Le revirement du maréchal Khalifa Haftar dans sa partie de guerre contre Faïez Sarraj, le chef du Gouvernement libyen d'union nationale (GNA) est-il tactique ou une réelle volonté de nouer une paix durable qui aboutirait à une solution politique salutaire pour le peuple libyen ? Le maréchal Khalifa Haftar, qui a toujours privilégié la solution militaire, dont la dernière offensive sur Tripoli, où siège le Gouvernement libyen d'union nationale (GNA), en est une démonstration indubitable, plaide en faveur de la paix et l'instauration d'un cessez-le-feu à partir du 8 juin. Quelle probabilité de tenir la route ? Malheureusement, cette nouvelle initiative, parrainée par le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi, qui a concocté et baptisée cette initiative « la Déclaration du Caire », risque de connaître le même sort que les précédents projets de trêve et tentatives de relance des négociations de paix qui ont tous connu un déplorable échec. Principalement à cause de l'initiative, elle-même, engagée sans concertation avec les pays du voisinage et sans la participation de toutes les parties libyennes qui ont leur mot à dire dans tout ce qui engage l'avenir de la Libye. Seuls le maréchal Haftar et le président du Parlement de l'est libyen étaient présents au Caire lors de la présentation de ce plan de paix par le président égyptien, le samedi 6 juin. Comment prétendre appeler à la paix sans la participation des parties en conflit et les pays du voisinage, puisque le conflit touche directement à leur sécurité intérieure ? Réagissant, d'ailleurs, avec une certaine froideur diplomatique face à ces nouveaux développements, l'Algérie indique, par le biais d'un communiqué du ministère des Affaires étrangères (MAE), avoir « pris acte de la dernière initiative politique en faveur d'un cessez-le-feu immédiat et d'une solution politique à la crise libyenne ». Ni soutien ni rejet de « la Déclaration du Caire », à laquelle le communiqué du MAE ne fait même pas mention expressément. Non sans réitérer l'attachement de l'Algérie « au rôle axial des pays voisins » afin de rapprocher les vues entre les frères libyens, à la faveur d'un dialogue inclusif en tant qu'unique voie pour rétablir la paix en Libye et garantir son unité et son intégrité territoriale. L'Egypte d'Al Sissi est un voisin de la Libye, qui peut légitimement craindre pour la sécurité de son pays, mais il ne doit certainement pas ignorer qu'il n'est pas seul dans ce périmètre. L'improbabilité qu'une telle initiative unilatérale aboutisse à quelque chose de sérieux n'est-elle pas qu'un alibi ostentatoire à une intervention militaire de l'Egypte dans le conflit libyen ? On suspecte également, dans ce contexte, une manœuvre militaire pure qui tire sa raison des rapports de force sur le terrain, qui a penché du côté du gouvernement libyen, dont les forces ont réussi ces derniers jours à repousser l'offensive lancée en avril 2019 par le maréchal Haftar sur Tripoli, et poursuivre l'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar jusque dans ses ultimes retranchements, dans ses villes bastions à l'Est. C'est dans ce nouveau décor qu'intervient la nouvelle initiative de paix pour la Libye. Le maréchal Haftar qui, à la tête d'une armée structurée, et bénéficiant du soutien militaire de l'Egypte, des Emirats arabes unis, la Russie, était à un doigt d'imposer son hégémonie en Libye par les armes, ou c'est ce qu'il croyait, mais l'entrée de la Turquie de plain-pied dans le conflit, et qui ne veut plus en sortir, fournissant un important appui militaire au gouvernement libyen, a complètement chamboulé le visage de la guerre. La paix des vaincus, comme l'a qualifié et rejeté le président du Parlement de Tripoli, Khaled al Mechri, n'a aucune chance d'être acceptée par le vainqueur, qui revendique une capitulation de l'ennemi. Tout comme la revendiquait le maréchal Haftar au moment de sa domination sur les forces du gouvernement libyen. Tout n'est que question de temps pour que les victoires succèdent aux défaites, et vice versa, dans ce cercle des violences qui minent la Libye depuis la chute de Kadhafi, en 2011.