La mobilisation populaire contre la prolongation du mandat de Bouteflika a semblé avoir atteint un sommet insurpassable le vendredi 8 mars avec des marches et des rassemblements ayant réuni des centaines de milliers de citoyennes et de citoyens. Pour aussi grandiose qu'a été ce jour-là la démonstration du rejet populaire du coup de force qu'est cette prolongation de mandat voulue par Bouteflika et le noyau dur de ses partisans, celle que l'Algérie a vécue hier l'a surpassée en ampleur car cette fois c'est pratiquement tout le peuple algérien qui est descendu dans la rue. Il n'est pas de précédent dans l'histoire contemporaine qui soit comparable à ce que le peuple a réalisé ce 15 mars. Il a en effet prononcé l'oraison funèbre du règne d'un homme et d'un système qui ont paru indéboulonnables. Il est clair désormais que Bouteflika et son clan ont perdu la bataille et que le système qu'ils ont cherché à pérenniser est irrévocablement condamné lui aussi à céder la place à celui dont les revendications populaires sont en train de tracer les contours. Il ne faut pas pour autant que le mouvement populaire qui est en train de réaliser cet extraordinaire exploit historique baisse la garde devant les tentatives auxquelles ils vont s'adonner pour le détourner de l'objectif qu'il s'est fixé. Il doit continuer à faire pression en radicalisant son exigence d'un départ de Bouteflika sans condition, de même que celle de la mise en route d'une transition aux conditions qu'exprime la volonté populaire et non de celles qui viendraient du pouvoir. Bouteflika et le noyau anticonstitutionnel qui l'a conforté dans son entêtement à ne pas céder sans manœuvrer pour prolonger son mandat n'ont plus pour ultime rempart que l'institution militaire. D'une façon clairvoyante, le mouvement populaire a pointé cette institution comme étant la seule en mesure de mettre fin au combat d'arrière-garde auquel s'essaie le clan présidentiel. En se découvrant à elle ce vendredi comme un mouvement porté par l'ensemble du peuple, il lui a délivré le message d'avoir à démontrer qu'elle est réellement en osmose avec celui-ci comme l'a solennellement réitéré son haut commandement par la voix de Gaïd Salah son chef de l'état-major. L'ère Bouteflika est bel et bien finie. L'enjeu est maintenant que le mouvement populaire qui y a mis fin ne se laisse pas dicter des castings de l'après-Bouteflika censés préserver l'Algérie d'une chute dans le chaos mais machiavéliquement concoctés pour baliser le champ à une contre-révolution qui jetterait aux oubliettes tout ce à quoi les Algériens aspirent et pour lequel ils se sont magnifiquement levés.