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Hydrocarbures - Les aveux d'un ancien patron de Sonatrach
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 18 - 11 - 2019

«Le problème de l'instabilité managériale de Sonatrach est plus important que celui d'une loi. Sonatrach c'est comme la justice, il faut arrêter le téléphone et l'intervention du politique».
Ces propos, Abdelmadjid Attar les a tenus hier dimanche, le même jour que celui de l'installation de Kameleddine Chikhi comme PDG de Sonatrach en remplacement de Rachid Hachichi. Interviewé par la radio algérienne, Attar parlera de la Sonatrach, ses avantages, ses travers mais surtout ses missions d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures alors que certains grands gisements nationaux sont en phase de déclin. L'ancien PDG de Sonatrach, aujourd'hui consultant en énergie, n'a pas hésité à dire à propos de l'instabilité managériale du groupe pétrolier de Sontrach que «c'est un problème plus important que celui de la loi sur les hydrocarbures. «Il est vrai que les premiers responsables des gros groupes pétroliers restent au minimum 5 ans, mais ce sont des présidents qui sont préparés à l'avance, chez nous, c'est la pochette surprise, en 20 ans, on a eu 12 PDG à Sonatrach, sur les 5 dernières années, il y en a eu 6, chaque PDG reste en moyenne pas plus d'un an, le temps de démarrer quelque chose et on lui dit au revoir souvent sans qu'il le sache, et ça se fait un week-end...», a-t-il affirmé. Encore faut-il, selon lui, qu'on donne le temps au PDG de faire le point, de faire une stratégie avec ses collaborateurs et le temps de la mettre en œuvre, il en est d'ailleurs de même pour les ministres. « Cette instabilité est vraiment négative » a-t-il dit. Attar avoue qu' «on ne comprend pas cette précipitation, ce n'est pas sérieux, ça ne rassure pas les partenaires qui voient un défilé de présidents et de vice-présidents». Il fait savoir en outre que «la plupart des présidents ont un passage dans le désert... ce n'est pas sérieux tout ça !»
«C'est la rente qui est en danger»
Attar devait en premier répondre à des questions sur la situation énergétique nationale. «Le plus gros problème de l'Algérie est plus économique qu'énergétique parce qu'avec les réserves de change que nous avons, il faudrait un jour donner la priorité au marché intérieur, à la consommation et ne plus exporter, donc c'est la rente qui est en danger, ce n'est pas tellement l'approvisionnement énergétique du pays», a-t-il affirmé. Le pétrole et le gaz existent donc selon lui pour la consommation interne «sans aucun problème, il n'y a aucun souci à ce que ça se fasse avec les hydrocarbures dont nous avons les réserves ou que ça se fasse avec les énergies renouvelables et surtout l'efficacité énergétique parce que c'est aussi en tant de barils de pétrole et de m3 de gaz à consommer en moins à l'avenir». La rente qui s'évalue sur la base des rentrées en devises des ventes et de la fiscalité des hydrocarbures, Attar la lie étroitement à l'économie dans sa globalité.
«La rente, c'est l'économie qu'il faut absolument diversifier, ça fait des années que tout le monde le dit mais on en est toujours à une dépendance presque totale de la recette des hydrocarbures». Il pense même qu'«il ne faut plus explorer davantage, je l'ai dit à plusieurs reprises. Ceux qui disent que notre territoire est exploré à 40 ou 60% seulement, ce n'est pas comme ça qu'on évalue le potentiel d'un domaine minier, et ce n'est pas en faisant une loi qu'on va découvrir plus». Il explique qu'«un domaine minier est un domaine géologique, il y a des endroits où il y avait toutes les conditions favorables pour qu'il y ait du pétrole, d'autres non (...), la moitié ouest du Sahara, c'est du gaz naturel. A quelques exceptions près, les petits gisements d'Adrar ont été découverts dans les années 50, d'autres dans les années 70». Pour lui «la seule région qui demeure vraiment inconnue parce qu'elle est complexe sur le plan géologique dans son sous-sol et aussi sa surface (...), c'est le nord du pays». Il estime qu' «on peut trouver encore du pétrole dans le nord de l'Algérie mais pas de gros gisements». Son verdict est sans appel «Hassi Messaoud et Hassi R'mel, c'est fini ! Ils produisent depuis plus de 50 ans !»
«On a très peu de données concrètes»
Quant à l'offshore, Attar pense que «c'est possible mais je ne connais pas sa géologie, ceux qui la connaissent parfaitement disent qu'il n'y a pratiquement pas de chance de découvrir du gaz ou du pétrole dans notre offshore qui est complètement différent de celui de la Tunisie, la Libye ou l'Egypte». Il reconnaît qu'«il y a des travaux qui se font, c'est normal, il faut les faire tant qu'on n'a pas la certitude qu'il n'y en a pas». Il fait part aussi de «2 ou 3 forages qui ont été faits dans l'offshore, il faut bien voir comment est constitué ce sous-sol, on a très peu de données concrètes». Ceci ne l'empêche pas d'affirmer que «statistiquement et géologiquement, on a très peu de chances de trouver des accumulations d'hydrocarbures». A ceux qui pensent le contraire, l'ancien PDG de Sonatrach répond « ils ne connaissent ni le territoire ni le sous-sol, ils prennent des chiffres à droite et à gauche, ils racontent des histoires». Et si lui est affirmatif, c'est parce que, dit-il «j'ai passé ma vie à faire de l'exploration». Des études sur où trouver du pétrole «Sonatrach n'a fait que ça (...), mais la seule région sur laquelle on s'est trompé dans les années 70-80 parce qu'on n'avait pas les moyens d'aller explorer dans le fameux bassin de Berkine (...), il a fallu qu'il y ait des partenaires qui sont venus avec de nouvelles techniques et de nouvelles méthodes qu'on ne connaissait pas (...), ce qui nous a permis d'ailleurs de découvrir de nouveaux gisements». A Sonatrach, a-t-il rappelé, on a dit qu'on a découvert 70 petits gisements ces dernières années mais ils n'arrivent pas à les développer pour des raisons économiques parce que ce n'est pas rentable». Attar estime que «la baisse de la production est inévitable, un gisement commence à produire, il y a une montée en cadence pendant 4 ou 5 ans mais après 5, 10, 15 ans, c'est le déclin». Il affirme ainsi que «les découvertes de 90 dans le bassin de Berkine, sont finies, elles ont dépassé le plateau, c'est naturel ! On doit donc améliorer les technologies pour améliorer les taux de récupération, ce n'est pas pour produire plus mais pour maintenir le niveau de production, c'est-à-dire prolonger le plateau, aller plus loin avec la production maximale, les géants il n'y en aura plus». Il se prononcera sur les réserves hydrocarbures avancées par Sonatrach et les qualifie de «tout à fait fiables». Des réserves qu'il classe en «prouvées, probables et possibles». Et même s'il reconnaît que «les chiffres doivent être confidentiels», il affirme que «l'Algérie possède 2.300 milliards de m3 de gaz naturel, elle a de probables découvertes mais on ne les connaît pas assez bien, il faut les préciser». En comptant avec le probable et le possible, dit-il, «on peut arriver à 4.000 4.200 milliards de m3 de gaz conventionnel». Le pétrole atteint, selon lui, 1,5 milliard de tonnes.
Il pense, par ailleurs, que «l'Algérie a fait beaucoup de progrès techniques en matière de mix énergétique et salue l'installation du commissariat aux énergies renouvelables, «c'est une très bonne nouvelle tout autant que celle d'aller vers une efficacité énergétique», dit-il.
«Tous les gaspilleurs profitent des subventions»
L'économie d'énergie lui fait dire cependant que «nous sommes les champions du gaspillage, on est habitué à consommer sans réfléchir alors que les hydrocarbures sont épuisables, c'est parce que ça ne coûte pas cher». Il estime que «tant qu'on n'a pas appliqué une véritable politique des prix, les gens continueront à consommer de la même façon». Il est convaincu que «c'est une des priorités, cela est possible». Il rappelle que «les prix des hydrocarbures sont subventionnés et tout le monde en profite (...), tous les gaspilleurs, l'injustice est là. Il faudrait définir un programme et des mesures progressivement pour que les subventions profitent à celui qui en a besoin».
L'énergie solaire doit être aussi «bien conçue parce qu'elle ne l'a pas été, parce que les technologies ont évolué. Il faut aussi décentraliser, dans le monde on essaie d'arriver à l'autoproduction». Il note qu'«en 2011, l'Algérie a élaboré un programme de 22000 MW sans réfléchir aux problèmes, aux difficultés, aux financements, on est passé à 5000 MW d'ici à 2030 mais avec ce niveau, on ne couvrira même pas le plus de consommation intérieure du pays, il faut absolument accélérer ce programme». Il affirme qu'«il n'y a jamais eu de politique ni de stratégie énergétique». Tout en avouant que lui disait il y a 20 ans que «l'après-pétrole c'est le pétrole», dimanche dernier, Attar estime qu' «on faisait des programmes sans vision sur le long terme». Il y a selon lui «aujourd'hui, une prise de conscience, ce n'est pas suffisant, il faut absolument prendre au sérieux la transition énergétique». L'urgence «c'est la consommation interne» et «elle est assurée jusqu'à 2040», dit-il. Mais «c'est la rente qui ne l'est pas, à partir de 2025 elle va commencer à diminuer,» ajoute-t-il. Point positif, «à l'international, l'Algérie a une position stratégique de première importance et l'Europe aura toujours besoin du gaz algérien, il ne faut pas s'en inquiéter même si on ne vend que 50 000 m3». Ceci même si selon lui «il ne faut plus compter sur les contrats à longs termes, il faut les oublier, personne n'en veut, ils ne dépasseront plus les 8-10 ans». Il est persuadé que «le gaz est une exportation fiable qui se maintiendra jusqu'à 2030, au-delà, ça dépendra si on augmentera les taux de récupération, si on fait de l'économie d'énergie et est-ce qu'on n'ira pas aux hydrocarbures non conventionnels». Les vrais défis à ses yeux, c'est après les élections, ce sera une porte ouverte sur beaucoup d'inconnues et beaucoup de difficultés».


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