Elles seraient des centaines, si ce n'est pas plus, ces femmes froissées et jetées à la rue comme on projette son paquet de cigarettes vide, sur les trottoirs des pays sales et pollués. Les motifs sont minables comme ceux qui les invoquent ou les dissimulent derrière leur lâcheté de faux machos émasculés et écervelés. Après avoir été enchaînées aux boulets des murs de l'ignorance et pressées de leur jus comme des citrons verts, sous le poids de l'inculture et des traditions qui ne cadrent plus avec le monde moderne, elles sont ignorées et répudiées parce qu'elles sont tombées malades. La liaison conjugale est scellée pour le meilleur et pour le pire, dit-on. Pourtant le malheur peut tomber sur l'un comme sur l'autre ou sur les deux à la fois. Et s'il touche la femme, il deviendra problématique pour elle. Cette réalité est surprenante dans une société qui ne sait plus cacher ce qu'elle dissimulait hier. Ses tares et son archaïsme. Elle est loin de les reconnaître. Terrée dans ses certitudes, elle se croit juste et parfaite. Mais à vrai dire, elle ne l'est pas. Du tout. Car elle ne devrait pas mettre à la rue des femmes, parce que la maladie les a fragilisées. Parce que la maladie les a mutilées. Parce qu'elles ont été amputées d'une partie de leur corps. Parce qu'elles ont subi l'ablation du sein. Parce que le cancer leur a pris une part de leur féminité. Parce qu'elles sont devenues, physiquement, dépendantes. Parce qu'elles ne peuvent plus ramener les sous, à la fin du mois Au moment où elles devraient être soutenues pour faire face physiquement et moralement, contre le mal qui peut leur prendre la vie, et le traumatisme subi, ces femmes endurent l'humiliation de leurs maris et les difficultés matérielles qui s'y ajoutent. Bien que la situation des femmes ait beaucoup évoluée, elle reste, néanmoins, lestée par des attitudes difficiles à corriger. Si, aujourd'hui, la femme est générale dans l'armée ou ministre, cela n'a pas empêché que des femmes divorcées se soient trouvées, à la rue, avec leurs enfants en bas-âge. Leur statut social ne les protège pas totalement. Comme cette femme médecin, qui avait connu son mari à l'université et avec lequel elle a fait un mariage d'amour. Malheureusement, il n'a pas hésité à la chasser de la maison et à la déposséder de ses biens et du contenu de son compte bancaire, à cause de son cancer. Le sentiment d'être méprisée est plus fort que la trahison. Il est insidieux. Il ronge le fond des tripes et fait plus mal que les métastases, dit-elle. Combien de femmes trahies, à la fois par leur santé et leurs maris, souffrent dans l'oubli et en marge d'une société qui n'a d'yeux que pour les puissants du moment. Il y en a certainement beaucoup trop. Surtout dans le monde servi quotidiennement, et à longueur d'année, de foi et de vertu.