«Nous avons été empêchés d'entrer dans la salle, nous avons de gros problèmes mais on ne veut pas nous écouter» Ce sont les premiers cris de colère lancés par un groupe d'éleveurs qui s'était placé à proximité de l'entrée de la salle où devait se tenir hier la réunion du ministre de l'Intérieur avec la société civile. «Nous sommes des éleveurs de camelins et de bovins, nous manquons de points d'eau et d'aliment du bétail, on nous refuse l'aide de l'Etat, nous traversons des distances importantes pour aller les trouver au Niger qui, lui, nous donne l'eau, ce n'est pas normal», se lamente l'un d'entre eux qui s'était présenté comme étant président d'une association des éleveurs. «Nous possédons 1.000 vaches et 3.000 camelins, nous vivons une grande crise, on pense que la France est toujours là parce qu'aucune autorité ne veut nous écouter, nous sommes pris dans un triangle entre In Guezzam, le Niger et le Mali, nous nous déplaçons entre ces régions pour faire vivre nos cheptels mais on veut avoir des points d'eau chez nous», réclame un éleveur dont les traits sont durcis par la nature et les cheveux blanchis par le temps. Il sait de quoi il parle quand il évoque «la nécessité de produire localement du lait et de la viande pour nourrir le front qui est aux frontières». L'on entend dire que les éleveurs doivent ainsi se déplacer pour nourrir leurs camelins «mais très souvent, au retour, on nous les saisit, c'est injuste». D'autres parlent de réseaux de trafiquants de drogue qui entraînent «des enfants qui se font prendre et emprisonner pour de longues années». Les problèmes sécuritaires aux frontières ont bouleversé des sociétés entières qui, habituées au troc avec les pays voisins, en dehors de tout cadre réglementaire, elles se retrouvent malmenées par des mouvements de trafics illicites divers. QUAND IN GUEZZAM MANQUE DE TOUT Il est clair par ailleurs, que dans ces régions, les éleveurs et agriculteurs - pas seulement, toutes les populations - sont issus de tribus diverses. Les accointances se construisent donc, selon les origines tribales des uns et des autres. Les conflits se déclarent en évidence, selon les intérêts de ces mêmes origines. La raison a cependant pris hier le dessus sur la bureaucratie et les pratiques de certains responsables zélés, le représentant du groupe d'éleveurs mécontents a été admis dans la salle et a pu faire parvenir sa requête au ministre de l'Intérieur. D'autres intervenants ont exposé le problème du manque d'infrastructures routières entre In Guezzam et Tinzaouatine mais aussi entre In Guezzam et Tamanrasset, le manque d'infrastructures hospitalières, pas de médicaments, pas de médecins ni de paramédicaux ni de lycées, pas de moyens pour l'éducation et la formation, l'absence de trafic aérien civil au niveau de l'aéroport d'In Guezzam «Nous voulons cette ouverture pour développer la région et empêcher ses habitants de s'adonner à des pratiques commerciales qui nuisent à l'économie du pays», explique l'intervenant. Le PAPW réclame, lui, la réalisation de projets industriels pour, a-t-il dit, «exporter vers les pays voisins». Les intervenants veulent aussi qu'une foire internationale soit organisée à In Guezzam pour «faciliter les échanges commerciaux légaux». Ils réclament l'élargissement de l'ouverture des frontières aux personnes. Le ministre de l'Intérieur résume ses propos. «Ces zones frontalières qui vivent des dangers sécuritaires doivent bénéficier d'un certain type d'administrations pour répondre aux préoccupations des citoyens», dit-il. Bedoui note que «mon déplacement est pour arriver à faire d'In Guezzam, une wilaya à part entière et capable de se prendre en charge». Il demande aux autorités locales et les élus, d'«aider les jeunes à participer dans le développement, l'avenir de la région dépend d'eux». Il plaide en faveur des valeurs participatives «devenues constitutionnelles, pour qu'elles deviennent une pratique». Il annonce alors que «dans les mois à venir, nous allons élaborer une loi organique pour les codifier et les mettre en œuvre». BEDOUI APPELLE LES ALGERIENS «A PRENDRE CONSCIENCE DES DANGERS » C'est ce que le ministre appelle «loi-charte de la démocratie participative, qui consacrera le droit au développement d'une manière équitable à toutes les régions du pays». Il rappelle encore et toujours qu'In Guezzam est «une zone frontalière à l'avant-garde des dangers sécuritaires qui sont dans la région». Elle est d'ailleurs une zone militaire par excellence. «A tous les Algériens à travers le territoire national», le ministre demande «qu'on s'élève à ce niveau de prise de conscience qui nous dicte l'exigence d'être vigilant, de nous rendre compte des dangers, risques et menaces sur notre pays, parce que nous ne pouvons nous contenter de nous appuyer sur notre armée et nos services de sécurité en général, le peuple algérien doit peser la gravité d'une telle situation». L'appel est valable pour «la société civile, les partis politiques, les médias». Le ministre de l'Intérieur veut que «tous font de la défense des frontières du pays, la priorité des priorités, sa sécurité et sa stabilité exigent de nous qu'on en soit conscients, qu'on accompagne notre armée qui surveille jour et nuit nos frontières». Il s'étonne, a-t-il noté, que «nous entendons des propos et des discussions très loin de cette réalité ( ), il ne faut pas qu'on oublie que nous avons été brûlés par le feu de situations similaires à celles qui prévalent dans des régions non loin des nôtres». Il a promis aux habitants d'In Guezzam que «nous avons pris des décisions, nous nous entendrons avec les membres du gouvernement sous l'égide du 1er ministre pour réaliser des réseaux routiers, développer les élevages, les circuits et les puits, construire l'hôpital de 60 lits dans des délais courts pour lequel vous devez préparer dès aujourd'hui l'encadrement qualifié».