Depuis le début du mois de septembre, chaque jour, ils sont plusieurs enfants à se mettre à l'entrée du marché couvert du centre-ville. Paniers, bidons, casiers, cageots, tous les moyens sont utilisés pour présenter leur produit. La figue fraîche est cédée entre 120 et 200 DA le kilo, selon le calibre et la qualité. La qualité, c'est surtout la réputation de la région. La plus recherchée, c'est celle de Zouanif, Sidi-Safi ou encore Honaïne. Naguère considérée comme une offrande du ciel destinée à tous, «karmous» ou «chatwiya», synonyme de régal pour tous, est devenue une marchandise très convoitée par ceux-là mêmes qui dédaignaient ce fruit et ne lui accordaient que peu d'intérêt parce que trop présent dans les vergers. En se raréfiant, la figue fraîche se fait désirer et est devenue un dessert de choix, disputant la palme aux autres fruits, tels la poire, la pomme ou encore le raisin. Elle n'est plus ce «don venu d'en haut», comme la qualifiait Mouloud Feraoun dans son ouvrage «L'anniversaire». Au temps béni, quand la terre était travaillée, ce fruit était garanti pour tous, y compris pour ceux qui ne possèdent pas de figuiers. Ces marchands de figues fraîches viennent à Béni-Saf des villages environnants troquer quelques kilos de ce fruit contre une poignée de dinars, dans le but de se faire de l'argent de poche, ou un revenu d'appoint pour pouvoir faire face aux dépenses quotidiennes, pour les adultes, ou de la rentrée, pour les enfants. Toujours est-il, pour les plus anciens, rien ne vaut le fruit qu'on cueille à une heure matinale, au moment où il se couvre de rosée scintillante et laisse échapper un liquide stimulant l'appétit.