Si l'écrivain pied-noir Albert Camus a décrété qu'«au bout du compte, s'il faut choisir entre la justice et ma mère, je choisis ma mère», Bruxelles, elle, a tôt fait de se prononcer entre la justice et les intérêts commerciaux de la mère patrie. Et la balance penche, comme toujours, du côté des plus riches. La Commission européenne a, en effet, demandé aux Etats membres de l'Union européenne un mandat pour réexaminer l'accord de libéralisation avec le Maroc afin d'inclure des produits provenant des territoires occupés du Sahara occidental. Une violation de la décision de la Cour européenne de justice (CJUE) et des principes fondamentaux du droit international que condamne le Front Polisario. Son secrétaire général, Brahim Ghali, a mis devant leurs responsabilités, les capitales européennes les exhortant à «rejeter» ce coup de force initié par le Maroc et soutenu par des lobbyistes au service de Sa Majesté. Pour le Polisario, si cette proposition est approuvée par le Conseil de l'UE, elle entraînerait de «graves conséquences juridiques et politiques sur la question du Sahara occidental». La recommandation en question est également un message fort adressé à Rabat de «poursuivre l'exploitation illégale des ressources naturelles du Sahara occidental». Si la priorité de l'Europe est connue, ses intérêts avant tout, elle vient de montrer, dans cette affaire, tout le mal qu'on pense d'elle et de ses réminiscences coloniales. Elle vient aussi de mettre un genou devant les menaces proférées par le Makhzen. Le chantage aux migrants brandi par les Marocains. En l'espace de quatre jours, plus de 850 migrants africains étaient parvenus à pénétrer depuis le Maroc dans l'enclave espagnole de Ceuta, donc en Europe, en forçant la barrière frontalière. Bruxelles est en train de faire marche arrière empiétant le droit d'un peuple colonisé à l'autodétermination, alors que le Maroc menace encore de recourir à d'autres partenaires économiques plus avantageux, à l'image de la Chine, la Russie, les Etats-Unis, des monarchies du Golfe ou l'Afrique, réputés peu regardants sur le chapitre du droit international. Les Marocains ont bien compris que les intérêts de l'Europe passent avant ceux du Polisario et c'est pour cette raison qu'ils multiplient les approches promotionnelles et les ventes concomitantes des réserves naturelles, un brigandage international qui ne dit pas son nom. A travers ces appétits aiguisés, l'Europe court-circuite, quelque part, les efforts des Nations unies pour la relance des négociations directes entre le Maroc et le Front Polisario, selon la dernière résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.