Nicolas Maduro a été condamné par la pensée correcte. Pour autant, l'héritier du chavisme résiste encore. Au nom des pauvres et des déclassés. La sentence est sans appel. «Le Monde» ne consacre pas moins d'un éditorial à la situation au Venezuela, pour déplorer que le régime du président Nicolas Maduro, «aux abois, est en pleine dérive autoritaire». Jugement définitif du journal, «la misère de ce pays sud-américain richissime en pétrole est l'héritage laissé par l'ancien président Hugo Chavez (1999-2013)». Ce qu'écrit ce journal se retrouve, peu ou prou, dans la plupart des analyses que les journaux occidentaux consacrent au Venezuela. La différence est dans le ton, qui est tantôt excédé, car exacerbé par la forte résistance de Maduro, tantôt moralisateur, voire condescendant, quand il s'agit de fixer des échéances pour que la gauche «chaviste» dégage, ou encore méprisant, lorsqu'il s'agit de montrer son hostilité aux pauvres et aux déclassés, en s'en prenant à ces va-nu-pieds qui constituent la base du régime «chaviste». Un autre credo revient dans toute la littérature consacrée au Venezuela : le pays serait dirigé par un Nicolas Maduro autoritaire, mauvais gestionnaire, soucieux de se maintenir au pouvoir quel qu'en soit le prix, insensible aux normes de gestion prônées par le FMI et la Banque mondiale, hermétique à toute idée de soumettre le pétrole du Venezuela et son économie aux règles du libre-échange. Mépris Un tel comportement, hérité d'un «chavisme» destructeur, montre que Nicolas Maduro est indigne de diriger le pays. D'ailleurs, une partie de la société vénézuélienne le conteste et exige son départ. Signe de son impopularité, il a perdu les élections législatives de l'an dernier. Il devrait donc en tirer les conséquences et s'en aller. Elément choquant dans l'article du Monde, le journal estime que le pays ne peut pas attendre jusqu'en 2019, fin du mandat actuel du président Maduro. Il faut donc organiser des élections présidentielles anticipées. Dans un credo partagé par la presse bien pensante, le journal emboîte le pas à la droite dure vénézuélienne qui n'a jamais admis l'accès des représentants des plus pauvres au pouvoir. Une élection anticipée pour un président impopulaire ? L'idée est en effet séduisante. Pourtant, il n'en a jamais été question en France, où la cote de satisfaction de François Hollande a atteint à peine 15%, un des pires scores enregistrés en Europe occidentale. Mais c'est une autre histoire. Exercice démocratique du pouvoir L'ancien président Hugo Chavez avait lui-même introduit dans la constitution cette possibilité de référendum révocatoire. Il s'y était soumis, et il avait gagné le droit de rester à la présidence. Maduro a, aujourd'hui, recours à des procédures légales pour se maintenir. C'est tout aussi légal. Contrairement à ce que disent ses adversaires, il ne s'est jamais laissé aller à une tentation totalitaire. Il n'a pas violé la constitution, ni la loi. On peut reprocher à son prédécesseur d'avoir supprimé la limitation des mandats dans la constitution, mais le légalisme de Nicolas Maduro reste crédible, face à l'hystérie d'une opposition bénéficiant de puissantes complicités externes. Car si Maduro se vante publiquement de son admiration pour Fidel Castro, il n'en est pas de même pour le soutien des Etats-Unis à la droite, alors que la tentative de coup d'Etat contre Chavez a été menée avec une participation directe d'acteurs américains. Ce sont les adversaires de Maduro qui créent un climat insupportable. A la limite de l'insurrectionnel. Grèves incessantes, actions de protestation innombrables, contestation de toutes les décisions du pouvoir, etc. Détenant l'essentiel de la presse privée, l'opposition l'utilise pour créer un climat de guerre civile permanent. Dans une telle conjoncture, le bilan de Nicolas Maduro passe au second plan. Bon ou mauvais, peu importe. Les mesures en faveur des pauvres n'ont pas les résultats escomptés? Elles ont tout de même permis à toute une frange de la population de se sentir citoyens, elle a permis à des pauvres, jusque-là inexistants, de découvrir qu'ils ont des droits, et qu'ils peuvent se battre pour les défendre. Gérer le pays ou survivre Mais au-delà de l'aspect comptable, comment imputer à Nicolas Maduro la situation économique actuelle quand ses adversaires, restés au pouvoir pendant plus d'un demi-siècle, ont fait encore pire ? L'exploitation du pétrole au Venezuela date de soixante-dix ans. Les élites traditionnelles ont eu plus d'un demi-siècle pour transformer cette ressource en richesse. Elles ne l'ont pas fait. L'essentiel des revenus du pétrole a été contrôlé par une petite élite locale, ou transféré vers les Etats-Unis, selon des mécanismes connus, largement disséqués dans de nombreuses études. Hugo Chavez et son successeur ont transféré une partie de la rente pétrolière vers les plus pauvres, pas plus. Quant à l'économie du pays, elle est demeurée structurellement sous-développée. Ce n'est pas en une dizaine d'années qu'un pays peut se doter d'une économie performante, particulièrement que le pouvoir en place dépense une grande partie de son temps et de son énergie à assurer sa survie: Hugo Chavez a fait face à une tentative de coup d'Etat et à un référendum révocatoire. Comment, dans ces conditions, gérer correctement les affaires du pays ? Dès lors, imputer la situation actuelle au Venezuela à un héritage du chavisme relève soit d'une vision particulièrement étriquée, soit d'une mauvaise foi manifeste. Mais est-ce si grave, à l'heure où Donald Trump accède au pouvoir ?