Les bus et les camions continuent encore et toujours de semer la mort sur les routes de l'Algérie profonde. Dans la soirée de samedi dernier, plusieurs familles ont pleuré la mort des leurs. 15 autres prient le Créateur pour sauver le reste des passagers. L'accident s'est produit dans la région de Boulekroud sur les hauteurs de Skikda, suite à une violente collision entre un minibus et un véhicule de tourisme, suivie de déviation des deux engins et puis une chute de 50 mètres dans un ravin, selon la Protection civile. Faire un éditorial sur ce drame ramène à écrire sur le carnage de juin dernier sur la RN 23 à Laghouat ou encore celui de Annaba, de Médéa, d'Alger, enfin de toutes les régions de l'Algérie. Aucune wilaya n'est à l'abri, aucune route n'est épargnée par ces fous du volant sortis tout droit de l'esprit enfiévré de George Miller, le réalisateur des Mad Max. Si dans la franchise australo-américaine les routes sont le terrain de chasse de prédateurs au volant en l'absence de toute représentation de la loi, en Algérie ces assassins au volant tuent avec un permis délivré par qui de droit. Les statistiques macabres ont ce quelque chose de déshumanisant, cette distanciation qui occulte l'étendue des drames asphaltés. Des chiffres froids comme la pierre tombale, impersonnels comme une chambre d'hôtel, qu'on égrène dans un pur souci de communication officielle. Dans un semblant et inutile discours préventif et moralisateur. La route tue partout ailleurs, mais chez nous la mort au volant est devenue presque une fatalité. Mourir sur la route en Algérie est entré dans la norme nationale, s'inscrivant dans les gènes des Algériens. C'est comme mourir de vieillesse ou de maladie incurable. Enterrer les morts du macadam est devenu banal comme ce fut le cas pour les victimes de la décennie noire. Du terrorisme islamiste au terrorisme routier, la boucle est bouclée comme si l'Algérien est condamné à mourir toute sa vie dans la violence. Quelle qu'elle soit. Face à cette hécatombe, l'Etat prend son temps. Tout son temps jusqu'à en devenir complice. De promesses non tenues à des textes de loi oubliés, le gouvernement n'a absolument rien fait, ces dernières années, pour arrêter cette hémorragie. Les Algériens continuent de nourrir les cimetières sans que le gouvernement ne décide à intervenir. Sa dernière trouvaille est de geler l'activité des bus de transport en commun se trouvant dans un état «vétuste». Pour le ministre des Travaux publics et des Transports, ces épaves sur roues seraient la première cause des accidents de la route, comme si c'était vrai. Pourtant, et si on respecte la logique du ministre, ces bus qui ne devraient pas circuler sur nos routes, le font quotidiennement, transportant leur cargaison humaine sans qu'ils ne soient inquiétés. Comment font-ils pour avoir le quitus des services concernés ? La question mérite d'être posée mais pour la réponse on peut toujours attendre dans la file des points d'interrogation restés sans explication. Reste simplement à rappeler que neuf personnes sont mortes samedi à Skikda. A méditer. *Titre du dernier Mad Max