Non content de réitérer avec insistance comme il l'a fait dans ses précédentes allocutions la nécessité d'organiser au plus vite l'élection présidentielle qui est pour lui la solution à la crise politique que le pays vit depuis sept mois, le général Ahmed Gaïd Salah s'est avancé dans celle qu'il a prononcée lundi lors de sa visite en quatrième région militaire à fixer un calendrier pour que cette échéance électorale puisse intervenir dans les délais impartis par la loi. Il a présenté son calendrier comme étant une « suggestion » répondant à une « revendication populaire insistante ». Pour le pauvre Abdelkader Bensalah qui a été le destinataire de cette « suggestion », celle-ci à n'en point douter a résonné à son oreille comme l'entend d'ailleurs l'homme fort du pouvoir qu'il est censé incarner en tant que directive qu'il se doit de traduire dans les faits. Il signera sous peu le décret convoquant le corps électoral le 15 septembre courant ainsi qu'arrêté par Gaïd Salah dans sa « suggestion ». Selon ce calendrier, l'élection présidentielle interviendrait donc courant décembre prochain. La question se pose alors de savoir si Gaïd Salah a arrêté le calendrier qu'il a fixé en toute connaissance de cause de ce que le peuple veut et des oppositions que va soulever son exécution, ou s'il a décidé de faire un passage en force pour atteindre l'objectif qu'il s'est assigné. L'on ne peut croire que le vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'ANP a pris la décision de précipiter le processus électoral qui a des opposants déterminés, et pas si isolés qu'il les présente, sur la seule base des résultats qu'aurait selon lui obtenus l'instance de dialogue et de médiation dans ses rencontres avec la classe politique, des acteurs de la société civile et des personnalités nationales. Ces résultats pour aussi encourageants qu'il les a estimés ne reflètent aucunement l'existence d'un consensus populaire et politique favorable à l'option de l'élection présidentielle dans les plus brefs délais qu'il appelle de ses vœux. Ce qui à notre point de vue a été déterminant pour Gaïd Salah est le constat qu'au contraire l'instance de dialogue et de médiation n'est nullement parvenue à faire bouger les lignes dans le sens voulu par lui d'une crédibilisation du processus électoral tel que projeté par le pouvoir dont il est l'homme fort. En militaire qu'il est, le chef de l'armée a probablement opté pour bousculer les oppositions politiques qui se dressent contre l'option électorale envisagée par lui, avant qu'elles n'aient le temps de constituer un front en mesure de faire pièce à sa feuille de route. Bousculer ces oppositions est du domaine du possible, mais comment passer outre celle qui pourrait venir du peuple qui persiste à clamer son refus d'une élection présidentielle organisée dans les conditions brossées par le chef de l'armée ? Bensalah convoquera certes le corps électoral, est-ce pour autant que les électeurs iront voter ? En quoi le président qui sortirait des urnes mal élu et avec une légitimité contestable serait en mesure d'affronter les défis induits par l'état de crise dans le pays qui ne s'évanouira pas avec son élection ?