L'Algérie devrait mettre en œuvre des réformes en urgence pour diversifier son économie et éviter une crise économique qui pourrait frapper le pays dès 2019, a averti dans son dernier rapport le centre d'analyse International Crisis Group (ICG). L'économie algérienne pourrait heurter l'iceberg en 2019, estime l'ICG, si le gouvernement ne met pas en place des réformes en urgence autant pour diversifier l'économie que pour améliorer les grands indicateurs économiques, relève l'ICG dans son rapport «Surmonter la paralysie économique de l'Algérie». Partant du constat que les recettes pétrolières du pays se sont nettement détériorées depuis 2014 dans le sillage de la baisse des prix de l'or noir et que les réserves de change sont consommées à un rythme effréné, le centre souligne que «les nouvelles réalités financières ne permettent plus de maintenir le niveau élevé de dépenses publiques des dix dernières années qui vide rapidement les caisses de l'Etat». «Malgré les promesses des gouvernements successifs de faire des réformes et de rééquilibrer les finances publiques, la paralysie politique a fait obstacle à toute mesure décisive», ajoute le rapport. L'ICG relève d'autre part qu'en dépit du «rétablissement du cours du pétrole, la crise économique pourrait frapper le pays dès 2019» et «se greffer aux tensions entourant la présidentielle» d'avril prochain. En outre, «les autorités reconnaissent que le modèle actuel est à bout de souffle, mais peinent à le corriger». Le rapport regrette que les réformes économiques «ont eu tendance à être reportées». Mieux, l'ICG explique l'inertie du gouvernement en matière de réformes économiques par «les groupes d'intérêt influents, qui défendent le statu quo» ainsi que «le souvenir de la guerre civile (1992-2002), née des troubles politico-sociaux ayant suivi les mesures d'austérité des années 1980 et 1990». D'autant que l'ICG considère «insuffisantes les coupes budgétaires» et la «politique monétaire expansionniste, qui alimente l'inflation et permet seulement au gouvernement de gagner du temps sans s'attaquer aux problèmes de fond». «A terme, l'Algérie ne pourra pas se contenter de petits ajustements techniques à sa politique économique», prévient le centre d'analyse pour qui il une renégociation du «contrat social implicite» dans le pays est inévitable pour le gouvernement, «à savoir que l'Etat pourvoit aux besoins d'une population tenue de s'exécuter». Mais, il a averti que «toute renégociation doit être envisagée avec prudence», notamment le contrat social. Le centre rappelle en effet le poids de la demande sociale, notamment en matière de création d'emplois dans un environnement économique marqué par la désindustrialisation et la baisse des investissements des entreprises et même publics. «Les moins de 30 ans (55% de la population selon les statistiques officielles) entrent aujourd'hui sur le marché du travail avec de sombres perspectives d'avenir et une capacité considérablement réduite de l'Etat à les soutenir», relève l'ICG qui admet que l'Algérie peut néanmoins compter sur une dette extérieure inférieure à 2% du PIB et sur des partenaires, européens notamment, «prêts à apporter leur soutien». D'autant que économistes et analystes ont appelé l'Algérie à plus de transparence sur l'état des finances publiques, les difficultés économiques, les réformes nécessaires et leurs résultats attendus et à «mettre l'accent sur les jeunes dans l'élaboration du programme de réformes». Le centre, dont fait partie l'ancien ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a également appelé le gouvernement à s'ouvrir et élargir son «éventail» de partenaires sociaux, et à ne pas rester dans la dualité avec l'UGTA et le FCE, deux organisation patronales proches du pouvoir. Très critique de la démarche du gouvernement en particulier et des pouvoirs publics en général, l'International Crisis Group estime que «l'attitude actuelle du gouvernement, qu'il s'agisse de prendre des décisions économiques majeures ou de s'attaquer à des questions politiques et sociales plus vastes, est trop souvent distante, arrogante et contraire aux attentes des Algériens». «Comme beaucoup de questions cruciales en Algérie, les questions de réforme économique ont tendance à être reportées, les partisans du changement attendant un leadership politique plus avant-gardiste», affirme encore l'ICG. Pour autant, «cela n'apparaîtra peut-être pas avant un certain temps et les décideurs d'aujourd'hui devraient considérer qu'il serait plus sage, tant pour leurs intérêts que pour ceux de l'Algérie, de prendre de l'avance en faisant face à une crise future plutôt que de faire face au choc lorsqu'il arrivera», prévient encore le centre d'analyse international. Les recommandations des experts de l'ICG se retrouvent parfois dans le discours du gouvernement, qui n'a pas donné cependant des certitudes sur sa volonté réelle d'aller plus en profondeur dans cette démarche pour relancer la croissance, améliorer la compétitivité des entreprises et freiner les déficits. Lors des réunions d'automne 2018 des institutions de Bretton Woods en octobre dernier à Washington, le ministre des Finances Abderrahmane Raouya, avait rappelé la volonté et l'engagement du gouvernement algérien à poursuivre les réformes économiques structurelles visant notamment à améliorer le cadre institutionnel et à orienter les ressources disponibles au bénéfice de la croissance économique. «Des efforts sont toujours déployés pour un meilleur recouvrement de l'impôt, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, l'amélioration des dispositifs pour encourager davantage l'investissement, la mise en place de mécanismes adaptés pour l'inclusion du secteur informel et la diversification des produits bancaires pour plus d'inclusion financière», avait-il affirmé. Mais, cela n'est pas suffisant, selon les experts de l'ICG qui conseillent des réformes économiques profondes devant permettre l'émergence d'une économie diversifiée et indépendante des hydrocarbures. Et, surtout, lutter plus efficacement contre la corruption. Le gouvernement devrait «chercher à répondre aux préoccupations grandissantes du public face à la corruption» et recommande de mettre en place une «commission d'experts chargée d'examiner la meilleure façon de réduire la corruption au moyen de réformes administratives et législatives».