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Algérie : un président élu peut-il succéder à un roi déchu ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 08 - 08 - 2019

«Un roi ne gouverne pas, n'administre pas, ne gère pas, il règne. Il a tous les pouvoirs sans aucune responsabilité et n'a de compte à rendre à personne. Il est le roi».
Qui a renversé la monarchie presque millénaire en France ? C'est le peuple français. Le roi Louis XVI et sa famille sont assignés à résidence au palais des Tuileries à l'ouest du Louvre à Paris par une révolution sanglante qui a fait des milliers de morts entre 1789 à 1792. En Algérie, la tentative d'instaurer une monarchie par vingt ans de règne sans partage a été avortée par des manifestations pacifiques du peuple algérien à travers tout le territoire national sans qu'aucune goutte de sang ne soit versée. C'est un fait inédit dans l'histoire de l'humanité. Des millions d'Algériens sont descendus dans la rue pour dire non au cinquième mandat de cinq ans d'un souverain grabataire maintenu artificiellement en vie par son entourage. Cela ne doit pas nous faire perdre raison. Nous sommes un pays sous-développé sur tous les plans et largement dépendant du marché mondial tant en amont qu'en aval. Il est vrai que dans les pays arabes et africains, c'est avec le fusil qu'on s'empare du pouvoir, avec l'argent qu'on le garde et par son abus qu'on le perd. Le diable enjolive les choses et la ruse est sa concubine. En terre d'islam, les ressources d'Allah sont inépuisables et les stratégies de Satan innombrables.
Depuis le coup d'Etat du 19 juin 1965 et la nationalisation des hydrocarbures le 24 février 1971, l'argent et le fusil forment un couple inséparable pour le meilleur et pour le pire. L'argent corrompt et le fusil dissuade. Les deux enivrent. Les hommes sont pour le système politique comme la nourriture l'est pour l'organisme humain : ça rentre propre et ça sort sale. L'Algérie est le pays des tentations. Nous suivons sans nous rendre compte les pas de Satan; il est un bon conseiller pour nous. C'est un grand séducteur et un grand manipulateur, il inverse les valeurs, enjolive nos actions et prend possession de nos âmes crédules. Satan a plus de pouvoir sur l'homme lorsqu'il a le ventre plein et la poche débordante de monnaie que le ventre vide et la tête pleine d'idées. Et Dieu dans la stratégie de conservation du pouvoir, c'est le pétrole. Evidemment, qui dit pétrole dit dollars. « On ne coupe pas l'arbre qui te donne de l'ombre ». Pour le gouvernement algérien, après le pétrole, c'est toujours du pétrole ».
Ailleurs, la richesse est créée, en Algérie, elle est imprimée. Qui contrôle la production des hydrocarbures en Algérie ? Evidemment, diront les économistes, la demande mondiale et non les besoins du pays. Pour de nombreux observateurs, il aurait été préférable de les garder dans le sous-sol pour les générations futures que de les transformer en pétrodollars volatiles. Il suffit d'un simple clic pour s'évaporer. C'est cela l'économie de marché : un marché de dupes. Le pétrole n'aura été qu'un mirage dans le désert saharien. Evidemment, la conservation du pouvoir n'a pas de prix. Il s'identifie à la vie. La rente pétrolière et gazière empêche quasiment le renouvellement du personnel politique atteint par la limite d'âge, la diversification de l'économie et la renaissance d'une culture ancestrale qu'elle soit ethnique ou religieuse. Elle freine tout processus de développement ou de démocratisation du pays. L'argent du pétrole et du gaz donne l'illusion aux hommes que le pouvoir est « éternel » et qu'il peut se transmettre de père en fils. Une Algérie qui croit au pétrodollar : pétrole comme don de Dieu et dollar comme ruse de Satan. Un pétrodollar qui risque de se convertir au narcodollar. Heureusement que les Etats-Unis veillent à ce que le dollar ne se drogue pas, quitte à le noyer dans un océan de pétrole afin d'éviter une overdose aux banques américaines en mal de liquidités. En distribuant de l'argent sans contrepartie productive, le pouvoir crée une dépendance pathologique de la population à son égard et donc une assurance-vie pour se préserver. On ne mord pas la main qui vous nourrit même si elle est pourrie. La salarisation en Algérie signifie émargement au rôle de la rente en contrepartie de son allégeance implicite à la classe au pouvoir. La rente pervertit et perturbe le rapport salarial et de profit. Nous ne produisons rien de nos propres mains, nous ne créons rien à partir de notre cerveau. Nous importons tout que nous finançons par nos exportations d'hydrocarbures. Dans un pays chômé et payé où l'argent facile coule à flots, l'économie cède les commandes au politique, le politique à l'incurie et l'incurie à l'écurie qui conduit vers l'abattoir. Est-ce un signe précurseur de la fin des temps ? Difficile d'y répondre dans un monde dépravé où tout s'achète et tout se vend. Au regard de la mondialisation, nous ne sommes plus des êtres humains mais des objets marchands. Une fois la rente pétrolière et gazière épuisée, l'Algérien va-t-il vendre ses organes vitaux et l'Algérienne ses organes génitaux pour survivre dans une Algérie sans pétrole et sans gaz ? Une Algérie dans laquelle des gens insignifiants sont investis de responsabilités dont la plupart n'en sont pas dignes.
Par qui sont-ils désignés et pourquoi les avoir choisis ? Dans ces conditions, à quoi peuvent servir les élections ? Le plus souvent comme un trompe-l'œil ou comme faire-valoir ? Une chose est pratiquement certaine, le peuple a toujours été tenu à l'écart des grandes décisions comme se fut le cas lors du déclenchement de la lutte armée, de la nationalisation des hydrocarbures ou dans les politiques menées au pas de charge. Tenir le peuple responsable de la situation actuelle serait lui faire un mauvais procès. Réduit à un troupeau de bétail, il a toujours suivi le berger que le propriétaire a désigné pour le conduire soit à l'abattoir ou aux pâturages. Son destin lui échappe, il est entre les mains des détenteurs du pouvoir qui décident de son sort. Ils se sont emparés du pouvoir et se sont maintenus sans en assumer la responsabilité. Deux moyens ont été mis en œuvre : la carotte et le bâton, c'est-à-dire l'argent et le fusil. L'un ne va pas sans l'autre, le fusil sans l'argent se rouille, l'argent sans le fusil se dénude. Chemin faisant, on découvre la violence aveugle du fusil et le pouvoir corrupteur de l'argent. Cependant, l'argent est plus rusé et plus charmeur que le fusil connu pour sa rigidité et sa discipline. Pour Staline, ce qui compte, ce n'est pas le vote, c'est comment on compte les votes. Les élections ne sont en vérité que des cravates portées par des hommes en djellaba. L'une est formelle, l'autre est fondamentale. Les dirigeants arabes portent des djellabas plus amples pour se mouvoir et plus simple à revêtir qu'un costume de trois pièces indépendantes : le législatif, l'exécutif et le judiciaire. La cravate sur la djellaba, cela fait folklore, un folklore de mauvais goût. Si la djellaba cache les difformités, le costume les met en relief. La Constitution en Algérie n'a ni la rationalité ni l'effectivité, c'est une technique de camouflage d'un régime autoritaire. C'est l'armée qui désigne les dirigeants et c'est l'armée qui les destitue.
Le peuple ne croit plus aux résultats des urnes, affirme sa souveraineté, veut reprendre son destin en mains. La rue reprend ses droits et à l'armée d'assumer ses responsabilités devant le peuple. Le système est périmé. Le pouvoir a vieilli et le peuple a mûri. Il veut vivre et non plus survivre. Les jeunes sont en train d'accomplir un miracle : concilier la foi avec la vie. Leurs aînés sont de mauvais exemples qu'ils ne veulent pas suivre. Ils sont tombés dans le piège de l'argent facile et de la violence aveugle. Ils veulent faire leur révolution pacifiquement, intellectuellement et moralement. Et la moralité n'est l'apanage d'aucune religion. Elle est dans les cœurs et dans les esprits invisible à l'œil nu. Ils nous fascinent et forcent notre admiration et notre respect. Soyons à la hauteur de leurs aspirations. De la légitimité historique à la légitimité populaire, le pas est vite franchi pour peu qu'on ouvre grand les yeux et qu'on écoute leurs appels. Ils ne veulent plus servir de nourriture aux poissons de la Méditerranée. Ils veulent vivre chez eux heureux dans la solidarité, la joie et la bonne humeur. Nous sommes au crépuscule de notre vie. Rien ne peut nous épargner de la mort, ni nos biens, ni les hôpitaux ne peuvent être d'une utilité quelconque. La mort est une lanterne qui nous éclaire sur le chemin de la vie. L'argent facile nous aveugle, le bruit des canons nous étourdit. Nous sommes des égarés. De la modernité, nous n'avons retenu que les apparences et de l'islam que le rituel. « L'Occident vit sur des mensonges, l'Orient dort sur des vérités ».


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