«Vous êtes médecin? Et vous êtes immédiatement embarqués » par la police, selon les déclarations d'un médecin résident. Hier lundi, le conflit des médecins résidents a franchi un autre palier dans le bras de fer entre cette corporation et le gouvernement avec une présence massive des forces de police aux abords de la faculté de médecine de Ben-Aknoun, sur les hauteurs d'Alger, où les entrées se faisaient au compte-gouttes, et difficilement, selon un membre du Collectif autonome des médecins résidents algériens (CAMRA), qui a dénoncé «les brutalités policières». C'était, en effet, hier le début de l'examen du BEMS, que les médecins résidents avaient décidé de boycotter à l'appui de revendications professionnelles, dont le réaménagement du service civil, non satisfaites par le ministère de la Santé. Selon un membre du CAMRA, M. Hamlaoui, «nous avons été surpris de constater une très forte présence policière aux abords de la faculté de médecine, proche du Conseil constitutionnel.» «Il y avait des forces de police énormes, des casques bleus partout. Ils filtraient tous les passants à 200 m de l'entrée de la Fac, et si vous êtes un médecin résident, vous êtes immédiatement embarqué», a-t-il indiqué au «Le Quotidien d'Oran». Il poursuit: «les délégués (du Camra, Ndlr) sont automatiquement arrêtés, certains, comme le Dr Myriem Hajab, du bureau national, a été arrêtée pour contrôle d'identité à Khraïcia (commune proche de Douera).» Selon le Dr Hamlaoui, «il y a eu des arrestations à Ben-Aknoun, et le contrôle d'identité dans un poste de police à Zeralda», ajoutant que «nous avons été empêchés d'entrer à l'université, et les téléphones portables saisis, les fichiers de certains effacés». Le calendrier des épreuves du DEMS s'étale du 19 mars au 12 avril, mais, le CAMRA avait déjà annoncé qu'il boycottait cet examen, tout comme il avait boycotté la 1re session. Samedi, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS) Tahar Hadjar avait menacé, en des termes à peine voilés, les médecins résidents s'ils persistaient à boycotter le DEMS. Il avait, également, refusé de reporter cet examen, comme le CAMRA l'avait demandé, et averti les résidents que «chacun prenne ses responsabilités». Dans un communiqué, le CAMRA a «dénoncé, avec fermeté, les sévices subis par nos consœurs et confrères (...) membres du bureau national, aujourd'hui, au sein même de la faculté de médecine de Ben-Aknoun et ses environs et leur embarquement de force dans des fourgons de la police et leur conduite vers une destination inconnue.» Le CAMRA appelle, en outre « l'ensemble de la corporation médicale (...) et tous les autres acteurs du système de Santé à prendre position quant aux violences et au mépris que subissent leurs jeunes confrères médecins résidents depuis plus de quatre mois». Le CAMRA appelle ainsi «à l'application stricte de l'arrêt de l'activité hospitalière de 8h à 16h, dès aujourd'hui et invite toute la corporation médicale à se rassembler, dans toutes les structures hospitalières du pays.» De plus, le CAMRA, qui a réaffirmé le boycott du DEMS, a annoncé qu' «aucune garde ne sera assurée jusqu'à la libération de tous les médecins résidents», et appelé à «un sit-in de l'honneur immédiat» au CHU Mustapha Bacha d'Alger. Auparavant, le CAMRA avait dénoncé «une tutelle monotone, qui a fait la sourde oreille et a toujours fermé les portes d'un dialogue sincère et mûr, pour dénouer la situation et sortir avec une solution qui va dans l'intérêt de la Santé algérienne». «Une atteinte à la dignité de la personne et du médecin» Sur place, une grande confusion régnait aux abords de la faculté de Ben-Aknoun, où a été déplacé l'examen du DEMS, pour la spécialité Ophtalmologie, qui devait, initialement, se dérouler au CHU de Bab El Oued (Alger). Des membres du CAMRA joints par «Le Quotidien d'Oran» se sont interrogés sur ce subit changement de lieu, à la veille du début du déroulement des examens du DEMS. Pour autant, l'épreuve d'Ophtalmologie s'est bel et bien déroulée, avec la présence de 71 étudiants de différentes régions du pays. 67 spécialités sont au programme du DEMS. Sur place, à la faculté de médecine de Ben-Aknoun, les membres de la Commission chargée du déroulement et de la surveillance de l'épreuve d'Ophtalmologie ont procédé, en présence du doyen de la faculté, à l'appel pour s'assurer de la présence des candidats. «Il n'y aura pas une autre date pour l'obtention du DEMS, puisque les médecins résidents ont boycotté ces épreuves», a déclaré le doyen de la faculté de médecine d'Alger, le Pr. Salah Eddine Bendib, qui a qualifié la poursuite de la grève d'«échec scolaire et abandon de poste». «Annoncer une année blanche n'est pas des prérogatives du CAMRA, car une telle décision revient aux commissions pédagogiques et au ministère de tutelle», a t-il ajouté. «Des mesures seront prises à l'encontre de ces boycotteurs», a t-il affirmé, avant de souligner que les étudiants de certaines spécialités comme la Chirurgie dentaire et la Pharmacie» ont décidé de passer ces épreuves aux dates prévues». Mais, pour le CAMRA, ce qui s'est passé, par ailleurs, hier lundi 19 mars, est «une atteinte à la dignité de la personne et du médecin». Le Dr Hamlaoui s'est interrogé, après l'arrestation de plusieurs médecins résidents et des membres du Collectif: «est-ce que les conditions étaient réunies, pour passer cet examen? Le jury doit prendre en compte cela». Le Collectif doit décider dans les prochains jours, à l'issue de réunions régionales et nationale de consultation dans les différentes facultés de médecine pour «décider de l'année blanche et de la démission collective», indique-t-on auprès du collectif. Toutes les personnes arrêtées ont été, selon le Dr Hamlaoui, libérées. Le nombre des médecins résidents est globalement de 15.000.