Et si nous prenions un raccourci, à première vue simpliste et pas assez tranchant, pour tout mettre sur le dos de l?Ansej, cette boîte de Pandore qui, depuis des années, promet monts et merveilles à des milliers de jeunes foudroyés par le chômage ? Beaucoup d?observateurs avertis estiment que si les conducteurs des bus flambant neufs, poussent trop sur l?accélérateur avec à bord des vies humaines, c?est parce qu?ils sont décidés, dans une insoutenable course contre la montre, à faire le maximum de navettes entre la station de départ et le terminus, gagner plus et arriver, au bout, à épurer leurs dettes à temps. Les bénéficiaires des prêts bancaires, s?ils ne sont pas, eux-mêmes, au volant, ont tendance à recruter des jeunes adolescents, des dés?uvrés pour la plupart, moyennant des salaires dérisoires avec l?alléchant «bonus» des pourcentages ou de primes sur chaque navette effectuée. Cette machiavélique astuce ajoutée à la mode en vogue de conduire plus vite que son ombre peut être prise aujourd?hui comme un indice à même d?élucider le mystère du drame survenu hier, tôt le matin, à Bologhine. Ces dernières années, des accidents survenus aux quatre coins du pays ont tous pratiquement la même «trame» : la plupart des véhicules sont des bus de transport en commun, la majorité des chauffards sont jeunes et avides de folles sensations une fois rivés sur leurs sièges et enfin tous bénéficiaires de l?opération Ansej. Autant de détails choquants pour essayer d?explorer un autre terrain d?investigation et ne pas s?arrêter au simple constat factuel qui consiste, comme le font souvent les pouvoirs publics, à mettre tout sur le dos du Code de la route. Si en Algérie, la route «tue autant sinon plus que le terrorisme» comme le soulignent, la mort dans l?âme, commentateurs et éditorialistes, c?est qu?il s?agit d?une véritable équation à géométrie variable et non pas de simples faits divers à traiter au cas par cas. Avec des taux d?intérêt frisant la déraison et des prêts bancaires accordés aux fous au volant, l?Ansej et les banques ne seront-elles pas demain face à un cas de conscience ? En attendant de trouver une réponse, le massacre continue.