Les conséquences des défaites militaires de Daech en Syrie, Libye et l'Irak risquent de se répercuter dangereusement sur la sécurité des pays du Sahel, de la Tunisie, notamment. Ce dernier pays qui détient le plus gros contingent d'hommes sous les bannières des groupes jihadistes, avec quelque 5000 combattants, selon un groupe de travail de l'ONU, fait face à un risque de «somalisation» en cas de leur retour massif au pays. L'alarme a été donnée par les forces de sécurité intérieure, dans un communiqué de leur syndicat, allant jusqu'à exhorter le gouvernement de Chahed à opter pour la déchéance de nationalité comme «mesures exceptionnelles». Le syndicat craint plus que tout le degré de perfectionnement de ces jihadistes qui ont combattu sur les fronts irakien, syrien et libyen, cumulant des années de guérillas, de formations militaires et de maniement de toutes sortes d'armes de guerre sophistiquées. Cette crainte est d'autant plus justifiée que 800 terroristes sont revenus en Tunisie, d'après le ministre de l'Intérieur Hédi Majdoub. Se voulant rassurant, ce dernier a affirmé, devant le Parlement, que les autorités détiennent «toutes les informations sur ces individus», reconnaissant quand même des lacunes dans certains dossiers traités. Les services de sécurité déplorent cette «absence de volonté politique» lue dans la main tendue du président Béji Caïd Essebsi qui avait, à partir de Paris, évoqué le cas de ces combattants tunisiens de retour au pays. «Nombre d'entre eux veulent rentrer, on ne peut pas empêcher un Tunisien de revenir dans son pays», avait-il déclaré, tout en restant «vigilants». «Nous prenons les dispositions nécessaires pour qu'ils soient neutralisés», avait-il ajouté. Malgré ses précisions en aval, écartant toute «indulgence» et assurant que la loi antiterroriste serait appliquée contre eux, les propos du président ne rassurent pas le syndicat des forces de sécurité intérieure qui redoute plus que tout, à travers ces portes ouvertes, le retour des jihadistes dans l'anonymat dangereux des «cellules dormantes» et l'élargissement du cercle du terrorisme. Une situation dénoncée par un collectif qui avait appelé, samedi dernier, à une manifestation qui a réuni plusieurs centaines de personnes devant le Parlement à Tunis pour demander la condamnation des groupes terroristes. Cette présence massive des «anciens» jihadistes en Tunisie et surtout ce repli des combattants de Daech fuyant la Libye et le Moyen Orient, fait peser un danger certain sur la stabilité de la région du Sahel et de l'Algérie qui partage ses frontières avec trois pays à fort risque terroriste. Un constat établi par le Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme (CAERT) qui évoque entre 2000 et 2500 terroristes fuyant les zones de combat pour se rabattre sur la Libye et surtout au Mali où la lutte antiterroriste menée par Paris a montré ses limites. Le Niger reste aussi une éventuelle base arrière des fuyards encouragés par le manque de moyens matériels et humains pour faire face aux terroristes. De ces zones, ils pourront frapper l'Algérie ou encore la Tunisie et se disperser dans l'immensité géographique du désert. «Ces terroristes convergent vers le Sahel et tentent de s'organiser», a averti le commissaire à la paix et à la sécurité de l'Union africaine, Ismaïl Chergui. Ce dernier, dans une interview à un titre arabophone national, a indiqué que les hommes de Daech, défaits à syrte, seront contraints de s'orienter vers le Sud de la Libye et de là investir le Sahel en route pour la Somalie, à travers le Yémen.