Le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Loukal, n'est pas un banquier favorable ni à l'ouverture des bureaux de change, encore moins à une revalorisation de l'allocation touristique. Jeudi dernier, devant les membres du Conseil de la nation, il a, comme ses prédécesseurs de ces 20 dernières années, opposé un refus catégorique à toute éventuelle hausse de l'allocation touristique, qui est actuellement de quelques 130 euros, selon la parité du dinar par rapport à la monnaie unique sur le marché interbancaire algérien. Sur le marché parallèle, la parité est d'environ 1 euro pour 186 dinars. Bien plus, il a soutenu que dans la situation économique actuelle, une hausse de cette allocation touristique n'était pas à l'ordre du jour. Pour cela, il a fait, devant les sénateurs, un calcul pour justifier la décision des autorités monétaires: 'En prenant en compte les 4 millions de détenteurs de passeports biométriques, une simple opération arithmétique renseignerait sur le montant de devises à mobiliser en cas d'une revalorisation de l'allocation touristique''. Il ajoute qu'''il n'est pas question d'alimenter les économies étrangères, alors que l'économie nationale a le plus besoin de ces devises». Il a, dans la foulée, rappelé également que les bureaux de change ne seront pas ouverts. Ni dans l'immédiat ni dans un proche avenir. Pour lui, leur ouverture 'est prématurée» et donc ne constituait pas une priorité. Il explique ce refus en rappelant que le dinar algérien n'est pas convertible, et surtout, par l'absence d'activité touristique, capable de rapporter des devises au pays. Expliquant peu ou prou aux sénateurs la vraie nature des bureaux de change, il a indiqué que leur ouverture risque de «provoquer un épuisement rapide des réserves de change du pays». Or, un bureau de change fonctionne comme une banque, qui fait de la conversion de devises: il achète et vend des devises, pas des monnaies, comme le dinar, non convertibles. Et donc que l'ouverture de bureaux de change incombe à des privés, pas aux banques, et à ce titre, ils sont des intermédiaires, comme cela existe dans tous les pays du monde, mais également au niveau des grands hôtels en Algérie. M. Loukal a, par ailleurs, rejeté l'idée de changer les billets de la monnaie nationale pour lutter contre le marché parallèle, estimant que l'éradication de ce phénomène nécessite plutôt la coordination des efforts entre les différentes administrations, notamment fiscale et commerciale. Sur la gestion des réserves de change, qui sont à un peu plus de 109 milliards de dollars, il a souligné qu'elles sont 'sécurisées'' et que toute fluctuation de devises n'avait aucun impact sur les fondamentaux de l'économie nationale. «La gestion des réserves de change du pays est sécurisée et les fluctuations sur les devises n'ont aucun impact sur les fondamentaux de l'économie nationale», a-t-il précisé, avant de relever que la monnaie nationale s'est stabilisée progressivement à partir de juin 2016 avec le recul de l'euro face au dollar sur les principaux marchés des changes. Et puis, il assure que le pays 'a transcendé la crise grâce aux orientations du président Bouteflika'', tout en affirmant dans le même temps que 'la situation économique était très critique». La mise en place du Fonds de régulation des recettes (FRR), aujourd'hui disparu, et un faible niveau d'endettement (3,5 milliards de dollars) ont permis à l'Algérie de bien supporter ce choc, selon le gouverneur de la Banque d'Algérie, qui a indiqué que la dépréciation du dinar, longtemps cachée par cette même Banque centrale aux Algériens et aux opérateurs, était le résultat des fluctuations des devises sur le marché mondial durant le premier semestre 2016. 'La baisse des cours des matières premières et le recul de la valeur de l'euro face au dollar ont favorisé une reprise du dinar après les pertes essuyées au premier semestre 2016'', a-t-il expliqué. Après avoir souligné que le retour à la hausse des prix de pétrole a eu un impact positif sur les liquidités bancaires et le niveau de financement de l'économie par les banques a permis une hausse de 26% des crédits à l'économie. Cependant, le recul drastique des cours de pétrole a induit une érosion des réserves de change, d'où une baisse du volume des liquidités bancaires. Les recettes des exportations pétrolières durant les trois dernières années sont passées de plus de 63 milliards de dollars en 2014 (à 100,2 dollars/baril), à 27,66 milliards de dollars en 2016 avec un prix du baril à 45 dollars, et 33,08 mds de dollars en 2015 avec un prix du baril à 53,1 dollars en moyenne annuelle, selon la Banque centrale. Les réserves de change à 109 milliards actuellement, officiellement, étaient à la fin 2016 de 114,14 milliards de dollars contre 144,13 mds de dollars à fin 2015 et 178,94 mds de dollars en 2014. Soit une perte de près de 70 milliards de dollars.