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Algérie: « la jeunesse se noie pour vivre, la vieillesse amasse pour mourir ! »
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 30 - 09 - 2021

«Dans presque tous les mythes fondateurs, personne n'a de pire ennemi que son frère, si ce n'est son père qui, craignant une alliance des frères contre lui, prend parfois les devants et les tue » Jacques Attali
Je voudrais m'intéresser à l'aliénation parentale pour essayer de comprendre la nature des relations toxiques qu'entretient un pouvoir narcissique avec une population émotive. L'un est centré sur lui-même, l'autre est sous son emprise. Les psychologues qualifient le syndrome de l'aliénation parentalecomme une maltraitance psychologique sur un enfant. L'enfant apprend à vivre sous emprise. Il intègre la dialectique dominer ou être dominé. Cela se traduit par de la haine ou de l'amour. Demandez à un enfant " aliéné " de vous décrire ses deux parents, la réponse ne se fera pas attendre : l'un des deux parents fait tout pour lui, l'autre n'est qu'un parasite. L'enfant est persuadé qu'il s'est forgé sa propre opinion alors qu'il fait l'objet d'une double manipulation. Le crime est parfait. Pas de témoin, pas de trace, point d'alibi. Tout se passe derrière les rideaux. Les rideaux sont levés les masques tombent. L'Algérien éprouve une haine maladive du père pervers, en raison de l'emprise qu'il exerce sur lui au point de vouloir le tuer symboliquement afin de prendre sa place et voue un amour inconsidéré pour la mère narcissique au point d'avoir peur de la tromper avec sa femme. Si la haine répond à la haine, l'amour engendre l'amour.
L'amour et la haine sont les deux facettes d'une même réalité. Celle d'une aliénation parentale. En apparence, de l'extérieur, il ne se passe rien mais en privé loin des projecteurs, l'enfant vit un véritable drame, une torture morale insoupçonnable. Les enfants aliénés développent une psychose systématisée qui peut envahir tout le champ de conscience à l'âge adulte. Le parent aliénant est responsable de cette situation et la seule solution est de lui retirer la garde car il commet l'équivalent d'un inceste.. Il semble incontestable que les difficultés d'autorité dans la relation des parents avec leurs enfants-adulte résultent essentiellement d'une faille dans le narcissisme parental. La faille narcissique peut s'exprimer soit par un désir de réparation du parent dans la relation à l'enfant soit aller jusqu'à la haine à l'égard de ce dernier.. Ce qui est frappant chez le père c'est l'absence d'empathie, de compassion.. Pas de remord, pas de culpabilité. Tout est centré sur son égo. Moi, moi, moi. L'autre n'existe pas en tant qu'être, ce n'est qu'un objet que l'on peut manipuler à sa guise et à volonté. Ses souffrances ne nous atteignent pas. Ses désirs inassouvis ne nous touchent pas, ses frustrations nous ne les connaissons pas. Nous ignorons ses rêves, ses projets, ses aspirations.
Il n'est là que pour satisfaire notre égo démesuré et combler notre vide intérieur, un vide incommensurable. Pourtant l'enfant adulte a besoin de s'opposer au père pour devenir lui-même père. L'élue de son cœur n'a pas besoin d'un " fils à papa " mais d'un homme qui la protège, qui l'honore et qui la comble. Les empêcher, c'est les maintenir indéfiniment dans l'infantilisme. Ce n'est plus de l'amour parental mais de la destruction psychique. Dans ce cas, Ce ne sont pas les enfants devenus adultes qui ont besoin d'une consultation mais les parents narcissiques. Malheureusement, ils sont dans le déni de la réalité. Ce qui est valable pour les relations parents-enfants l'est également entre gouvernants et gouvernés. C'est pour dire qu'un peuple émotif engendre naturellement un pouvoir narcissique. Amour de soi et haine de soi, argent et suicide sont de la même substance.
Le pouvoir a horreur du vide. Face au vide, il s'écroule. Il a peur de l'image que lui renvoie le miroir. Il a besoin des émotions d'autrui pour se nourrir comme il a besoin d'une image flatteuse pour se donner l'illusion d'exister. Il a peur de se retrouver seul face à son miroir qui lui renvoie sa propre image, celle d'un personnage hideux qu'il ne supporte plus. Il est en guerre avec lui-même. C'est pourquoi il est condamné à porter un masque pour ne pas sombrer dans la folie. Miroir, mon beau miroir. Les élections n'ont jamais été ni le printemps des démocraties, ni l'hiver des dictatures. Elles ne font que plébisciter des choix faits ailleurs. " La vérité est ailleurs, ça m'arrange, c'est là où je vais ". Elle est dans le système. Un système qui tire sa légitimité de l'histoire (la guerre de libération) et sa substance de la géographie (les gisements pétroliers et gaziers). Il repose sur des fondations antisismiques devant survivre " aux évènements et hommes ". Un système qui place l'intérêt des clans au-dessus de celui de la nation. La nation devant s'identifier à son Etat, par conséquent de le subir c'est-à-dire se soumettre à son autorité ou disparaître. " Si l'Etat est fort, il nous écrase, s'il est faible nous périssons ". Cette citation de Paul Valéry souligne le caractère problématique du rapport entre l'Etat, la société et l'individu. Tout Etat a besoin de force, de pouvoir politique et juridique pour pouvoir organiser la vie politique, économique et sociale d'une nation. Sans ses institutions, l'Etat sera faible et sans aucune autorité. Il sera incapable de garantir l'ordre public.
L'Etat doit être plus fort que la société et l'individu. Pour y parvenir, l'Etat se dote de lois et d'institutions pour renforcer son pouvoir et son autorité. Il s'appuie sur le gouvernement, le parlement, la justice, la police, l'armée mais aussi sur les citoyens par leur contribution financière à travers le paiement des impôts et taxes sans laquelle il ne peut fonctionner. Malheureusement, un Etat fondé sur la force financé par une rente dans lequel un homme totalise tous les pouvoirs et concentre toutes les ressources conduit inéluctablement à la dictature, à la tyrannie, à la corruption, à l'anarchie. Le résultat sera un Etat qui opprime les libertés, dilapide les deniers publics, gaspille les énergies. En effet, dans un pays " chômé et payé ", les citoyens ne sont pas des contribuables mais des redevables.
La main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit, c'est elle qui commande à l'instar de l'enfant devenu adulte qui vit au crochet de ses parents vieillissants. Et de surcroit qui demande à ses parents de libérer la chambre nuptiale pour s'y installer. On n'est plus dans le déni mais dans le délire. D'un autre côté, des parents qui vivent de l'héritage de la guerre de libération n'ont aucune légitimité pour s'approprier la terre de leurs enfants. D'autant plus qu'ils n'ont pas fructifié ce patrimoine des martyrs de la révolution et l'ont dilapidé dans des soirées mondaines faisant profiter leurs maîtresses et leurs amis ne sont pas de tout reproche. Une grande partie du fardeau leur incombe. Vivant cet héritage à la fois illusoire et éphémère, l'Etat est indépendant de la société et se place au-dessus comme un père vis-à-vis de ses enfants.
Les rapports de l'Etat avec la société ressemblent étrangement aux rapports qu'entretient un père avec ses enfants. Un père qui laisse ses enfants dans le dénuement le plus total pour se donner en spectacle à ses maîtresses et à ses amis dans le but de gagner leur sympathie. Etre l'enfant d'un père pervers narcissique, c'est apprendre à ne pas vivre autrement qu'au travers de la destruction psychique organisée par le pervers. Un pervers est dénué d'empathie, ne se culpabilise pas, il est dans le déni. Il se valorise en rabaissant les autres. Il déni à ses enfants toute identité propre. Ses enfants sont ses objets. Il traite ses enfants de façon anarchique et imprévisible (manger, dormir, jouer) en fonction de son humeur, sans cohérence et sans logique. Il dit une chose et fait son contraire. Il déstabilise l'enfant. Cela devient difficile pour eux de sortir de son emprise. C'est un parent qui n'autorise pas l'autonomie de l'enfant puisque celui-ci lui est redevable de sa vie (logement, nourriture, soins).
Pour limiter les pouvoirs de l'Etat et se protéger contre le pouvoir abusif de l'Etat, il est nécessaire de maitriser le pouvoir de l'Etat. Pour ce faire les pays démocratiques divisent le pouvoir politique, et judiciaire. Au parlement, le pouvoir législatif, au gouvernement le pouvoir exécutif et à la justice, le pouvoir judiciaire. Cette séparation de pouvoir a pour but de pouvoir limiter le pouvoir de l'Etat pour que l'Etat n'abuse pas de son pouvoir, de sa violence. Cette maltraitance visant à briser la volonté de l'enfant et d'en faire un être docile. La position de l'enfant est très complexe. Son attitude tend à rechercher de l'affection du parent maltraitant et en même temps à se libérer de l'emprise. Le parent narcissique considère son enfant comme un objet qui peut servir ses intérêts et son image.
Il est incapable de considérer que son enfant a des désirs, des émotions, des besoins qui lui sont propres. Il considère son enfant comme une propriété personnelle sur laquelle il a tous les droits. Tant que son enfant fait ce que lui dicte son père, il est cajolé, adulé. Si par hasard son enfant se distance en s'affirmant, dans ce cas il le rejette sans ménagement sans état d'âme.
C'est systématique car le parent narcissique est incapable d'aimer son enfant de façon inconditionnelle. Il le culpabilise, lui fait du chantage, ne prend aucune responsabilité et rejette la faute sur son enfant. Comme il est en quête de l'amour inconditionnel de son parent, l'enfant se pliera à ses exigences et se coupera de ses désirs, de ses émotions, et de ses besoins.
Il se coupe en fait de lui-même, de son identité. Il cesse d'exister pour lui-même. Pour sortir de l'emprise de son parent, l'enfant n'a que deux possibilités : fuir dans des embarcations de fortunes ou se suicider en s'exposant à la contagion du covid-19. Remplacer le parent par Etat l'enfant par société, et vous comprendrez mieux le drame qui se joue en Algérie Ceci dit, qu'en est-il de la relation Etat-société ? Elle varie en fonction des croyances et des ressources. De la " trinité du pouvoir " en terre chrétienne (législatif, exécutif, judiciaire) pour qui seul le pouvoir arrête le pouvoir à " l'unicité du pouvoir " en terre d'islam où le monarque ou le dictateur concentre tous les pouvoirs et toutes les ressources. " L'Etat est tout, la société est rien " selon la formule consacrée. En occident, " tu manges ton pain à la sueur de ton front " ; en Algérie, " tu auras du pain à la souplesse de ton échine " ? Deux sociétés différentes, deux religions opposées, deux trajectoires historiques spécifiques. Quoi qu'il en soit, on ne choisit pas ses parents, le pays qui nous a vus naître et l'époque dans laquelle on doit vivre. L'histoire est un éternel recommencement, et la géographie une source intarissable de ressources.
L'Algérie a vécu plus de la rente et de la gabegie que de l'effort et de l'économie. Elle a masqué l'indigence des populations et a conforté le pouvoir dans la gestion de l'économie et de la société. Elle est devenue par la force des choses une prison à ciel ouvert sous un soleil de plomb. Tous ont vécu de la ponction de la rente et tous ont obéi aux ordres. Enfants, nous avons obéi à nos parents, adultes aux ordres de nos supérieurs, vieux aux désirs de nos enfants devenus adultes. Des adultes tyrans. Et la roue tourne. Proche de la rente, les intellectuels sont les plus fidèles serviteurs du système, loin de la rente, ils sont ses plus farouches détracteurs. Qui n'a pas été fourvoyé par le système? Il est comme la nourriture pour l'organisme " Ça rentre propre et ça sort sale ". Le système est corrupteur dans son essence parce qu'il repose sur l'argent sale des hydrocarbures. Un argent qui pourrit tout sur son passage.
Il n'offre à ses enfants du système que deux alternatives se soumettre disparaître. Pour les jeunes âgés de moins de trente ans, sans emplois, sans revenus et sans perspectives, n'ayant pas vécu les affres de la colonisation, les drames de la guerre civile, et les délices des années fric de la corruption, représentant plus de la moitié de la population ne veulent plus finir dans le ventre des poissons de la méditerranée, ils sont résolus à mettre fin pacifiquement à ce système qui les humilient, les répriment, les oppriment, les empêchent de respirer, de vivre comme tout le monde librement dans leur propre pays. Leur idéologie est simple, il vaut mieux manger " un pain sec debout, qu'un steak haché assis ". Le covid-19 a fait irruption sans crier gare. Il se propage à la vitesse de la lumière. L'humanité entière tremble, les Etats vacillent, les peuples se révoltent, l'économie s'effondre, le nombre de morts se multiplient, le danger est à proximité, les gens se distancent, se confinent, se protègent mais pour combien de temps, la famine pointe à l'horizon. Mourir de faim ou de maladie ? On ne choisit pas sa mort.
La science est impuissante, la religion n'est d'aucun secours, la politique se dénude, le désespoir s'installe. La crise sanitaire va accélérer le processus de transformation et des réformes, un effort massif de mise à jour des infrastructures de santé, de relance de la production agricole notamment en biens alimentaires, l'investissement dans l'éducation, la formation et la recherche scientifique sont désormais des priorités absolues et aucun gouvernement ne peut reporter indéfiniment ces réformes. L'Algérie ne sera plus la même après le Hirak-19, c'est la fin des certitudes et le début des incertitudes.
Le covid-19 va bouleverser le monde de fond en comble où le chacun pour soi et dieu pour tous va s'installer durablement et inexorablement. La famine sera le critère de sélection des peuples à la survie. La question qui doit être au centre des débats : Pourquoi les réformes échouent-elles les unes après les autres à changer certaines organisations ? Parce derrière ce que l'on analyse système moderne de développement étatique se cache la réalité d'un système conservateur clanique rentier mortifère. Que faire alors pour passer de rapports distribution clientélistes à des fins de légitimation de pouvoir dans le cadre d'une économie rentière à une légitimation des rapports de production capitalistes dans le cadre d'une économie de guerre ? Comment réduire les inégalités et mieux répartir les revenus ? Comment faire pour que chacun récupère ce qui lui est dû ? L'Algérie a vécu plus de la rente et de la gabegie que de l'effort et de l'économie. Elle a masqué l'indigence des populations et a conforté le pouvoir dans la gestion de l'économie et de la société. Elle est devenue par la force des choses un enjeu de pouvoir. Une rente que le covid-19 a pulvérisée au nord comme au sud, à l'est comme à l'ouest.
Les frontières se ferment, les populations se confinent, les magasins baissent les rideaux, l'économie s'arrête, la nourriture manque, le coronavirus se propage, l'ange de la mort frappe à la porte, l'âme s'agite. Devant la mort, nous sommes tous égaux. Moralité : la mort est une lanterne qui nous éclaire sur le chemin de la vie. Si on fait une petite rétrospective, enfant colonisé, adulte socialisé, à la retraite, entreprenant. Tel est notre paradoxe. La prospérité produit des faibles, l'adversité révèle les grands. " Presque tous les hommes peuvent faire face à l'adversité, mais si vous voulez tester la capacité de quelqu'un, donnez-lui le pouvoir " nous dit Abraham Lincoln. A la fin des années soixante-dix, au cours d'une entrevue privée avec un souverain arabe, un diplomate américain aurait dit : " C'est Dieu qui a mis du pétrole dans votre sous-sol, ce sont nos machines qui l'extraient, ce sont nos firmes qui l'exploitent, quel est votre mérite ? ", le souverain musulman aurait souri ; et le diplomate de poursuivre : " c'est de l'usage que vous ferez de vos revenus pétroliers, que vous seriez jugé par Dieu et par votre peuple : Si vous en faîtes un bon usage, vous seriez béni par Dieu et votre jeunesse vous en sera reconnaissante, par contre si vous les dilapidez, dieu vous maudira et les générations futures déterreront et retireront vos os pour les brûler sur la place publique ". Le sourire de ce souverain musulman cache en réalité une double vérité : la première, c'est que seul Dieu l'unique enrichit qui il veut et sans commune mesure, et que l'homme n'a été créé que pour adorer Allah son créateur ; la seconde, c'est que la richesse est la plus grande et la plus pénible des épreuves que Dieu a infligées aux arabes. Aujourd'hui Satan est devenu plus percutant, il tente l'homme non pas par la pauvreté mais par la richesse. Le pétrole est une chose inviolable sur terre, personne n'y touche sans risquer de recevoir les foudres de Satan. Pris dans le tourbillon du pouvoir et fascinés par l'argent facile, les dirigeants arabes délirent et se lancent dans des projets pharaoniques afin de s'immortaliser. Dans la tombe, ils chercheraient à " régner en enfer que servir au paradis ". Ils s'imaginent que le monde se plie à leur volonté et que les recettes pétrolières vont leur assurer l'éternité. L'Algérie n'échappe pas au cours de l'histoire. La corruption est un fertilisant pour les dictatures et un poison pour les républiques. Elle consolide les régimes autoritaires et détruit les institutions en gommant le droit. Du berceau à la tombe, la république se noie dans les eaux troubles de la corruption. On ne scie pas la branche sur laquelle on est assis. Il n'y a pas de corrompu sans corrupteur.
Les deux se tiennent par la main et font le marché ensemble. Elle est le lubrifiant du régime et l'opium du peuple, Mirabeau disait " la corruption est dans l'homme comme l'eau est dans la mer ". Il n'y a pas d'eau douce dans une mer salée. L'Etat en Algérie se caractérise par l'inefficacité de la gestion publique et ses corollaires : la violence interne et la dépendance externe. Même dans l'hypothèse favorable d'un pouvoir relativement stable, ce pouvoir se révèle largement impuissant à réaliser les objectifs qu'il s'est fixé, à cause de l'inefficacité de son administration et lorsqu'il parvient à réaliser ses objectifs, c'est au prix d'un gaspillage effrayant. Cette inefficacité de la gestion étatique est due nous semble-t-il à plusieurs facteurs on peut en citer quelque uns : La concentration excessive des pouvoirs et des ressources, le laxisme et/ou l'indigence des autorités monétaires, douanières, fiscales ou bancaires, la mauvaise gestion des entreprises au sens pénal et économique du terme, l'absence ou l'insuffisance des mécanismes qui permettent de contrôler l'action des dirigeants d'entreprises et des fonctionnaires de l'administration et les obligent à rendre compte de leurs actes, à l'intervention systématique de l'Etat pour éponger des déficits financiers de toutes origines sans procéder à des audit préalables et enfin à l'incompétence et à la corruption des dirigeants qu'ils soient des dirigeants politiques ou des fonctionnaires. " C'est l'occasion qui fait le larron ". Elle se propage à la vitesse du covid-19. Des visages masqués, des mains distancées, des oreilles dressées, des pieds confinés, des frontières fermées, des affaires ratées, des commissions perdues.
Cette corruption est d'autant plus importante, qu'à la corruption financière liée au développement de l'économie monétaire et marchande se combinent des formes de corruption qui trouvent leurs origines dans des solidarités plus ou moins tribales. Le loyalisme premier à l'égard de la famille engendre un népotisme qui imprègne les administrations. Le clientélisme, reposant sur l'échange entre personnes contrôlant les ressources inégales est partout roi. C'est un fait établi, l'Etat en Algérie est un Etat sous développé. Le sous-développement économique est une réalité globale multidimensionnelle.
On peut parler de sous-développement politique comme on peut parler de sous-développement économique ou culturel. L'Etat en Algérie n'est pas l'équivalent de ce qu'il est en Europe, c'est pratiquement une propriété privée. Il n'est pas l'émanation de la nation. Il tire sa légitimité de la guerre de libération nationale et sa substance des gisements pétroliers et gaziers. C'est en quelque sorte " un héritage ". L'Etat post colonial est le résultat d'une contradiction externe, une puissance coloniale et une insurrection armée. Il prend corps à partir de l'Armée et de l'administration et non d'une bourgeoisie ou de la classe ouvrière.. Il repose sur une rente et non sur une production. Un Etat qui se fonde sur la force et non sur le droit. Il s'agit en fait d'un détournement de l'Etat par les clans qui s'en emparent pour s'accaparer les richesses de la nation.
Les hydrocarbures sont la propriété de l'Etat et non de la nation. Vivant exclusivement de la rente, l'Etat peut se permettre de ne pas développer une production propre en dehors des hydrocarbures et rien ne l'empêche d'établir des relations clientélistes avec les acteurs économiques et sociaux qui se sont multipliés au fil du temps et des sommes amassées. Partant du principe sacro-saint que tout problème politique, économique ou social a une solution budgétaire. Comme le budget est constitué essentiellement de recettes fiscales pétrolières, l'Etat jouit d'une grande autonomie par rapport à la population puisqu'il est capable de fonctionner et de renforcer ses services sans recourir à l'impôt ordinaire. L'essentiel du jeu économique et sociopolitique consiste donc à capturer une part toujours plus importante de cette rente et à déterminer les groupes qui vont en bénéficier.
Il donne à l'Etat les moyens d'une redistribution clientéliste. Il affranchit l'Etat de toute dépendance fiscale vis-à-vis de la population et permet à l'élite dirigeante de se dispenser de tout besoin de légitimation populaire. Elle dispose des capacités de retournement extraordinaire étouffant toute velléité de contestation de la société. Il sera le moteur de la corruption dans les affaires et le carburant des violences sociales. Ce sont les mains propres qui mangent du pain sale. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un regard furtif sur les détritus qui jonchent le sol pour se rendre compte de l'état de délabrement du pays. Nos rues sont sales, nos villes un dépotoir, nos campagnes désertées, des ponts qui s'écroulent faute de rénovation, des quartiers inondés faute d'entretien, des bâtiments qui s'affaissent faute de fondations, des murs qui se dressent sur des passages publics, les villas qui poussent comme des champignons sur des terres fertiles, des constructions d'immeubles sur des lits d'oued, une terre qui respire du gaz, un peuple qui se nourrit du pétrole, des " experts de l'échec " qui palabrent sur les plateaux de télévision, des administrations pléthoriques qui ronronnent, une économie de bazar comme vide ordure du monde entier, une jeunesse désœuvrée à la force de l'âge quittant le pays à bord d'embarcations de fortunes dans une mer agitée avec comme destination des rivages inhospitaliers.
Economiquement, rien de laborieux ne s'exporte, tout s'importe, l'argent facile fascine, la force brutale aveugle, une société qui se meurt, une pandémie qui fait des ravages, des émeutes sporadiques qui éclatent ici et là, une monnaie qui dégringole à vue d'œil, des dollars qui fuient le pays par des canaux empruntés vers les paradis fiscaux. Un argent gagné honnêtement ne prend pas le large. Il ne fuit pas le regard de la société qui l'a vu naître et grandir. " On ne vend pas la terre sur laquelle marche un peuple " nous conseille les indiens d'Amérique. Ils savent de quoi il parle. Le pouvoir se comporte avec la population comme ce père avec ses enfants, un père qui hérite d'un patrimoine qui ne lui appartient pas en propre et le dilapide dans des soirées mondaines avec ses maîtresses et ses amis livrant ses enfants à la rue sans toit, sans eau et sans emploi les laissant dans le dénuement le plus total car manquant d'empathie et de sagesse il fuit ses responsabilités et se réfugie dans la violence paternelle. Des enfants devenus adultes victimes de la maltraitance de leurs parents narcissiques. Pour sortir de l'emprise, deux issues leurs sont offertes ; fuir dans des embarcations de fortunes ou finir dans un asile de psychiatrie. Pour ne pas sombrer dans la folie, un jeune algérien plein de talents avant d'embarquer dans la nuit sur un canot pneumatique plein de monde à destination de l'Europe, adresse ses derniers mots à son père convolant en justes noces au crépuscule de sa vie ivre d'un argent volé ragaillardi par la pilule bleue, bleue comme la mer de la Méditerranée dans laquelle se noient ses propres enfants à la recherche d'une vie meilleure : " Je ne suis pas né au milieu d'une palmeraie mais j'ai la grandeur, la droiture et l'humilité d'un palmier. Plus un palmier s'élance vers le ciel plus ses palmes s'inclinent devant la volonté divine. Adieu père ... ou peut-être au revoir... ".
Le titre s'inspire d'une citation de John Petit-Senn
*Dr


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