En perpétuelle quête d'un carré verdoyant, errant à longueur d'année derrière leurs troupeaux d'ovins, en particulier à travers l'immensité de la steppe, échaudés par plus de deux années de sècheresse et de disette, eu égard aux maigres et insignifiants rendements céréaliers obtenus en fin de saison, des milliers d'éleveurs n'ont qu'un seul mot sur les lèvres, à savoir la cherté de l'aliment du bétail, surtout en cette période dite de vaches maigres et où le bétail, affaibli par la vague de froid sans précédent qui a frappé la région ces dernières semaines, et vulnérable aux maladies, exige d'être mis à l'abri des fortes gelées nocturnes et averses torrentielles qui ne cessent de s'abattre sur le reste de ce plat pays du Sud- ouest oranais. L'aliment du bétail s'arrache à prix d'or et rares sont parmi les éleveurs qui arrivent à arracher, qui un sac de son, qui un sac d'orge ou d'avoine, pour calmer les estomacs de plus d'une centaines de brebis affamées. Après avoir parcouru des centaines de kilomètres et, bien avant le premier chant du coq, des dizaines d'éleveurs, détenteurs de cartes, délivrées le plus souvent sous le manteau et portant le nombre, quelque peu gonflé, de leur capital cheptel, venus des contrées les plus profondes de la steppe, se bousculent devant le portillon des deux organismes publics, du Nord du pays,chargés de la commercialisation du précieux produit alimentaire, dans l'ultime espoir de retourner avec quelques sacs d'orge, de qualité douteuse, à un prix presque inabordable. Les plus malins d'entre eux, ayant des appuis solides dans le monde de la paysannerie, de vrais seigneurs du mouton, bien infiltrés dans les rouages de l'UNPA et de la chambre de l'agriculture, obtiennent par on ne sait quel miracle, ou par tour de magie, des centaines de quintaux d'orge et de mais,en une seule fournée. Un commerce et une activité spéculatifs qui sont à l'origine de grosses fortunes puisque, sitôt acquis auprès des deux organismes publics (OAIC ou ONAB), ces sacs sont vite mis sur le marché local, mais à des prix prohibitifs. Entre 3500,00 et 4000,00 DA le quintal d'orge, tandis qu'un sac de son de 80 kg vaut son pesant d'or. C'est toute une faune de spéculateurs bien rodés, une véritable mafia du mouton, qui a fait main basse sur l'aliment du bétail, fixant comme bon lui semble le cours de la bourse de ce produit, ce qui ne manque pas de se répercuter négativement sur le prix de chaque tête de mouton et, par ricochet, sur celui des viandes rouges. Une spirale infernale qui déroute les éleveurs les plus honnêtes et fait grimper le prix du kilogramme de viande rouge, donnant ainsi le tournis et laissant sur le tapis le simple consommateur, vrai dindon de la farce, qui en fait les frais au bout de la chaîne de ce marché de dupes. Des intermédiaires de tous bords qui se sont introduits dans ce marché très juteux, faisant de lui la poule aux œufs d'or et pour cause, des dizaines d' unités de concassage de maîs et d'orge poussent comme des champignons un peu partout, y compris au niveau de chacun de la centaine de petits hameaux qui gravitent autour des chefs-lieux des 22 communes de la wilaya. Des fonctionnaires qui se sont vite découvert une nouvelle vocation de commerçant, ou des pasteurs qui ont flairé le filon et même de vieilles dames âgées mais cette fois-ci affiliées à l'UNPA, qui leur sert d'ombrelle pour se servir auprès des fournisseurs publics de l'aliment du bétail, tiennent la dragée haute aux petits éleveurs, soufflant soigneusement le chaud et le froid sur les prix. Pour les moins nantis des éleveurs, dont le capital cheptel ne dépasse guère la cinquantaine de têtes, faute de moyens de transport adéquats et d'un porte- monnaie bien garni, ils sont contraints de se rabattre sur le marché noir, auprès des patrons d'unités de concassage de maïs et subir ainsi une vraie saignée, débourser presque le double du prix d'un sac de mais les laisse le plus souvent raides et pantois, mais mieux vaut sauver le peu de têtes de moutons qui leur reste plutôt que d'opter pour une vocation de berger dans l'une des fermes des puissants éleveurs qui dominent les terres les plus fertiles, et qui régentent à leur guise et selon l'humeur du jour ou la couleur du ciel, l'exploitation des parcours juste au début du printemps, ne leur laissant le choix qu'entre se soumettre à la loi de la seigneurie, ces gros bonnets de la steppe, ou, au mieux, plier l'échine et s'engager comme pasteurs.Il faut savoir que, tant que les listes des éleveurs ne seront pas assainies et mises à jour pour éjecter les faux propriétaires de bétail, le marché noir de l'aliment du bétail aura, nous dit- on, de beaux jours devant lui tant que les listes des éleveurs ne seront pas apurées sérieusement, mais aussi définitivement et loin de la tutelle de l'UNPA qui s'est éloignée considérablement de sa mission et de son rôle, préférant séduire et charmer l'éleveur à l'aube de chaque échéance électorale, au profit exclusif de l' inamovible secrétaire général de cette organisation paysanne, et c'est ce qui a été décrié avec force lors de la dernière assemblée générale des petits fellahs et éleveurs, tenue ce week-end dernier, consacrée à l'élection des membres du bureau de la CRMA, laquelle s'est achevée en un cinglant échec.