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Académie algérienne de la langue amazighe : nécessité d'un bref aperçu (Suite et fin)
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 28 - 02 - 2016

Le vice-président est nommé par décret, initialement sur proposition du président de l'académie, pour une période de trois (03) ans. Il assiste le président dans les travaux scientifiques et le remplace dans toutes ses fonctions en cas d'absence. Le vice-président, sous l'autorité du président, supervise la gestion administrative et financière ainsi que celle des moyens de l'académie.
2. Organisation de la structure
L'académie est dotée des organes suivants :
• Le Conseil comprend l'ensemble des membres permanents de l'académie. Il est chargé notamment de mener des recherches et travaux nécessaires pour mettre en place des dispositifs théoriques et pratiques permettant de stabiliser l'orthographe, d'écrire des grammaires et de réaliser un dictionnaire général de la langue amazigh. Il a aussi pour attributions d'élire le président de l'académie et les autres membres du bureau pour un mandat de trois (03) ans renouvelable une fois ; d'élaborer et modifier le règlement intérieur ; d'élire les nouveaux membres de l'académie ; de constituer les commissions et adopter leurs travaux ; de fixer la méthodologie en fonction des objectifs susvisés ; d'adopter le programme de travail ; d'examiner le budget de l'académie proposé par le bureau ; de veiller à la publication des travaux scientifiques et, notamment, à la consécration des résultats et recommandations liés à la codification de l'orthographe, de la morphologie et du vocabulaire et d'évaluer et déterminer les travaux à récompenser annuellement.
Toutes les décisions du conseil sont prises à la majorité simple, en présence au moins des deux tiers (2/3) de ses membres. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.
Les assemblées se tiennent chaque semaine pendant les trois premiers mois qui suivent la fondation de l'académie (pour accélérer la mise en place de l'organisation, définir les tâches prioritaires, installer les groupes de travail et déterminer les méthodes d'application). Par la suite, les séances se tiendront 2 fois par mois pour examiner la langue et les travaux programmés.
• Le Bureau exécutif dirige l'académie. Il est composé d'un président, d'un vice-président et d'un secrétaire général. Ils sont élus parmi les membres permanents à la majorité des deux tiers (2/3) pour une durée de trois (03) ans renouvelable une fois. Le bureau est responsable devant le conseil et a pour attributions de veiller à l'exécution des décisions du conseil ; d'élaborer le programme d'activités; d'établir l'ordre du jour des travaux de l'académie; d'élaborer le projet de budget; de suivre la gestion administrative et financière et d'élaborer le rapport annuel de l'académie.
• Les Commissions de l'académie sont permanentes ou temporaires. Elles sont composées des membres permanents et correspondants. Le nombre de commissions, leurs missions et les modalités de leur fonctionnement sont fixés par le règlement intérieur de l'académie. Les commissions peuvent se faire assister dans leurs travaux par toute personne compétente parrainée par trois membres permanents.
Par exemple, au sein de l'académie, voici un cas de figure des commissions de travail chargées de différentes tâches dans le cadre de l'étude de la langue amazigh :
• Lexicographie : Cette commission se chargera du Dictionnaire général amazigh qui répertorie l'ensemble du patrimoine lexical sous une forme descriptive. Elle travaillera aussi sur un «Vocabulaire de la langue unifiée» qui, contrairement au dictionnaire général, est normatif et ne reprend que le vocabulaire commun.
• Grammaire : cette commission travaillera à la rédaction des bases grammaticales de la langue amazigh.
• Atlas linguistique du pays : le travail de cette commission consiste à réaliser, à partir d'enquêtes sur le terrain, une cartographie de la répartition géographique des différents dialectes parlés en Algérie.
• Onomastique : cette commission effectuera des recherches théoriques et historiques sur les noms propres en langue amazigh afin notamment d'unifier la toponymie et l'anthroponymie.
• Littérature : cette commission analysera aussi bien la littérature populaire que la littérature savante en langue amazigh.
• Phonie et orthographe : cette commission sera chargée de réaliser des études sur la pratique orale de la langue amazigh, qui varie selon les locuteurs et la région; ceci dans un but à la fois descriptif et normatif. Elle proposera des règles d'écriture et donnera sur tamazight des avis faisant autorité. Si au début on est tenté d'établir une orthographe uniforme, il ne faudra pas négliger de tenir compte de l'usage. C'est une position sage et prudente qui, au fil des années, permettra aux règles établies d'être acceptées comme normatives.
Influence de l'académie sur l'évolution de la langue amazighe
1. Rôle complexe ou défi à relever
S'il y a volonté réelle, il est certain que l'académie jouera un rôle important dans l'aménagement et le développement de la langue amazigh.
Les premières tentatives de diffusion du tamazight en dehors du cercle privé, comme au sein de certaines associations culturelles grâce à des initiatives individuelles, son introduction dans quelques établissements scolaires suite à la grève du cartable de l'année scolaire 1994-95 en Kabylie, le renouvellement de la presse en langue kabyle ou les tentatives d'alphabétisation des adultes dans cette langue, sont restées assez timides jusqu'à nos jours.
Parallèlement, cela n'empêcha pas la société amazigh de manifester avec force sa demande de normalisation de la langue. En particulier, pour le kabyle, dès les années 60 (et même avant) on a tenté d'établir des règles de base pour atteindre l'objectif de description de l'orthographe, du lexique, de la morphologie, de la conjugaison, etc.
Le travail de normalisation qu'effectuera l'académie rencontrera des réticences d'opposants à une langue unifiée considérée comme artificielle. Il est vrai que standardiser ou unifier une langue qui se présente au plan sociolinguistique sous forme de plusieurs langues aux aspects à la fois semblables, variables et communs s'avérera une besogne délicate dont l'enjeu déterminera l'avenir même de cette langue. Si l'on cherche la faisabilité, ce sera à coup sûr au prix de la séparation de la langue de son support social. La résultante sera la fabrication d'une langue de laboratoire dépourvue de locuteurs natifs et donc sans assise sociale. Ce sera un état de diglossie.
On pourrait arguer que l'enseignement, les médias et l'administration contribueront à l'adoption d'une langue unifiée. Mais le risque vaut-il la peine ? L'unification, si elle venait vraiment à se concrétiser, produirait un monstre linguistique dont aucun locuteur n'en voudrait.
La réalité linguistique et sociolinguistique de cette langue amazigh recommande un compromis d'unité dans la diversité. Certes, c'est un défi à relever que de réguler la langue avec ses diverses formes. La réalité complexe ne laisse pas beaucoup de choix !
2. Réforme de la langue
L'académie donne son avis sur la réforme de l'orthographe en cours. Une commission se tiendra pour analyser et publier des propositions de compromis. Elle jugera de la comparaison à des fins de documentation.
Au sujet des emprunts, on estime que tamazight peut absorber des mots d'origine étrangère, s'ils sont dans une proportion à hauteur de 5% du vocabulaire général. Il faut savoir aussi que beaucoup de ces mots disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus. Toutefois, l'académie recommande d'être attentif face à la prédominance de ceux-ci (qu'ils soient de l'arabe, du français, de l'espagnol ou même de l'anglais) dans les sciences, l'économie, la politique et la culture, et juge important d'affirmer et développer autant que possible la place de tamazight dans la diversité linguistique internationale, à l'instar de ce qui se fait pour d'autres langues comme le français, l'italien, le polonais ou le suédois.
Enfin pour ce qui est de la graphie, sujet à polémique actuellement, qui servira à transcrire tamazight, pour être efficace il est nécessaire de dépassionner le débat. Tamazight a acquis au cours des deux derniers siècles un capital important en documentation, en analyse, et en expérience d'écriture en caractères universels (n'en déplaise à certains) que s'il vient à l'idée de sacrifier ce capital sous prétexte que ces caractères seraient entachés de quelque sentiment que ce soit, ce sera vouer à l'échec toute entreprise de développement et de promotion de tamazight. Ceci étant dit, on peut tout à fait laisser utiliser encore les trois graphies en question pendant trois à cinq ans, et ce n'est nullement anti-pédagogique comme on l'entend dire. Cette période servira, d'une part, à mettre en place tous les outils nécessaires à l'aménagement linguistique, à poursuivre et consolider les expériences déjà engagées. D'autre part, cela permettra également de revoir le statut de tamazight et d'harmoniser la co-officialité des deux langues tamazight et arabe. Sans heurter les sensibilités, pédagogiquement et sereinement l'histoire fera le décompte.
Les germes de l'académie avant son officialisation
L'académie de la langue amazigh (AATA), sera l'institution académique officielle qui se consacre à la défense et à la normalisation de la langue amazigh. Sa création en 2016 sera la première mesure qui découle de l'officialité de tamazight en Algérie. Elle intervient après l'obtention du statut de langue nationale (en 2002), soit 14 ans plus tard. Désormais, tamazight est une langue nationale et officielle conditionnée en Algérie.
Le contexte historique de la création de l'académie de la langue amazigh correspond à la période du mouvement national connue sous le nom de «Revendication berbère» couvrant les années 1926 à 2015, qui mit en avant la langue amazigh comme valeur culturelle et identitaire à défendre et à promouvoir.
Le climat favorable à la naissance d'une académie chargée de défendre la langue amazigh a été créé depuis 1/4 de siècle par l'évolution et l'assouplissement politiques, nouvelle stratégie adoptée, ainsi que par les demandes expresses d'organisations politiques, des associations culturelles et des personnalités civiles algériennes éprises de démocratie et de liberté, mais surtout, conscientes du danger qui guette la cohésion sociale et l'unité nationale, ont poussé les pouvoirs publics et en premier lieu l'Etat à prendre des initiatives concrètes.
Lors de la crise dite berbériste de 1949, on envisagea la mise en place d'un groupe d'études amazighs pour la création d'une terminologie moderne. Une équipe s'est constituée et a composé des néologismes portant sur la révolution algérienne en cours.
Plus tard, après l'indépendance de l'Algérie en 1962, dans un contexte politique entièrement hostile à l'amazighité, une association à caractère culturelle composée de militants et d'intellectuels algériens donnera naissance en 1966 à ce qui est convenu d'appeler l'académie berbère à Paris (rue d'Uzès). Son objectif initial était la défense et le développement de la langue amazigh.
L'université d'Alger n'est pas en reste, à la fin des années 60, autour de l'écrivain Mouloud Mammeri un groupe d'étudiants amazighs s'est constitué et s'est donné comme objectif la composition d'un lexique de néologismes amazighs connu sous le nom d'Amawal atrar, d'abord ronéotypé au début des années 70 puis publié plus tard.
De même à l'université de Vincennes Paris 8, certains étudiants qui ont déserté l'académie Berbère ont fondé à partir de 1972 le Groupe d'Etudes Berbères (GEB) autour du professeur Mbarek Redjala. Parmi les activités du Groupe, un projet d'élaboration d'un dictionnaire de la langue kabyle fut initié. Pendant des années, une base de données se constituait peu à peu jusqu' à former un corpus conséquent de plusieurs milliers de mots.
En 1995, à l'avènement de la création du Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA), dans l'espoir de travailler enfin, hors de la clandestinité et avec les moyens de l'Etat algérien, l'exécution de ce projet de dictionnaire entamé au sein du GEB s'est poursuivie quelques temps. Mais c'était sans compter sur l'inertie, les entraves et la marginalisation. Dans ces conditions, le porteur du projet a décidé de surseoir à l'exécution de l'ouvrage au niveau de l'institution (HCA). Cependant, le travail personnel de recherche lexicographique n'a pas cessé pour autant, il continue à se faire à des rythmes irréguliers et des moyens dérisoires.
Toutes ces initiatives individuelles ou de groupes sont les embryons d'une Académie de la langue amazigh et forment un capital collaboratif non négligeable.


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