui assume désormais l'intérim présidentiel en accord avec l'institution militaire et celui de la population. Dans les deux cas la « récup » de l'insurrection citoyenne est apparue flagrante. Les principaux partis politiques ayant appelé à celle-ci et l'ont encadrée ne s'y sont pas trompés et demandent aux manifestants de la poursuivre jusqu'à ce que les militaires des deux bords renoncent à leurs tentatives et cèdent la conduite et l'organisation de la transition aux partis politiques et représentants de la société civile burkinabé, artisans du départ de Blaise Compaoré. Les ingrédients d'une situation chaotique au Burkina Faso après l'éviction de Compaoré sont à l'évidence réunis que des parties étrangères ont pensé en prémunir le pays en encourageant probablement les militaires burkinabés à prendre la direction. Ce qui est faire semblant d'ignorer que le ras-le-bol des « hommes libres » ainsi que s'appellent les Burkinabés englobe et le président déchu et l'armée qui a été le soutien répressif de son régime durant ses vingt sept années de règne. L'on sait en Afrique ce sur quoi débouchent les « transitions » laissées aux soins des armées nationales : quasi systématiquement sur la reconduction d'un système à l'identique de celui contre lequel se sont soulevées les populations de leurs pays. Il a été très vite tenté d'imprimer le même cours à la révolution des Burkinabés car pouvant être contagieuse pour la région dotée de régimes du même acabit que celui de Compaoré que leurs parrains étrangers ne veulent pas voir s'effondrer pour laisser place à des pouvoirs authentiquement démocrates et par conséquent soucieux de servir exclusivement l'intérêt de leurs pays et de leurs peuples. Le Burkina Faso vit un moment de vérité crucial dont l'aboutissement dépend de la maturité politique et des convictions patriotiques de sa classe politique et de sa société civile.