Ce n'est ni une exclamation et encore moins une affirmation mais bien un « si ». Pourquoi ? Parce que de nom-breux politologues, observa-teurs politiques, notamment étrangers se demandent comment se fait il que l'Algérie qui fait partie des premiers pays d'après guerre qui étaient au rendez vous du progressisme et le premier pays africain qui s'est insurgé contre les injustices coloniales pour recouvrir son indépendance en 1962, avoir fait prématurément son printemps arabe suivi de plusieurs secousses printanières, disposant d'une population jeune, fortement « facebookeuse » accepte d'être dirigé par un leader d'abord officiellement malade, qui se fait de moins en moins rare, ne s'adressant à eux que par messages et personnes interposées, ayant fait une compagne électorale par procuration. Une telle situation parait un peu paradoxale pour non seulement une démocratie occidentale mais aussi coïncide avec cette vague citoyenne africaine contre leurs chefs qui s'accrochent au pouvoir. On se rappelle dans ce cadre justement qu'à partir de 2008 et l'Algérie n'a pas fait pas exception, de nombreux chefs d'Etats Africains ont travaillé pour leur maintien au pouvoir bien que la constitution le leur interdise. Que ce soit au Burkina Faso, mais aussi au Burundi, en République du Congo (Congo-Brazzaville), en République démocratique du Congo (RDC) ou au Rwanda, aucun président n'a formellement manifesté sa candidature pour une quelconque échéance électorale. Pourtant, les signes avant-coureurs ne manquaient pas. Après le Cameroun, le Tchad, l'Angola ou l'Ouganda, une nouvelle vague de modifications constitutionnelles avait été annoncée dans le continent africain. Les arguments utilisés pour justifier ces mesures sont invariables : le besoin de stabilité, la nécessité de poursuivre une œuvre inachevée et la réponse à une demande populaire. Les exemples ne manquent certainement pas mais retenons qu'un an a passé depuis la chute de Robert Mugabe, et l'euphorie a fait place à la déception. L'inflation est galopante, les biens alimentaires manquent. Le parti au pouvoir, la Zanu-PF tente de défendre son bilan, mais l'opposition accuse les autorités de harcèlement. Pourtant, ces leaders africains maintiennent le cap coûte que coûte. En réponse à Barack Obama qui, en 2009, avait lancé que « l'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, mais d'institutions fortes », M. Compaoré a rétorqué, dans un entretien accordé en août de la même année à Radio France Internationale, qu'« il n'y a pas d'institutions fortes, s'il n'y a pas d'hommes forts Il n'y a pas, aussi, d'institutions fortes, s'il n'y a pas une construction dans la durée ». Pour l'Algérie, cette construction s'est faite dés les premiers jours de l'indépendance sur les piliers de la paix sociale et l'épanouissement du citoyen qui resteront à ce jour au cœur de la démarche politico-économique. Le premier plan algérien en fait son principal préambule. A la question que se posent ces politologues étrangers, ils trouvent la réponse chez eux. Il s'agit là d'une fatalité de notre époque éviter le remplacement des dictateurs par peur que les gens trompés et affamés (au sens large) ne fassent pire que mieux. L'Occident s'en accommode comme toujours par intérêt économique. Ces despotes pillent leurs pays depuis toujours mais savent faire croquer la pomme aux vieux pays colonisateurs (contrat d'exploration, d'extraction, BTP, Transports, achat immobilier en Occident, bijoux, recyclage de l'argent sale etc.). Comment peut-on s'étonner aujourd'hui de la pénurie de candidats crédibles qui ne se déclarent pas pour prendre la relève à un homme malade en dehors d'un ordre établi où chacun trouve son compte aussi bien du côté citoyen que celui du pouvoir. Il faut rappeler par ailleurs qu'en général, tant que les donneurs de leçons de l'autre rive ne se rendent pas compte des dégâts causés aux pays africains en général et l'Algérie en particulier lors de leur colonisation, l'Afrique s'enfoncera de nouveau dans le pillage de ses richesses et la tyrannie de leurs satellites qui ont bien manœuvré leur soutien pendant que leurs citoyens supportent les vagues de migrants qui se déversent chez eux à cause du mal de vivre dans leurs propres pays. 1-l'alerte récente du Crisis group déséquilibre le système Le centre d'analyses International Crisis Group (ICG), vient d'alerter l'opinion publique algérienne et le gouvernement pour entamer immédiatement des reformes pour diversifier une économie dépendante aux hydrocarbures et éviter une crise économique dès 2019. Avant lui, le collectif NABNI l'a fait en indiquant précisément les chantiers par lesquels il devrait commencer qu'il a identifié comme priorité à 4 : l'engagement et la communication, l'équation budgétaire, dépréciation du dinar et élimination des licences d'importation, augmentation des taxes, moins d'exemption, réduction du gaspillage budgétaire, réduction des subventions et compensation des ménages par des transferts monétaires avec deux options pour l'accélération de son application : revenu universel ou transfert ciblé. Il faut préciser d'emblée que le gouvernement Sellal a tenté en vain de suivre certaines recommandations. Pourquoi en vain ? Parce qu'elles se heurtent au secteur informel sous toutes ses formes. Ce qui est nouveau avec l'ICG est qu'il vise directement les présidentielles 2019, échéance du blocage total économique en Algérie « Malgré les promesses des gouvernements successifs de faire des réformes et de rééquilibrer les finances publiques, la paralysie politique a fait obstacle à toute mesure décisive » lit-on dans ce rapport. Ensuite, dit-on, le cinquième mandat d'Abdelaziz Bouteflika est devenu un facteur aggravant. La situation politique critique du pays serait, selon l'ICG, dû à l'incertitude autour d'une candidature du président Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, à un 5e mandat en avril prochain. Deux facteurs paralysent les réformes: « des groupes d'intérêt » influents qui « défendent le statu quo » et le souvenir de la guerre civile (1992-2002), née des troubles politico-sociaux ayant suivi les mesures d'austérité des années 1980 et 1990, écrit l'ONG. De suite Ramdane Lamamra qui est membre du conseil d'administration n'a pas tardé de démentir son implication dans la rédaction du rapport. Il se dit ni informé, ni encore moins consulté sur l'opportunité et le contenu du rapport. D'autres groupes étrangers dont un Britannique ont visé cette histoire de présidentielles et prédisaient le chaos dans le cas où elle se réaliserait. 2-Toutes ces analyses sont fondées, désormais sur de fausses hypothèses Souvent lorsqu'on tente de modéliser un événement irrationnel comme en existe en politique parfois en incluant des paramètres qui tiennent pas compte de l'environnement et du contexte historique de cet événement , on pourrait aboutir forcément à des fantasmes comme la lutte des clans pour le pouvoir, une guerre déclarée entre l'armée et Bouteflika, Ouyahia serait le candidat de la DRS, Ould Abbes est limogé par le président du parti, la France soutiendrait Ouyahia pour la présidentielle 2019 etc. Parfois, des nostalgiques étrangers vont très loin en mettant en doute la révolution même pour l'indépendance de l'Algérie en s'appuyant sur des chiffres du flux migratoire. La logique et le bon sens, veut que pour une analyse crédible, on met un curseur entre deux périodes : avant l'indépendance et après celle-ci. Il faut insister pour préciser qu'historiquement les artisans de la révolution Algérienne se sont soulevés pour leur liberté. En effet, la société algérienne fut une des plus dépossédées du monde : la colonisation de peuplement avait expulsé une partie de la paysannerie de sa terre et condamnait, par son existence même, les chômeurs ruraux à ne pas trouver d'emploi dans le secteur agricole. La majorité des postes de cadres moyens ainsi que des fonctions administratives subalternes étaient dévolus aux Européens. Enfin l'identité algérienne elle-même était niée, le pays ayant un statut départemental tandis que l'arabe n'était pas enseigné dans les écoles. Le succès de l'insurrection du 1er novembre 1954 trouve là ses sources. Leur sacrifice n'est donc pas vain. Ceux qui ont pris le flambeau pour parachever le processus vers une indépendance « réelle » ont parfaitement échoué sur pratiquement tous les plans. Est-ce les circonstances du moment ? Est-ce les divergences de forme, ou celles de fond ? Est-ce le mimétisme des autres nations ? Toutes ces questions doivent trouver leurs réponses après le 5 juillet 1962 mais pas avant. Les 8 présidents élues ou intérimaires qui ont eu à conduire le pays, devront avoir une part de responsabilité. Il faut rappeler par ailleurs que les brouilles pour le pouvoir n'ont jamais cessés depuis le premier jour de l'indépendance et que le premier président de l'Algérie indépendante ne reconnaissait pas les assises de la Soummam qui contenait pourtant des préoccupations importantes pour l'unité nationale. Ceux qui sont venues après ont emboités le pas parce que tous cooptés par l'armée, garante du système qui les oblige à suivre ses règles. Ceux qui ne s'y conforment pas soit ils sont poussés vers la démissions (Chadli et Zeroual) soit liquidés physiquement (Boudiaf). Il faut tout de même reconnaitre, même si cela déplait à certain que Abdelaaziz Bouteflika a mis l'armée au pas et s'est soustrait du système par deux faits marquants : il a refusé en 1994 la cooptation, s'est présenté comme candidat libre à la présidentielle de 1999. Il n'a jamais déclaré être président du FLN ou assister d'une manière ou d'une autre à leurs assises. Il le faisait par message interposé sans aucune preuve tangible que ceci venait de lui. On l'accrédite du bannissement de Belkhadem en 2014 et la restructuration du FLN. Résultat : c'est la première fois dans l'histoire de l'Algérie indépendante que l'armée n'a pas osé coopter un successeur pour perpétuer le système tant que Bouteflika est en vie, pourtant la transition vers un changement de ce système est devenue aujourd'hui inévitable. Plus on retarde, plus elle sera doucereuse. Le chaos annoncé n'est pas fortuit comme nous le verront dans la partie économique. 3- Sur le plan économique Toutes les ONG's proposent sur le plan économique des reformes de fond qui ne sont pas très différentes de celles que recommandaient le Fond Monétaire International (FMI). Ces dernières demandent une audace managériale, très impopulaire mais pas que cela. Elles demandent au système de renoncer au pilier qui le cimente : la paix sociale qui pourrait se rompre à tout moment avec toutes les conséquences qui en découlent, octobre 1988 est la preuve irréfutable. La réalité est que voilà depuis maintenant quatre ans, l'Algérie voit ses réserves de change fondre. La faute à un prix du baril de pétrole trop bas pour couvrir les dépenses de l'Etat soucieux de maintenir la paix sociale dans le pays. Les temps fastes semblent désormais révolus. Pourtant, l'élite politique s'il en existe une se focalise sur la personne de Bouteflika sans pour autant présenter une alternative crédible à cette dépendance des hydrocarbures ou éventuellement sur la manière d'amorcer le changement inévitable faute de succession charismatique du régime. Les hydrocarbures représentent aujourd'hui près de 30% de la richesse du pays. Ils comptent pour 98% des exportations, et rapportent environ 70% des rentrées fiscales de l'Etat. Le niveau de vie des Algériens et la santé économique du pays se calquent aujourd'hui sur les prix du baril de pétrole dont la tendance n'est pas rassurante. Les élections présidentielles vont avoir lieu dans quelques mois. Mais continuer sur cette voie implique des incidences budgétaires énormes et les finances de l'Etat pourraient être à sec d'ici à 24 mois si la démarche ne changera pas de trajectoire. Faire tourner la planche à billets favorise l'inflation qui mènera droit vers le chaos vénézuélien. Le pouvoir actuel se retrouve donc devant un choix difficile, presque impossible. Le gouvernement veut assurer la pérennité financière de l'Etat et aimerait changer de politique budgétaire et mettre fin aux subventions publiques. Mais le risque d'un embrasement social est grand. Les mouvements sociaux de 2016-2017 ont freiné les plans de rigueur. Il faudrait que le baril de pétrole puisse remonter à près de 100 dollars pour résoudre à court terme les difficultés budgétaires sans déclencher des mouvements sociaux durs. Mais cela ne risque pas d'arriver. 4-Conclusion L'élite politique et les mouvements citoyens devront lâcher un peu Bouteflika pour présenter des alternatives d'une transition sans douleurs. Trouver les voies et les moyens pour réduire les dépenses publiques et procéder à une libéralisation intelligente en réorientant le privé vers des activités créatives au lieu de le laisser encrer ses ventouses vers le secteur public pour sucrer la rente pétrolière. Le système s'est habitué à l'économie de rente d'où son engouement pour les ressources non conventionnelles comme parades à ces échecs alors que les échéances pour ces difficultés sont très proches que d'attendre celles de l'exploitation du schiste qui pourraient dépasser une décennie sans compter l'aspect économique de sa rentabilité dans les conditions algériennes et celles de la concurrence du marché du gaz dans le bassin méditerranéen. En se basant sur la personnalité d'Abdelaaziz Bouteflika dont le parcours politique est hors normes, selon ceux qui l'ont côtoyé, 3 scénarios sont à présager juste après la convocation du corps électoral dans moins de 2 mois avec chacun sa probabilité d'occurrence : Il ne se présente pas, c'est la preuve par 9 qu'il est conscient de son handicap, sensé, clairvoyant dans ses analyses politiques, maitrise son entourage tel que décrit par les témoignages des différentes personnalités politiques étrangères qui l'ont rencontrés. Il se déclare candidat par procuration auquel cas il est otage d'un clan et donc la stabilité du pays est effectivement menacée. Le dernier scénario est pas de moindre probabilité, le système est en panne de succession et l'élite politique n'a pas trouvé d'alternatives pour conduire une transition consensuelle, auquel cas, la continuité est amplement justifiée. La somme des 3 probabilités font l'évènement certain. *Consultant pétrolier