L'élection d'Emmanuel Macron à l'Elysée devra donner un nouveau souffle aux relations algéro-françaises à la condition que du côté algérien, les idées deviennent plus fraîches et les interlocuteurs moins stressés. Paris a vécu hier la cérémonie d'investiture du 8e président de la Ve république française. Emmanuel Macron est chef de l'Etat français à la faveur d'un suffrage qui lui a accordé plus de 60% des voix votantes de son pays. L'on dit que la France a perdu de son charisme par l'élection «d'un jeune premier», en comparaison avec ses prédécesseurs, comme Chirac et plus loin comme Mitterrand et plus De Gaulle. Le mouvement qui l'a cependant propulsé n'est ni de la gauche traditionnelle ni de la droite. En un an, il a tracé avec succès une voie bien médiane des partis existants. Il a compté sur l'ensemble des représentants de la société civile pour affirmer sa volonté d'unir une France diversifiée. « Je m'appuierai sur toutes les composantes de la nation française », a-t-il déclaré lors de son investiture. «En marche» pour conquérir la république, Macron est bien arrivé hier à l'Elysée en conquérant. Il a promis d'œuvrer en faveur d'une France forte, capable de réanimer une Europe en perte de repères et en proie à un Brexit qui l'a amputé de la Grande-Bretagne d'une manière désinvolte. D'autres pays pourraient suivre le même chemin si le continent continue de perdre pied face aux flux de migrants, à l'insécurité et surtout à son incapacité à redresser des indicateurs économiques et financiers dont la fragilité a déstructuré plusieurs de ses sociétés. Macron se déplace aujourd'hui en Allemagne pour rencontrer la chancelière Angela Merkel. Les deux pays se doivent de rétablir les équilibres nécessaires à une Union (européenne) dont ils ont été les maîtres pendant de longues années. De ce côté-là de la Méditerranée, Macron a déjà fait un pas jugé amical susceptible d'enclencher une dynamique qui a toujours manqué aux deux pays et ce, malgré les discours optimistes des plus hauts responsables algériens et français. L'Algérie n'oubliera pas que Macron, alors candidat aux présidentielles, lui a rendu visite et l'a gratifiée de sa reconnaissance de l'atrocité des crimes qu'elle a subis de la France coloniale. Il est attendu du nouveau président français qu'il vienne en Algérie dans peu de temps. Il semble prêt à revivifier les relations entre les deux pays. Jeune qu'il est, il voudra aller vite et bien d'autant qu'il a déjà en main le schéma économique de l'Algérie pour avoir été ministre de l'économie de la France. Reste à savoir si le gouvernement algérien pourra s'imposer une cadence à même de cibler clairement les intérêts que le pays se doit de préserver et de renflouer. Ceci, en évitant désormais, d'une part, les élucubrations d'un discours révolu et sclérosant et, d'autre part, de tomber dans les entraves d'un «hizb frança» qui a toujours détourné les intentions, aussi bonnes soient-elles, vers des intérêts occultes. «Le monde a plus que jamais besoin de la France ( ) », a dit hier Macron. Le passif de l'Elysée doit être lourd à porter par un jeune président qui semble de bonne foi pour redresser la France et ses valeurs de «liberté, égalité, fraternité», de «mère des démocraties» et terre « des droits de l'homme ». Il a d'ores et déjà à supporter les conséquences terrifiantes d'une intervention et d'une présence militaire française continue dans le Sahel et particulièrement au Mali. Celles aussi dramatiques d'une Libye qui se déchire depuis que l'un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy, avait arraché une résolution onusienne permettant aux forces de l'OTAN de larguer leurs armes pour déchiqueter une société tribale vivant à l'ombre d'importantes ressources énergétiques. La France a nécessairement besoin de revoir ses politiques expansionnistes qu'elle a toujours mises en œuvre pour contrôler l'Afrique. En descendant les Champs-Elysées à bord d'une voiture militaire encadrée par la Garde républicaine, le jeune président a voulu rappeler qu'il est le chef suprême des armées. Il a donc toute latitude de procéder à des changements de fond. Emmanuel Macron donne l'air de vouloir casser des certitudes, des convictions et même des traditions d'une France conservatrice et raciste. « Rien ne sera concédé à la facilité ou au compromis », a-t-il affirmé. Il promet donc de faire les discernements qu'il faut pour agir. Les observateurs rappellent l'élan de confiance qui avait pris forme après le fameux discours de Barack Obama au Caire, au lendemain de son investiture à la Maison-Blanche. Le président américain avait alors amené l'espoir d'un monde plus juste ou plutôt moins féroce. Sarkozy en avait fait un guide. Obama est cependant parti en y laissant de grandes désillusions. Macron est président à une époque où les Etats-Unis ont choisi un Trump agité, aux décisions imprévisibles, qui semble donner le dos à l'Europe. Rien ne sera facile pour le nouveau président français, notamment s'il a l'intention de rattraper les déraisons de certains de ses prédécesseurs et de ceux qui commandent le monde.