L'Union européenne s'est retrouvée, malgré elle, impliquée dans les disputes politiques algériennes. Le passage d'une délégation européenne qui a rencontré des partis et des membres d'associations a beau être prévu de longue date s'est télescopé avec l'appel des partis et personnalités membres de la CNLTD à la tenue d'élections présidentielles anticipées. Amar Saadani a saisi l'opportunité d'en faire un argument «nationaliste» sur le thème de l'ingérence et de la déstabilisation. L'occasion était trop «bonne» pour ne pas faire un procès en «trahison» aux membres de la CNLTD et les accuser de chercher des appuis extérieurs pour faire un coup d'Etat. Le tout entremêlé avec des constats, pas faux, sur l'impact des ingérences occidentales en Irak, en Syrie ou, plus proche, en Libye. Comme toujours dans ce genre d'affirmations, leur excès leur enlève tout crédit. Saadani n'ignore pas que l'accord d'association signé en 2002 comportant un volet politique qui permet ce genre de rencontres politiques. Et il n'ignore pas, non plus, que l'Union européenne n'en a pas fait un usage actif, car elle est d'abord - et elle l'est encore - soucieuse de préserver ses intérêts en Algérie. Et ce n'est pas avec les opposants, anciens ou «récents», que ces intérêts sont entretenus. Les Occidentaux, on le sait, ne sont pas des anges, ils «complotent». Mais ils ne sont pas idiots non plus. Ils ne vont pas comploter en plein jour allant, sous le regard de Saadani, rencontrer des membres de la CNLTD et d'autres. Les complots, par essence, n'aiment pas trop la publicité. Saadani est agacé par l'appel de la CNLTD à la tenue d'une présidentielle anticipée mais il en fait manifestement trop. C'est une habitude chez lui. Qui d'ailleurs comble d'aise les membres de la CNLTD et les rend aussi heureux que des petits chenapans qui font un tour pendable à leur maître d'école. «On n'a pas réclamé le contenu des comptes bancaires des responsables algériens», a persiflé Soufiane Djilali dans un tweet. Mais on observe néanmoins quelques évolutions assez curieuses comme celle d'Abdelaziz Rahabi, diplomate moulé, comme ceux de sa génération, dans le discours de la «non-ingérence», qui évoque une «solution» imposée de l'extérieur. «Nous avons proposé au pouvoir un changement intérieur calme mais la persistance du régime à se boucher les oreilles va accélérer en définitive l'imposition d'une solution extérieure». La formulation est assez ambiguë oscillant entre le constat et le souhait. Voire en une sorte de «retenez-nous ou l'ont fait un malheur». En vérité, cela ne fera que donner à Saadani et à d'autres du grain à moudre. L'Union européenne - et personne ne peut le lui reprocher - ne fait pas de la démocratie en Algérie un objectif. Elle n'a pas non plus vocation à suppléer au personnel politique local. Et encore moins à répondre à leur impatience. Elle s'occupe de ses affaires. Elle pourrait éventuellement - et c'est le cas de toutes les puissances - émettre des signaux si elle pressent que le rapport de forces a changé. On en est loin. La CNLTD n'a pas les moyens politiques - et populaires - de ses exigences. Cette agitation autour d'une visite de l'UE est bien vaine.