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Réflexion sur les aspects de développement au sein du secteur de l'énergie (Volet hydrocarbures)
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 19 - 03 - 2020

Je souhaite, à travers cette modeste contribution, attirer l'attention des pouvoirs publics de certains faits qui doivent être rigoureusement pris en charge à l'effet d'assurer une meilleure visibilité au secteur de l'énergie dans son volet ‘'hydrocarbures'', secteur névralgique à plus d'un titre, qui rapporte à notre pays d'importantes ressources financières lui évitant ainsi des lendemains difficiles et durs.
Je commencerais tout d'abord par la baisse de la production des Hydrocarbures qui pourrait nous conduire à une diminution des recettes extérieures sachant que plus de quatre-vingt-dix-sept pourcent (97%) de celles-ci proviennent de cette ressource. En effet, notre Pays exporte des quantités de plus en plus réduites en Gaz et en Pétrole, soit 141 Millions Equivalent Pétrole en 2005, 117 Millions Equivalent Pétrole en 2010, 106 Millions Equivalent Pétrole en 2017 et 99 Millions Equivalent Pétrole en 2018, non seulement du fait de cette baisse de production (même si la baisse des exportations en volume a été parfois et en partie compensée par une hausse des prix du baril de Pétrole) mais aussi par rapport à la part réservée au marché national qui devient de plus en plus importante. Du fait de cette dernière, il a été enregistré ces derniers temps une hausse d'environ dix pourcent (10%) pour les carburants, sept pourcent (+7%) pour le gaz et dix pourcent (10%) pour l'électricité pouvant doubler au bout de cinq (05) ans ce qui va fatalement réduire la marge laissée à l'exportation qui pourrait régresser de manière inquiétante et ce, d'autant plus que la population dans notre pays pourrait atteindre 55 millions en 2030 pour une consommation de près de 110 Millions Equivalent Pétrole à cet horizon.
Pour endiguer ce phénomène préjudiciable pour l'avenir de notre Pays, la stratégie devant être mise en place devrait s'appuyer sur le déploiement d'un modèle de croissance durable basé sur un programme d'investissements rentable, dont, la mise en œuvre devrait avoir pour objectifs la croissance des activités d'exploration et de production d'hydrocarbures, notamment :
- L'amélioration des taux de récupération sur les gisements de pétrole et de gaz ;
- Le renforcement de sa position mondiale parmi les leaders sur les marchés du gaz naturel et du GNL ;
- La mise en place d'un modèle de consommation énergétique tenant compte tant des mutations internes que des nouvelles mutations mondiales dans ce domaine ;
- L'adaptation de l'outil de Raffinage à l'évolution du marché intérieur ;
- La mise en place d'une stratégie en matière de transition et modèle de consommation énergétique vers l'économie d'énergie et le renouvelable ;
- La mise en place d'une politique axée sur l'utilisation du gaz et des énergies renouvelables liée à des prix appropriés ;
- La consolidation des positions en Europe en accédant à l'aval gazier tout en cherchant des développements ciblés sur le marché Asiatique ;
- Le développement de la pétrochimie avec la création d'un nouveau pôle pétrochimique d'excellence ;
- L'exploitation au-delà de 2025 des gaz de schiste pour assurer l'approvisionnement du marché intérieur au-delà de 2035.
- Enfin, s'affirmer comme étant un acteur pétrolier et gazier et non plus, seulement comme une source.
Dans ce cadre, l'exploitation du gaz de schiste, à moyen et long terme, pourrait améliorer cette situation, le potentiel de gaz de schiste récupérable en Algérie étant estimé à vingt milles (20.000) milliards de mètres cubes (m3) sur un total de deux cent sept milles (207.000) milliards de mètres cubes (m3) de réserves globales, soit la troisième (3ème) réserve mondiale, après la Chine et l'Argentine, et devant les Etats-Unis. Pour rappel, les principaux gisements de gaz de schiste, concernés, sont situés, dans les bassins de Timimoun, Tindouf, Regane, Mouydir, Ahnet ainsi que celui de Berkine, qui représente le plus grand bassin.
En effet, l'exploitation du gaz de schiste est indispensable car il y va de l'indépendance énergétique de notre Pays dans quelques décennies dans le sens où il est relevé une augmentation sans cesse croissante du rythme de la consommation des hydrocarbures qui est prévu de doubler d'ici l'année 2030. Il faudrait alors continuer à s'y préparer en évaluant d'une manière plus précise le potentiel sur le plan quantitatif afin d'en mesurer l'exploitabilité et pouvoir évaluer la rentabilité commerciale. Pour cela, le travail effectué jusqu'à là par le Groupe Sonatrach est conforme aux attentes, à savoir : mener des études sur de grandes surfaces, procéder à quelques forages d'appréciation, mettre en place des projets pilotes d'exploitation et enfin évaluer l'impact sur l'environnement, reste qu'il faut sensibiliser d'avantage la population en organisant des forums à tous les niveaux et dans les différentes régions du pays.
En ce qui concerne la question environnementale, il est nécessaire qu'une réglementation stricte soit imposée. Il faut savoir que l'opération de fracturation par injection d'eau est déjà utilisée depuis longtemps sur les gisements du Groupe Sonatrach, la nouveauté, c'est qu'il faut aujourd'hui, grâce aux nouvelles techniques, faire plusieurs fractures en même temps pour amener le gaz des roches, difficile, à faire monter à la surface. Par ailleurs, il existe d'autres techniques visant essentiellement à remplacer l'eau par un autre fluide ou gel. Il y a lieu de citer la fracturation au gel de propane où le gel est injecté dans le puit amenant du sable et des additifs pour fractionner la roche, et retourne en forme de gaz qui peut être capturé facilement, le gel de propane donne un meilleur taux de production par rapport à l'eau car un liquide peut être absorbé dans les roches en empêchant le gaz de s'échapper. L'eau peut aussi être remplacée par du propane pur (non-inflammable), ce qui permettrait d'éliminer l'utilisation de produits chimiques. Le propane pur est injecté sous forme liquide, puis redevient gazeux et peut être alors capturé. Aussi, une nouvelle technique vient d'être mis au point par la société ‘'Chimear Energy'', cette dernière permet d'extraire l'huile de schiste sans utiliser la fracturation hydraulique, ainsi, la perforation serait pneumatique et non plus hydraulique, elle utilise des gaz chauds et non pas du liquide pour fracturer les gisements de schiste. Ces alternatives à la fracturation hydraulique tentent de diminuer significativement la consommation d'eau et en même temps augmenter la production de gaz, certaines en sont encore à un stade expérimental et demandent à être plus largement testées. L'enjeu est de minimiser l'impact environnemental de la fracturation hydraulique tant pour les volumes traités que pour la qualité des eaux traitées.
En ce qui concerne les investissements dans l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste, ils sont extrêmement plus importants que ceux consentis pour le Pétrole et le Gaz conventionnel (environ six (06) fois plus). A mon humble avis, cet effort financier n'est pas avantageux pour le Pays, en tous cas pas dans l'immédiat, et qu'il faudrait recourir dans un moyen-long terme au partenariat étranger. Le Groupe Sonatrach devra se maintenir en veille du gaz de schiste et décider d'un engagement dans son exploitation au-delà de l'année 2025 pour surtout assurer l'approvisionnement du marché intérieur au-delà de 2035 car il y va, comme indiqué plus haut, de l'indépendance énergétique du Pays et ce, lorsque tous les paramètres seront bien cernés, notamment la question environnementale tel qu'expliqué plus haut, et surtout lorsque la rentabilité de son exploitation sera assurée.
Concernant la stratégie gazière de notre pays, étant cinquième exportateur mondial de gaz naturel, l'Algérie devrait absolument initier de grands projets et adapter sa philosophie de commercialisation aux nouvelles conditions du marché en vue de diversifier son portefeuille, préserver ses parts de marché afin de consolider son cash-flow et surtout faire face à la concurrence qui devient de plus en plus féroce. En effet, il est plus qu'impératif de lancer les travaux du gazoduc Galsi (08 milliards de mètres cubes (m3) de gaz), où un accord intergouvernemental relatif à ce projet a été conclu en 2007 entre l'Algérie et l'Italie pour une mise en production en 2012, or, nous sommes en 2020 et le projet n'a pas encore été lancé. De même, qu'il est urgent de revoir l'utilité et la rentabilité du projet TSGP (Trans Saharian Gas Pipeline) estimé actuellement entre treize (13) et quinze (15) milliards de Dollars pour la construction du gazoduc d'une longueur de 4.300 kilomètres devant alimenter l'Europe en gaz puisé dans le delta du Niger.
L'Algérie devrait aussi baser sa stratégie sur le marché Asiatique, qui ne peut être atteint par les gazoducs et qui reste un marché très prometteur en termes de Gaz Naturel Liquéfié (GNL), soit 75% de la demande totale, d'autant plus qu'il y a une certaine instabilité dans le marché européen du gaz et qu'il faut diversifier ses marchés où il est à noter qu'actuellement, la part de marché du Groupe Sonatrach est très minime (0.82 millions de tonnes en 2018). La croissance des marchés du gaz, en Asie, est portée essentiellement par trois (03) facteurs : la Croissance démographique, le Développement de la production d'électricité et les Préoccupations liées à l'environnement, cette croissance, de l'ordre de plus de 500 milliards de mètres cubes (m3) d'ici à l'horizon 2030, sera alimentée, en grande partie, par le Gaz Naturel Liquéfié (GNL). En effet, la demande globale en Gaz Naturel Liquéfié (GNL) devrait passer de 375 millions de tonnes par an (MTPA) en 2020 à 470 millions de tonnes par an (MTPA) d'ici 2030. En 2018, les capacités de regazéification ont été de l'ordre de 868 millions de tonnes (MT) pour une capacité de liquéfaction mondiale de 406 millions de tonnes, ainsi, le déséquilibre entre l‘offre et la demande en GNL persistera.
En ce qui concerne la production globale de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) du Groupe Sonatrach, celle-ci est passée d'une moyenne de 23 millions de tonnes par an (MTPA) durant la période 2000-2005, à 19 millions de tonnes par an (MTPA) durant la période 2006-2014 et à 10.3 millions de tonnes (MT) en 2018, ceci explique, en grande partie, le pourquoi de la baisse des exportations en termes de Gaz Naturel Liquéfié (GNL), qui seraient passées de douze pourcent (12%) à trois virgule trois pourcent (3.3%) du total des échanges mondiaux. Actuellement, la capacité nominale de Liquéfaction du Gaz Naturel de l'Algérie est de 25.3 millions de tonnes (MT), où l'utilisation de cette capacité pour les exportations a été moins de cinquante pourcent (50%) en 2018 et en 2019, les causes étant essentiellement dues aux capacités de production toujours aussi limitées des anciens complexes de Liquéfaction de Gaz Naturel pour cause de non disponibilité des équipements stratégiques et des taux d'autoconsommation qui dépassent les vingt pourcent (20%). Pour rappel, ces complexes sont en exploitation depuis plus de 35 ans et qu'une rénovation a déjà été effectuée au milieu des années 90. Toujours dans le cadre de cette stratégie gazière, il est judicieux d'acheter des actifs dans des entreprises de distribution et de vente, ceci passe impérativement par une stratégie de ventes basée sur des investissements (participations) en terminaux de regazéification en Europe mais beaucoup plus en Asie, et ce, dans le but de vendre du gaz directement aux clients, à l'image de Sonatrach Gas Marketing UK Ltd.
Il reste bien entendu que ces investissements doivent être accompagnés par une stratégie basée sur la construction de nouveaux méthaniers pour le transport du Gaz Naturel Liquéfié (GNL). Il faudrait enfin conjuguer les contrats à long terme avec le principe du Take or Pay et les marchés spot en privilégiant une coopération gagnant-gagnant avec ses partenaires basée sur des engagements clairs et avec une continuité absolue, cette dernière peut se concrétiser à nouveaux car notre pays l'avait déjà montré par le passé à condition qu'un travail solide en amont soit mené dans les trois (03) aspects suivants: Economique, Politique et Diplomatique.
L'intérêt pour les contrats à long terme entre les producteurs et les consommateurs est complémentaire, les pays importateurs recherchent une stabilité et une diversification à long terme de leurs flux énergétiques alors que pour les pays producteurs, cela permet de garantir le financement des investissements dans le domaine gazier et de répartir les risques entre producteurs et consommateurs, ce type de contrat est nécessaire, cependant, la problématique de savoir avec précision ce que sera la demande sur le long terme a eu comme conséquence directe l'émergence du marché spot qui reflète l'équilibre réel offre/demande du marché, donc, il y'a lieu d'adapter sa stratégie, en permanence, sur la réalité du marché, entre contrats à long terme et marché spot. Actuellement, les marchés du gaz sont cloisonnés dans trois (03) zones distinctes, les Etats-Unis, l'Europe, et l'Asie avec des prix très différents mais compte tenu des nouvelles productions de GNL à venir, notamment en provenance de l'Australie et des Etats-Unis, les différences de prix entre les trois grands marchés auront tendance à s'estomper entre 2020-2025. L'Algérie devrait réagir d'une manière objective et structurée afin d'adapter sa stratégie en matière de politique gazière vis-à-vis de l'Europe et de l'Asie car les contrats à long terme évoluent dans un environnement politique et économique en mutation constante. Il y a lieu par conséquent de s'adapter, en permanence, aux conditions et à la réalité du marché en permanence où deux (02) paramètres sont à prendre en considération :
- Le premier paramètre est d'ordre juridique, il faut inclure des clauses relatives aux changements des conditions et circonstances du marché, notamment la clause de sauvegarde dite ‘'hardship'', qui doit être distinguée de celle de ‘'Force Majeur'', cette clause devra être rédigée minutieusement en précisant les différents évènements imprévisibles aux parties contractantes et les énumérer afin de se prévenir de toute difficulté lors de sa mise en œuvre ;
- Le deuxième paramètre est lié aux formules de calculs utilisés, il faut absolument introduire la part des prix du marché spot dans ce type de contrat.
Je voudrais également parler du domaine de la Pétrochimie qui à mon sens n'a pas eu toute l'attention nécessaire dans le sens où son développement permettra à notre Pays de mieux valoriser ses ressources hydrocarbures permettant ainsi de développer son tissu industriel et favoriser les alliances et le partenariat dans des projets en garantissant la réussite du partenariat et en préservant les intérêts des uns et des autres. En effet, l'Algérie devra chercher son positionnement sur le marché international de la Pétrochimie par une forte présence à l'international sur le marché des produits finis à travers notamment une commercialisation conjointe. Une bonne partie des productions sera alors destinée à l'exportation, procurant ainsi des revenus supplémentaires en devises pour l'Algérie, l'autre partie sera quant à elle destinée à intégrer l'industrie nationale et ce, à travers la fabrication de matières premières pour la filière chimie servant à produire les détergents, les peintures, le plastique, le caoutchouc et les emballages. En outre, les projets Pétrochimiques, une fois lancés, permettront la création de postes d'emplois dans des domaines variés aussi bien pendant la phase construction que la phase exploitation. En effet, le développement des projets pétrochimiques et de raffinage lancé par le Groupe Sonatrach s'inscrivait dans le cadre de la valorisation des matières premières disponibles ainsi que le renforcement de l'Investissement Direct Etranger (IDE) en Algérie, conformément à la politique alors en vigueur, et visait notamment :
- Le développement du tissu industriel en Algérie ;
- La satisfaction de la demande du marché national en carburants et produits pétrochimiques ;
- La pénétration du marché international à travers une commercialisation conjointe avec nos partenaires des produits pétrochimiques ;
- Le développement socioéconomique de certaines régions Algériennes.
Dans ce cadre et pour rappel, le Groupe Sonatrach a lancé des Appels à Manifestation d'Intérêt au titre de l'année 2005 dont la mise en œuvre a regroupé plus de quarante (40) Sociétés internationales leaders mondiales dans l'industrie pétrochimique où plusieurs d'entre elles sont détentrices de technologie dans le domaine pour la réalisation, en partenariat, d'un portefeuille de projets Pétrochimiques et de Raffinage. Il s'agit des projets suivants :
- Une Raffinerie de Pétrole Brut dans le centre du pays d'une capacité de quinze (15) millions de tonnes par an pour la production des produits blancs ;
- Un complexe de Déshydrogénation du Propane et de production de Polypropylène (PDH-PP) à Arzew d'une capacité de cinq cent milles (550.000) tonnes par an;
- Un complexe intégré de Production d'Acide Téréphtalique (PTA) et de Polyéthylène Téréphtalate (PET) à Skikda pour une production respectivement de cent cinquante milles (150.000) tonnes par an et de cent vingt milles (120.000) tonnes par an ;
- Un complexe intégré d'extraction de N-Paraffines d'une capacité de traitement de quatre millions cinq cent milles (4.500.000) tonnes par an de ‘'Fuel-oil'' pour la production de distillats, de propane et de butane et de production de Linear Alkyl Benzène (LAB) à Skikda d'une capacité de soixante-quinze milles (75.000) tonnes par an destiné à l'industrie des détergents ;
- Un complexe intégré de production d'oléfines à Skikda d'une capacité de traitement de un million huit cent milles (1.800.000) tonnes par an de Naphta visant la production de polymères ;
- Un complexe de Vapocraquage d'Ethane à Arzew de quatre (04) millions de tonnes par an ;
- Un complexe de méthanol à Arzew d'une capacité d'un million de tonnes par an, destiné totalement à l'exportation.
Cet ensemble de projets, qui nécessitaient à l'époque des investissements de plus de dix (10) milliards de Dollars US, devaient participer à la relance de la Pétrochimie nationale, jusque-là marquée par une présence timide du Groupe Sonatrach. Une bonne partie des productions devaient être destinée à l'exportation, procurant ainsi des revenus supplémentaires en devises pour l'Algérie. Une autre partie devaient être intégrer à l'industrie nationale et ce, à travers la fabrication de matières premières pour la filière chimie servant à produire les détergents, les peintures, le plastique et les emballages. Le Groupe Sonatrach recherchait, à travers ce processus, un partenaire investisseur, pour le partage du risque financier avec elle et un ‘'off-taker'' des produits finis pour son positionnement sur le marché international de la Pétrochimie et du Raffinage, malheureusement, cette démarche qui a abouti en son temps à la maturation de plusieurs projets, n'a pas eu de suite jusqu'à la date d'aujourd'hui à l'exception du projet Déshydrogénation du Propane et de production de Polypropylène (PDH-PP) qui a été lancé en partenariat avec Total en 2019 (Sonatrach 51% et Total 49%).
Il y a quelques années, la décision de fermeture du Complexe Pétrochimique CP1.K de Skikda, fleuron de l'industrie pétrochimique nationale, a été prise. En ma connaissance, ce qui manquait le plus à ce Complexe c'était l'Ethane comme matière première et sa réhabilitation surtout dans le souci d'augmenter les aspects liés à la fiabilité, la flexibilité et la sécurité des installations de production, or le nouveau train de GNL de Skikda, actuellement en production, produit autour de cent soixante-seize mille (170 000) tonnes par an d'Ethane, la réhabilitation devait être fait il y a bien longtemps, pourquoi n'a-t-elle pas été lancée en son temps ? Cette réhabilitation si elle était prise en charge à temps aurait à mon humble avis éviter d'arriver aujourd'hui à la fermeture de ce Complexe.
Pour ce qui est du Raffinage, l'Algérie dispose actuellement de six raffineries en cours d'exploitation (Alger, Arzew, Skikda, Hassi-Messaoud et Adrar. La capacité de traitement annuelle s'élève à vingt-sept (27) millions de tonnes extensible à trente (30) millions six cent quatre-vingt-quinze mille (30.695.000) de tonnes par an (une fois le programme de réhabilitation des raffineries existantes complètement achevé) répartie comme suit :
- Raffinerie d'Alger : 2.700.000 tonnes par an extensible après sa réhabilitation à 3.645.000 Tonnes par An soit une augmentation de trente-cinq pourcent (35%) de sa capacité de traitement actuelle ;
- Raffinerie d'Arzew : 2.500.000 tonnes par an extensible après sa réhabilitation à 3.750.000 Tonnes par An soit une augmentation de cinquante pourcent (50%) de sa capacité de traitement actuelle ;
- Raffineries de Skikda :
-- RA1.K : 15.000.000 tonnes par an extensible après sa réhabilitation à 16.500.000 tonnes par an soit une augmentation de dix pourcent (10%) de sa capacité de traitement actuelle ;
-- RA2.K (Topping de Condensat) : 2.500.000 tonnes par an.
- Raffinerie de Hassi-Messaoud : 1.200.000 tonnes par an ;
- Raffinerie d'Adrar : 600.000 tonnes par an.
Le projet de la nouvelle Raffinerie de Hassi Messaoud d'une capacité de cinq (05) millions de tonnes par an qui vient d'être lancé portera la capacité totale de production a trente-cinq (35) millions six cent quatre-vingt-quinze mille (35.695.000) tonnes par an.
Pour rappel, le Groupe Sonatrach prévoyait dans son plan de développement quatre (04) autres nouvelles Raffineries réparties sur tout le territoire national et ce, comme suit :
- Trois (03) Raffineries de capacité de traitement de Pétrole Brut local de cinq (05) millions de tonnes par an chacune sur les Hauts-Plateaux (Tiaret, Ghardaïa et Biskra) ;
- Une (01) Raffinerie de capacité de traitement de Pétrole Brut d'un (01) million de tonnes par an au sud du Pays (Illizi).
A l'exception du projet de Tiaret dont la réalisation aura des répercussions socio-économiques extrêmement importantes sur toute la région, l'opportunité d'un tel investissement est contestable pour plusieurs raisons notamment le fait que:
- Notre Pays n'a aucun intérêt à raffiner son Pétrole Brut qui est d'une qualité supérieure par rapport aux autres Pays exportateurs et rapporte mieux à l'exportation ;
- Notre Pays gagnerait à importer le Pétrole Brut Lourd qu'il peut transformer en Gasoil et en bitume ce qui diminuerait la facture d'importation de ces produits et répondrait au besoin national de plus en plus croissant.
Par ailleurs, les réserves nationales prouvées de Pétrole Brut, estimées à 12.2 milliards de barils, demeureraient insuffisantes pour pouvoir garantir l'approvisionnement des Raffineries existantes sur tout leur cycle de vie même si les réserves seront renouvelées à hauteur de cinquante pourcent (50%), actuellement estimés à trente pourcent (30%), qui après la réhabilitation des Raffineries et l'augmentation de leur capacité de traitement, ont atteint au moins vingt-cinq (25) à trente (30) ans. Ce constat, qui soulève d'ailleurs la question de la pérennité de l'approvisionnement des raffineries actuelles, rend difficilement envisageable la réalisation d'autres nouvelles raffineries qui traiteraient du Pétrole brut local. Aussi, il serait en mon sens plus intéressant et judicieux d'avoir des prises de participation dans des raffineries en Europe ou ailleurs dans le monde ce qui serait, d'une part une manière concrète de renforcer la stratégie d'internationalisation des activités de Sonatrach et cela éviterait à cette dernière d'investir dans des installations de raffinage en on-shore essentiellement pour faire face à l'explosion de la demande en Gasoil en Algérie qui devra sérieusement être contré par une taxation différentielle profitable aux essences légères et au GPL Carburant. La gamme des carburants commercialisés sur le marché national devra par contre s'élargir pour s'enrichir de nouveaux carburants alternatifs à l'effet de contenir la demande en Gasoil au rythme ascendant (il n'est en effet pas normal que la consommation de carburant en Algérie augmente de sept pourcent (07%) par an comme rapporté par les spécialistes).
Ainsi et à la lumière de ce qui précède, le développement de la Pétrochimie et du Raffinage devrait constituer l'un des axes majeurs de la nouvelle politique industrielle. Au vu de l'importance du secteur, les Pouvoirs Publics doivent apporter une aide spécifique au développement de ces projets sans pour autant laisser la porte ouverte aux dérives ce qui nécessite le bon encadrement de ces opérations. Aussi, les banques publiques, ayant enregistré un excès de liquidités, doivent s'impliquer dans le financement de nombreux projets énergétiques dans le cadre de ce qu'on appelle le ‘'Project financing''.
Avec l'implantation des projets ci hauts cités au niveau des Zones Industrielles d'Arzew et de Skikda, ces dernières seraient complètement saturées et il est temps à mon humble avis de relancer dès à présent le projet de création de la nouvelle Zone Industrielle de Béni-saf (Wilaya d'Ain Témouchent) avec un port hydrocarbure (comme étant le futur pôle pétrochimique d'excellence après celui d'Arzew).
C'est pour toutes ces raisons que je recommande fortement la reprise de ce projet qui serait sans nul doute un pari gagnant à prendre sur les capacités de Sonatrach et sur les promesses de l'industrie Algérienne des hydrocarbures en ce moment même où la morosité domine l'économie mondiale. Ça serait également un signal fort qui sera donné au monde des affaires, quant à la poursuite du développement et de la croissance du Groupe Sonatrach et c'est assurément aussi, l'expression d'un optimisme raisonné face aux hésitations et aux incertitudes qui caractérisent aujourd'hui de larges cercles économiques dans le monde. L'Algérie sera ainsi présente aux différents moments de la reprise de la croissance mondiale et à ceux de la relance de la demande sur les marchés des hydrocarbures et de leurs dérivés.
En effet, ce projet prévoyait la création d'un pôle portuaire et industriel d'une superficie totale de 4 196 ha, qui devait être implanté à trente (30) kilomètres à l'ouest du chef-lieu de la wilaya d'Ain Témouchent. Ce site est en fait composé de deux (02) terrains d'assiette, le premier situé à l'est de Béni-Saf d'une surface de près de deux mille deux cents (2.200) hectares situé entre les plages de Terga, Oued El-Halouf et les localités de Oued El-Kihal, Gherras Baroudi et Ouled Djeraba. Quant à la seconde assiette, d'un peu plus de deux milles (2.000) hectares, elle est située à l'ouest de la ville et est bordée par la voie ferrée et la RN 96. Ces deux (02) terrains sont séparés de 2,5 km par l'embouchure donnant sur la plage ‘'El- Hilal'', lieu d'implantation du terminal Medgaz et d'une unité de dessalement d'eau de mer. Il est à noter cependant, qu'initialement, la superficie retenue avoisinait les six milles (6.000) hectares, une superficie revue à la baisse pour éviter que des localités ne soient enchevêtrées dans cette zone industrielle qui a la particularité d'être implantée sur une profondeur atteignant les 4,5 km du rivage, contre seulement 1,5 km pour celle d'Arzew.
Une étude allait même être lancée et devait porter essentiellement sur le développement d'un schéma directeur d'aménagement ainsi que l'élaboration du dossier d'Appel d'Offres pour les travaux, notamment la viabilisation intérieure de la zone industrielle, la réalisation d'un port hydrocarbures, la réalisation des ouvrages de communication avec l'environnement extérieur et enfin la réalisation des ouvrages d'utilités impératifs. Cela augurait d'un développement potentiel de la région, d'autant plus que celle-ci devait recevoir deux (02) projets d'envergure à savoir :
- Le projet de réalisation d'une aluminerie pour un coût d'investissement d'environ sept (07) milliards de Dollars US, pour une capacité de production de 700.000 tonnes par an. Ce projet prévoyait également, la construction d'une centrale thermique indépendante, d'une unité de dessalement d'eau de mer et des locaux de stockage des matières premières importées (aluminium et coke).
- Le projet de réalisation, d'exploitation et de gestion, en partenariat, d'un complexe d'ammoniac et dérivés composé d'un module de 600 000 tonnes par an.
Enfin, ce nouveau pôle portuaire et industriel aura plus de six milles (6.000) emplois à la clé et générera d'importantes retombées financières pour les budgets des collectivités locales de la région.
Tous ces projets d'envergure s'inscrivaient pleinement dans la mission de valorisation optimale des hydrocarbures en saisissant les opportunités réelles de valeur ajoutée qu'offre à l'économie nationale la transformation aval la plus poussée de notre énergie primaire et en proposant aux investisseurs nationaux et internationaux des associations mutuellement bénéfiques et des avantages comparatifs incontestables.
En effet, il faut savoir que ces projets devaient également s'inscrire dans le cadre de l'ambitieux programme pétrochimique du Groupe Sonatrach à l'effet de développer ce secteur qui représente un important débouché pour l'économie nationale.
Dans un autre registre, il est vrai qu'avec le renouvelable, l'Algérie pourrait réduire la consommation domestique de gaz car l'électricité étant en grande partie produite aujourd'hui par le thermique gaz (97% de l'électricité, au niveau national, est produite à partir du gaz), mais pour y arriver à cela, il faut impérativement développer de nouvelles technologies, instituer une nouvelle culture de consommation et enfin réduire les coûts afin de pouvoir utiliser et exploiter cette ressource.
En effet, le développement des énergies renouvelables en Algérie, qui revêt un intérêt particulier, devra inciter les Pouvoirs Publics à donner un nouvel essor à ce secteur en vue de les substituer aux énergies fossiles dont les ressources se font de plus en plus rares. Consciente de l'intérêt grandissant des énergies renouvelables et de leurs enjeux, l'Algérie aura à intégrer encore d'avantage le développement des énergies renouvelables dans sa politique énergétique, ce développement, qui est certes encadré par un ensemble de textes législatifs, devra être continu et soutenu.
En matière de gestion, on constate que l'organisation actuelle n'est pas adaptée aux mutations conjoncturelles et structurelles que connait le secteur pétrolier et gazier au niveau mondial, il faut dire que le processus décisionnel est devenu hyper centralisé, de même, la politique des ressources humaines est à revoir complétement, en effet, notre Pays ne peut plus se permettre de continuer à perdre ses compétences dans ce domaine au profit de ses concurrents, on note aussi l'absence d'un système d'information en temps réel qui se fait sentir de plus en plus, une difficulté dans l'exécution des grands projets, notamment en matière de délais de réalisation qui est indissociable de la maîtrise des budgets, il faut savoir que lorsqu'un projet dépasse les délais, il mobilise des ressources, grève souvent les enveloppes budgétaires initiales et résultera sur un manque à produire pouvant se chiffrer en milliards de dollars.
Pour un nouveau management stratégique et une nouvelle gouvernance, il est fortement préconisé la mise en place d'une manière graduelle de ce qui suit :
- Adapter l'organisation actuelle aux standards du secteur des Hydrocarbures ;
- Conduire un audit opérationnel et un audit technologique ;
- Mise en place d'indicateurs de gestion et de performance ;
- Mise en place d'une politique des ressources humaines adaptée ;
- Mise en place d'un système d'information en temps réel ;
- Mise en place des comptabilités analytiques.
Les défis à relever sont d'une extrême importance et serait difficile d'atteindre sans un mode de gestion et une organisation aux standards du secteur des Hydrocarbures. Ils se résument comme suit, notamment :
- Le maintien des investissements dans l'exploration ;
- L'augmentation des réserves ;
- L'amélioration des taux de récupération des grands gisements ;
- La préparation pour l'exploitation du gaz de schiste ;
- La conservation et la reconquête de nouvelles parts de marché sur les marchés Européen et Asiatique du Gaz Naturel.
L'efficacité de la gouvernance passe nécessairement par une vision stratégique à long terme basée sur la crédibilité, la transparence et l'intégrité de son organisation en matière de pouvoir et de processus décisionnel, et ce, en renforçant la culture de gouvernance (notamment du top management), en s'appuyant sur un système d'information en temps réel et en stimulant les compétences et par conséquent améliorer la performance et intégrer le top 10 des plus grandes compagnies pétrolières et gazières pour le cas de Sonatrach.
Enfin, en plus des prises de participation dans des raffineries en Europe ou ailleurs dans le monde et l'achat des actifs dans des entreprises de distribution et de vente de Pétrole et de Gaz, , indiqué plus haut, il est plus que judicieux de renforcer la stratégie d'internationalisation des activités du Groupe Sonatrach qui doit s'inscrire dans une dynamique de sa croissance et ce, en terme d'exportation de ses services surtout après avoir acquis une expérience et non des moindres dans les différents domaines surtout celui du Gaz Naturel Liquéfié (GNL) où elle est l'un des leaders mondiaux disposant de plusieurs usines avec divers procédés de liquéfaction depuis la réalisation de la première usine de liquéfaction dans le monde, soit la ‘'CAMEL''. Plusieurs de ses cadres et ingénieurs ont accompagné des entreprises étrangères à l'instar de celles des Pays comme l'Egypte, le Qatar et d'autres mais à titre individuel seulement.
Il s'agit là, à la lumière de ce qui précède, des principaux défis auxquels notre Pays devra faire face à moyen et long-termes pour répondre à la demande interne et externe et assurer ainsi la sécurité et l'indépendance énergétique de notre Pays. En somme, l'indépendance énergétique, c'est plus que du grignotage, c'est une grosse bouchée stratégique dans cette offensive visant à diversifier nos sources d'énergie, satisfaire la demande interne (Gaz Naturel et Produits Pétroliers) et externe (Pétrole et Gaz Naturel) et améliorer par là même, positivement, la balance commerciale de l'Algérie.
*Expert en Management Général et Industriel - Ancien Cadre Dirigeant de Sonatrach


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