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Nos autres martyrs
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 11 - 2016

Alors qu'il n'était pas encore sorti dans les librairies, ‘De nos frères blessés', le tout premier roman de Joseph Andras surprit tout son monde en obtenant le Prix Goncourt 2016 du premier roman sans figurer dans la liste des quatre finalistes. La surprise était d'autant grande que le thème dudit roman n'est, pour ainsi dire, pas politiquement correct ainsi que la réaction de l'auteur qui a tout simplement décliné ledit prix.
Iveton
Ce roman engagé, puisque c'en est un, retire de l'oubli Fernand Iveton, le premier Français rallié à la cause algérienne à être guillotiné. La nomination, puis la récompense dudit roman constitue un événement en effet quand on sait combien le cas Iveton a gêné et continue à troubler l'establishment français. Pour mettre un terme à ce trouble à l'ordre établi, il fallait séparer la tête de ce Français de trente et un ans de son corps pour que meurt à tout jamais cette idée non conventionnelle de se joindre aux oppromés. En effet, le 11 février 1957 à 4h 30 du matin, un militant français répondant au nom de Fernand Iveton, militant communiste, syndicaliste et travailleur à l'usine de Gaz d'Alger fut décapité juste après Mohammed Ounouri et Ahmed Lakhnache ses codétenus qu'il embrassa peu avant leur mort. « Celui-là, fut un condamné à mort modèle, droit, impeccable, courageux jusqu'au couperet », aurait dit le sinistre Fernand Meissonnier, le bourreau aux trois cents et quelques victimes. Ayant déposé dans les vestiaires de son usine une bombe programmée pour exploser à 19h30, c'est-à-dire une fois que les travailleurs sont tous partis, Iveton voulait une bombe sans victimes, une bombe à même de faire uniquement du bruit, mais il eut droit au même châtiment que Prométhée et fut accablé de vouloir faire sauter Alger comme l'avait soutenu le ministre résidant en Algérie, le tristement célèbre Robert Lacoste. Dénoncé puis arrêté le 14 novembre 1956, « Iveton le dynamiteur » comme l'avait baptisé la presse coloniale, fut torturé et jugé expéditivement le 24 du même mois et condamné à mort au quart de tour. Son recours fut rejeté, sa grâce aussi et son exécution accélérée sur proposition du gouvernement socialiste. Le procès d'Iveton était biaisé dés le départ et l'issue rendue inéluctable par des objectifs aux antipodes les uns des autres ; les siens aspirant à l'autodétermination d'un peuple qu'il considérait sien et celles de ses bourreaux qui n'entendaient pas permettre à un travailleur idéaliste de contrecarrer la mission ‘civilisatrice' de la France. Comme Meursault, le célèbre étranger d'Albert Camus, Fernand ne fut pas jugé pour son acte, tuer un arabe pour Meursault et déposer une bombe pour Iveton, mais plutôt pour son indifférence (Meursault) et sa non indifférence (Iveton). La comparaison s'arrête là tant ce dernier ne s'était pas fourvoyé dans un dilemme hamletien pour décider entre se ranger du côté de sa mère ou celui de la justice. Sans être hautement porté sur la philosophie existentialiste à l'exemple des Camus, Sartre et Beauvoir, Fernand Iveton prit la justice pour sa mère naturelle, celle des hommes que ni les paradigmes ni les ‘missions civilisatrices' n'ont réussi à mettre au pas. Au final, on lui fait payer le ralliement de tous les autres Français à la cause algérienne, les Audin, Maillot, Laban, Jeanson et tous les autres.
Audin
Audin, d'aucuns vous le diront, est une place à Alger-centre. Combien sommes-nous à savoir que cette place fut baptisée en hommage à un brillant et prometteur mathématicien français qui tourna le dos au cocon de l'université où il était enseignant, et quitta femme et enfants pour la cause algérienne ? La thèse de doctorat d'Etat en mathématiques de Maurice Audin fut soutenue en décembre 1957 à la Sorbonne ‘in absentia' parce qu'Audin avait péri peu de mois avant à l'âge de 25 ans dans des circonstances restées longtemps non élucidées. Sa disparition remonte au 21 juin 1957, son corps n'a jamais été retrouvé et les autorités coloniales ont toujours mis en avant la thèse de l'évasion. Membre du parti communiste et élément actif dans la lutte syndicale, Audin ne pouvait se dérober à son destin de combattant pour la liberté de l'Algérie. Il avait participé aux manifestations estudiantines de l'université d'Alger en janvier 1956, et s'était beaucoup impliqué dans la lutte. Le 11 juin 1957, les parachutistes débarquent chez lui et l'enlèvent au nez de son épouse Josette qui partageait ses convictions politiques et redoutait ce moment-là. Après 11 jours de détention dans divers endroits où les différentes formes de torture lui furent appliquées, le jeune mathématicien s'évapore et laisse à son épouse la charge d'élucider sa disparition pendant plus de cinquante ans sans jamais pouvoir mettre la main sur la véritable version des faits, encore moins le lieu où gît sa dépouille. On a fait disparaître Maurice Audin, mais pas ses idées et convictions qui ont été perpétuées par sa fille, Michelle, brillante mathématicienne comme son père, qui a décliné le grade de chevalier de la légion d'honneur que le président français avait programmé de lui décerner en 2008 pour sa contribution à la popularisation des mathématiques.
«... Maillot mort au champ d'honneur le 5 juin 1956 pour l'Algérie indépendante et fraternelle » cette épitaphe que l'on retrouve sur sa tombe est éloquente et brève comme le fut la vie d'Henri Maillot, aspirant de l'armée française, qui prit la résolution en ce 4 avril 1956 de déserter l'armée de son pays pour rallier les rangs de ses frères algériens avec rien moins qu'un camion chargé d'armes à destination des moudjahidines qu'il rejoignit au maquis. Il avait acheminé 132 mitraillettes, 140 revolvers, 57 fusils et une quantité de grenade*. « En accomplissant mon geste, en livrant aux combattants algériens des armes dont ils ont besoin pour le combat libérateur, des armes qui serviront exclusivement contre les forces militaires et policières et les collaborateurs, j'ai conscience d'avoir servi les intérêts de mon pays et de mon peuple, y compris ceux des travailleurs européens momentanément trompés», ces quelques lignes citées figurent dans l'une des lettres qu'il destinait à la presse métropolitaine. Répondant à l'appel de la patrie (l'Algérie), comme il l'avait écrit, Henri Maillot fut condamné à mort par contumace, mais échappa à la guillotine en tombant au champ d'honneur dans la région de Chlef le 5 juin 1956. C'était un rallié au projet colonial, le fameux bachagha Boualem et ses milices appuyés par des soldats français qui mirent fin à la vie héroïque de l'aspirant Maillot ainsi qu'à celle de son compagnon de lutte Maurice Laban.
Laban et d'autres illustres inconnus
Maurice Laban est moins connu que Audin et Maillot alors qu'il était peut-être le plus algérien d'entre eux non point par son dévouement pour l'indépendance de l'Algérie qu'il partageait avec tous ces Européens qui avaient opté pour l'anticolonialisme, mais par son enracinement dans le sol algérien en apprenant ses langues (arabe et chaoui), et en s'imprégnant de sa culture. Doté de sang chaud comme ses frères algériens, Laban prit part à la guerre civile en Espagne aux côtés des républicains, fut blessé à maintes reprises et ne dut sa vie sauve qu'à son camarade du parti communiste d'Algérie, Georges Raffini qui l'extirpa des mains de l'officier espagnol républicain qui voulait lui donner le coup de grâce pour le soulager des ses souffrances. Il fut arrêté en 1941, emprisonné et condamné à mort en compagnie de son épouse et ne fut libéré qu'en 1943 quand les alliés débarquèrent. Ami d'enfance de Mostépha Benboulaid qui le voulait à ses côtés, Laban contribuait déjà à l'effort de la révolution par la poudre qu'il fabriquait à partir des engrais destinés à sa ferme. Il rejoignit le maquis et ne tarda pas à tomber en martyr aux côtés de Maillot dont les convictions et les mots étaient les siens, « Je ne suis pas musulman, mais je suis Algérien d'origine européenne. Je considère l'Algérie comme ma patrie. Je considère que je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Au moment où le peuple algérien s'est levé pour libérer son sol national du joug colonialiste, ma place est aux côtés de ceux qui ont engagé le combat libérateur ». Ecrivant à son épouse Odette en 1970, Hamid Gherab, le seul rescapé de l'encerclement des camardes de Laban, témoignait, « La mort de Laban a été celle d'un homme qui vivait son idéal, qui ne trichait ni avec lui-même ni avec les autres, qui a fait très simplement le sacrifice de sa vie parce qu'il pensait qu'il ne pouvait en être autrement. De l'Espagne au Beni-Boudouane, ça a été toujours le même homme qui n'a pas dévié d'un pouce, qui aimait les hommes droits et méprisait les fausses hiérarchies. Il est mort en plein combat en tirant jusqu'à son dernier souffle sur des soldats pleins de haine et de peur ». Sont aussi morts pour notre/leur patrie les Georges Connillon, Paul Estorges, Raymond Simeon, Pierre Guemassia, Raymonde Peschard, George Raffini, et sans doute d'autres justes français dont l'humanisme n'a pas d'égal.
Conclusion
«... mes camarades et moi n'avons fait que notre devoir, car nous sommes l'autre face de la France. Nous sommes l'honneur de la France », avait dit Francis Jeanson au président Abdelaziz Bouteflika en Juin 2000. Les Iveton, Audin, Maillot, et Laban ne sont pas uniquement l'honneur de la France ; ils sont l'honneur de l'humanité. Ce ne sont pas uniquement nos autres martyrs, mais les martyrs de la cause humaine, l'aspiration de l'homme à l'égalité, la liberté, et la fraternité entre tous les hommes. leur sacrifice constitue l'une des plus glorieuse pages de l'histoire de l'affranchissement du genre humain de la servitude ; ils constituent des exemples pour ceux qui bradent leur nation pour rallier l'ennemi. Si les noms d'Audin et Maillot font partie de notre paysage linguistique, il serait aussi juste de réhabiliter Iveton ainsi que d'autres en baptisant des édifices publics, et des rues, à leur noms, mais aussi en leur faisant une place dans notre histoire pour leur rendre un tout petit peu de ce qu'ils ont offert à ce pays.
Notes et références
* la presse coloniale mentionnait d'autres chiffres.
René Fagnoni, Auteur de «Chronique des Aurès» In www.aps.dz
www.algeria-watch.org


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