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L'Algérie s'est appauvrie par ses hydrocarbures
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 09 - 11 - 2017

L'Algérie dépend à 98% des exportations des hydrocarbures. Ces hydrocarbures, au lieu d'être la locomotive du développement ont été une malédiction pour l'Algérie. Quand on met tous nos œufs dans le même panier.
1- En effet, quand le prix du pétrole était bas, on a vendu le gaz, pendant 30 ans jusqu'en 2005, à perte en dessous du prix de revient.
Le prix du gaz indexé sur celui du pétrole, a été indexé à vrai dire sur le fioul, la partie la moins noble du pétrole. Ce prix ne permettait jamais d'amortir le catch-flot des lourds investissements pour rendre le gaz transportable.
Il faut savoir qu'une calorie gaz revient cinq à sept fois la calorie pétrole selon que le gaz est transporté à l'état gazeux par gazoduc sur le continent, liquide GNL pour réduire son volume 600fois, ou gazoduc traversant la Méditerranée. Le contrat gaz El Paso a été signé « octobre 69 » quand le pétrole coûtait « moins de 3 $ le baril », à l'époque où le gaz n'avait aucune valeur (gaz fatal associé au pétrole brulé aux torches chez tous les producteurs de pétrole à travers le monde), à l'époque où la technologie gaz était inexistante pour les grandes capacités d'exploitation 10 Milliards de M3/an, soit 30 Millions de M3/jour. « D'ailleurs, la France a cédé les 100% de ses parts à SH qu'elle détenait sur Hassi R'Mel », un des plus grands gisements de gaz au monde ?
L'Algérie était le seul pays au monde à s'engager dans l'aventure gaz. Pour le contrat El Paso, nos gisements, nos usines ont servi de laboratoire pour développer des procédés, des technologies, des équipements des matériaux, avec tous leurs défauts de jeunesse éventuels, et qui faisaient leur entrée pour la première fois au stade de l'expérimentation. Les arrêts d'exploitation étaient fréquents. Pour redémarrer une unité GNL il faut en moyenne une semaine pour arriver à la température de design « -163°C » pour rendre le gaz liquide. Pendant ce temps, toute la capacité gaz de l'unité est brulée aux torches car ce n'est pas encore du GNL, voir pollution atmosphérique et réchauffement climatique. Les autos consommations sur incidents pouvaient atteindre des valeurs 2 à 3 fois les volumes de GNL exportés.
Le risque de la technologie de la liquéfaction du gaz est relativement important. C'est pourquoi les clients GNL n'ont jamais voulu être partenaires avec SH pour partager ce risque.
Pour vendre une calorie gaz, en exploitation normale, il faut produire quatre calories : réinjection dans les gisements, auto consommation, torches, etc. De toute cette aventure gaz, payée à l'époque par le pétrole, l'Algérie n'en a tiré presque aucun profit. Ce sont les pays consommateurs de gaz, fabricants d'équipements prestataires de technologies qui ont tiré « prématurément » les avantages de cette énergie moins polluante. L'Iran 2eme pays au monde en réserve de gaz après la Russie, garde ses réserves intactes à ce jour. Pour l'Iran le gaz c'est l'après pétrole.
Un constat se dégage : l'absence de capitalisation des expériences, des connaissances accumulées, à prix fort, dans la construction, dans l'exploitation.
En dépit de son rôle de pionnier de l'industrie mondiale de gaz en général et du GNL en particulier, SH n'a pas su concrétiser un pôle d'expertise scientifique et technique pour développer les savoir-faire acquis dans tous les domaines. Nous sommes dans l'énergie depuis 50 ans et nous sommes acheteur de tout dans le domaine, alors qu'on devrait être exportateur.
2- L'Algérie s'est appauvrie par ses hydrocarbures même quand le prix du baril de pétrole dépassait la barre des 100$.
A cette époque, puisqu'on avait beaucoup d'argent comme recette, toute l'industrie algérienne a été démantelée et on a importé tout ce que nous consommons. Il faut savoir qu'une richesse « non renouvelable » produite, si elle n'est pas remplacée par une autre richesse le pays s'appauvri à chaque fois qu'un baril de pétrole, à chaque fois qu'un M3 de gaz est soutiré de son sous-sol.
En effet, depuis 1999 aucun investissement productif hors hydrocarbures n'a été consenti. On arrive à la confirmation suivante, quel que soit le prix du baril de pétrole, les hydrocarbures sont une malédiction pour L'Algérie.
Le comble, parce que les hydrocarbures conventionnels sont en déclin en Algérie, on envisage déjà, sans tenir compte de l'expérience malheureuse du gaz naturel, exploiter le gaz de schiste, au lieu d'aller vers les énergies renouvelables et les investissements hors hydrocarbures ou l'aval pétrolier. Cette part des hydrocarbures de schiste appartient aux générations futures. Exploiter maintenant le gaz de schiste c'est répéter une 2eme fois l'aventure malheureuse du gaz conventionnel des années 70, aucune leçon donc n'est retenue. Economiquement, le prix du gaz de schiste ne sera jamais rentable au prix actuel du pétrole. Son exploitation avec les technologies actuelles est inévitablement polluante et représente un danger certain pour « la nappe albienne véritable don du ciel » au milieu du désert. Il faut tenir compte des erreurs du passé pour construire l'avenir.
Faut-il brader ce qui reste du sous-sol algérien ? Il n'est pas nécessaire de réviser la loi sur les hydrocarbures. Par sa situation géostratégique de l'Algérie les pétroliers viennent naturellement investir dans notre pays. C'est la porte de l'Europe et il reste encore des gisements à trouver. On oublie vite les années 80, sur deux forages d'exploration un gisement est trouvé, voir région Berkine. Les investisseurs s'ils ne viennent pas en Algérie c'est pour un problème politique et non technique, la maladie du Président en est un frein. La proximité de l'Algérie à l'Europe devait faire de notre pays un partenaire privilégié par rapport au pétrole du Moyen Orient ou de l'Amérique Latine.
On nous prépare vers une augmentation du prix des carburants pour 2018. Des voix affirment que l'essence est subventionnée. Ce qui est faux, l'essence n'est pas subventionnée par l'Etat. Démonstration : On compare le prix de l'essence en Algérie par rapport à celui de la France. En France l'essence SP à la pompe coûte 1,45 Euro le litre. 75,6% de ce prix sont des taxes françaises « équivalentes à la recette pétrolière de l'Arabie Saoudite » sans rien soutirer de leur sous-sol, 3% représentent le transport du pétrole jusqu'en Métropole, 7% c'est la part du raffinage et de la distribution, « la part du producteur de pétrole n'est que de 14,4%, les miettes » correspondant à 0,2088 Euro/l « équivalant à 25DA/l ». A raison de 35,33 DA le litre, l'essence en Algérie est largement payée, vu que les salaires des Algériens sont divisés au moins par dix par rapport à ceux des français. Ces mêmes salaires vont être payés par la planche à billets.
Faut-il faire plus de concession pour attirer les investisseurs ?
*Retraité SH, ancien chef de projet usine de traitement de gaz.


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