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Droit d'inventaire
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 25 - 05 - 2017

Les sociétés à castes et à classes rigides faisaient un gaspillage impardonnable de talents... Mais il faut reconnaître que de telles sociétés réduisaient les aspects nocifs de la compétition. Theodosius Dobzhansky (Biologiste, 1900-1975).
Dans une rubrique titrée «Macron contre Tliba, un combat trop inégal», Monsieur Abed Charef ne s'est, en fait, pas prêté à un banal exercice de remise en cause d'une croyance, erronée, selon laquelle la jeunesse pouvait être l'explication des grands succès, même s'il a magistralement réussi sa démonstration, histoire à l'appui. Monsieur Abed Charef se livre, à mon sens, à un courageux exercice intellectuel de droit de questionnement sur un des sujets sur lesquels on peine à s'aventurer de crainte de se voir crucifier par l'opinion ou ceux qui tentent continuellement de la manipuler : le clivage jeune-moins jeune.
Je ne suis pas particulièrement partisan de discrimination positive même si cela peut heurter quelques-uns, je défends ardemment le mérite, seule valeur sociale à garantir une vision profondément dynamique de la société où toutes les positions sociales sont temporaires, accessibles révocables et contestables. Cela permettrait à chacun de se libérer de l'attentisme et de l'assistanat et l'inciterait à croire, comme pour le peuple américain, qu'il est toujours possible de réussir à force de travail et de persévérance, loin des barrières des rentes protégées et des chasses gardées.
Puisqu'on est dans le questionnement, l'on est en droit de se demander qu'est-ce qui nourrit l'humanité, qu'est ce qui la fait durer et avancer ? Dieu pour les uns, l'instinct pour les autres. Pour moi et bien d'autres, c'est la compétition, le gout du challenge, c'est ce qui fait avancer l'humanité. Sinon pourquoi inventer l'allumette alors qu'il y avait le briquet, inventer l'avion alors qu'il y avait la voiture, inventer le cellulaire alors qu'il y avait le fixe. C'est le gout du challenge, la compétition.
Que la compétition soit le résultat de l'éducation et de la culture, ou l'héritage du conditionnement biologique tourné vers la lutte pour la survie, elle a toujours irriguée la pensée économique et sociale et a été à l'origine des avancées spectaculaires qui ont jalonné l'histoire de l'humanité.
C'est alors mérite et compétition, qui vont permettre à l'humanité de croire encore, de durer et d'avancer. L'un donne du sens à l'autre, l'un renforce l'autre. Sans la valeur mérite, aucun effort individuel ne peut donner une chance à quelqu'un de changer sa vie, de se rendre meilleur. La compétition, quant à elle, reste l'expression naturelle du désir d'excellence, et le refus de voir s'appliquer les lois naturelles de la vie nous impose fatalement des compromis improductifs et nous conduit vers des impasses ruineuses puisqu'entraver ces lois ne fait que retarder leurs échéances, de toutes façons imparables, et augmenter indéfiniment leurs coûts. La nature a de tout temps été source inépuisable d'inspiration pour l'humanité dans sa quête du meilleur, en essayant de s'y affranchir par nos transgressions et nos prouesses vaines à la contourner nous courons un risque certain de compromettre notre devenir.
Mais le comportement humain reste déterminant, ce n'est pas l'environnement, la conjoncture et les interférences, ce sont les actions de chacun qui peuvent conduire à des résultats différenciés. L'être humain, en plus de ses compétences innées, dispose de liberté et d'autonomie. La liberté lui offre la possibilité de choisir ses valeurs, ses buts, ses aspirations. L'autonomie lui offre,quant à elle, le choix des moyens à mettre en œuvre pour atteindre ses buts et réaliser ses aspirations, de combiner une multitude de moyens pour y arriver ou carrément d'en créer d'autres, nouveaux et innovants.
Finalement, un monde dépourvu de la valeur mérite et du moteur compétition serait une pépinière pour les partisans du moindre effort et engendrerait forcément des résultatsmédiocres. Un monde sans rivalité au sens noble du terme- dans le respect mutuel, dans la complicité, nous priverait de la joie dans l'effort, de l'amélioration au contact de l'excellence, de ce sentiment exaltant ou la lutte est aussi importante que la victoire. Dans ce genre de monde, on ne voit plus la nécessité de devenir compétiteur, de se rendre meilleur, ni d'ailleurs, la possibilité, de changer sa vie, d'espérer mieux. Mais, doit-on pour autant se résigner, baisser les bras et abandonner notre quête du meilleur? Non, il faut agir, croire et persévérer. Les grandes réalisations de l'humanité sont promises par un moment exquis d'ingéniosité, sont ensuite précisées à force de constance et de convictions et finissent par se concrétiser et donner naissance à un moment de ravissement et de sublimation.
Il n'est pas ici question de temps interminables pour préparer le changement, il n'est pas question d'inscrire des efforts progressifs et graduels, il n'est pas question de mettre en œuvre des théories de temps psychologiques nécessaires pour abandonner nos vieilles mauvaises pratiques. Les prétendus intervalles entre l'état actuel (réel) et l'état idéal (accessible)ne conduisent qu'à faire de l'idéal une illusion et ne servent que l'immobilisme. Nous pouvons le faire, sans transition aucune, dès maintenant et le combat ne serait, peut-être, plus inégal cher Monsieur Charef.


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