Un foncier industriel de 151 hectares a été récupéré. Tel est le bilan de la commission locale du suivi de l'investissement installée depuis deux ans. Côté institutionnel, doit-on s'en réjouir ou, tout au contraire, s'en indigner ? Les deux en même temps : c'est un précieux portefeuille foncier recouvré, mais c'est par essence un préjudiciable échec d'investissement. Se retrouver dans l'obligation de reprendre d'une main ce que l'on a donné par l'autre parce que rien n'a été fait dans l'intervalle, cela porte un nom : l'échec. Il est d'autant significatif que la contenance de l'objet, le foncier en l'occurrence, est importante. On peut néanmoins toujours positiver en parlant d'un assainissement de la situation, d'un recadrage. Par définition, c'est toujours l'ancien dispositif qui est faillible et, donc, à remplacer par un nouveau. Un dispositif en chausse un autre. Autre temps, autre commission. Tel un consommable usager non recyclable, l'ancienne commission est systématiquement mise au rebut puis détruite. Aujourd'hui on auréole la nouvelle cellule, le lendemain on la jette en pâture. Par décret, par ordonnance, par circulaire ou par simple arrêté local. Ce n'est qu'aujourd'hui qu'on jette les bases d'une approche purement économique dans la gestion du foncier d'investissement, longtemps victime d'un régime institutionnel et juridique en dents de scie. Formaliser un dossier monté de toutes pièces, sur mesure ou pas, juste pour avoir un lot de terrain, sans l'intention sincère de le convertir en projet mais plutôt à des fins mercantiles inavouées, cela est bien connu dans le milieu du business. Ce qui est moins connu, c'est le labyrinthe pour s'en sortir l'affaire dans le sac. Le processus d'assainissement du foncier destiné à l'investissement se poursuit donc à Oran. Encore une fois, les derniers chiffres en date démontrent, si besoin est, l'ampleur du gâchis. Sans vouloir dédouaner l'Administration, à qui on reproche au moins un mauvais ciblage, les projets mort-nés -et ils sont légion- sont dus en général à leurs porteurs. LA WILAYA REPREND D'UNE MAIN CE QU'ELLE A DONNE PAR L'AUTRE Dans une large mesure, on peut parler sans risque d'être contredit de mauvais investisseurs, et à profusion. Le mot n'est pas fort. La bureaucratie, voire le blocage carrément, les banques qui ne jouent pas le jeu, le manque d'accompagnement institutionnel, tout cela existe et n'est pas près de disparaître, même si les choses se sont relativement améliorées. Mais dans la majorité des cas des projets inaboutis, l'investisseur ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Si tant et que l'on puisse parler d'investisseur. Or, on peut assurément parler de sale temps pour les adeptes de ces vieilles pratiques. La donne a changé, politiquement parlant. Ce qui était possible, ou du moins faisable, hier, ne l'est plus aujourd'hui. L'Etat a serré l'étau, donné plusieurs tours de vis au mécanisme. A Oran, deux lignes de stratégie qui se rejoignent finalement évoluent en parallèle, en l'occurrence : le processus de déblocage et d'incitation à l'investissement et le dispositif d'assainissement du foncier industriel. Les deux compartiments sont interdépendants, s'équilibrent au bout du chemin, tel un système de vases communicants. Etant un moyen d'avertissement et non une fin en soi, la mise en demeure a eu néanmoins un plein impact au niveau des différents sites d'investissement, les zones d'activités comme les zones industrielles. Conjugué au dialogue wali-investisseurs organisé périodiquement, le rappel à l'ordre par les Domaines, la DMI et l'Agence foncière a eu un effet de « déclic » sur certains sites qui faisaient piètre figure. Bien entendu, entre la suite positive de « début de réalisation » et la suite négative d'« annulation de l'acte », subséquentes aux mises en demeure, c'est la première qui est intéressante et rentable. L'intérêt de la démarche est certes de lancer (ou relancer) l'investissement et de revitaliser ainsi la zone et non pas de résilier des contrats et d'enfoncer de la sorte la zone dans son immobilisme. 171 ACTES ANNULES, 204 AUTRES EN VOIE D'ANNULATION Encore moins -surtout pas- de désinvestir. Mais l'annulation de l'acte de concession du foncier (ou celui de cession par voie de justice, le cas échéant) s'avère un mal utile parfois. C'est même un bien dans le cas d'espèce où l'on doit retirer l'assiette à un investisseur qui n'en est pas pour l'octroyer à un autre investisseur qui l'est vraiment. C'est donc une rectification de tir par un changement de cible. Une redistribution des cartes. Il y a aussi l'esprit de l'impact de la sanction, lequel est toujours efficace et à tous les coups. On peut voir la démarche, et c'est le cas dans une certaine mesure, sous l'angle étroit de l'assainissement du foncier destiné à l'investissement. Une purge dans le milieu, un coup de pied dans la fourmilière afin de récupérer les terrains mal attribués. Dans l'optique d'une réaffectation plus étudiée s'entend. Car ce ne sont pas les clients qui manquent. En définitive, relance de l'investissement et assainissement du foncier qui lui est dédié se joignent, vont ensemble. Le premier, la finalité, ne peut se faire sans le deuxième, le moyen, l'instrument. La commission chargée d'établir un état des lieux sur les projets en souffrance ayant bénéficié d'un foncier industriel dans le cadre du dispositif de concession poursuit donc son travail. A ce jour, 171 actes de concession ont été annulés et autant de terrains récupérés, pour une superficie globale de 151 ha, selon la direction de l'Industrie de la wilaya d'Oran, qui compte un parc industriel composé de 35 zones d'activités (ZA) consistant en 1.230 ha ainsi que 5 zones industrielles (ZI) totalisant 4.000 ha. Ceci alors que 204 autres décisions d'attribution à titre de concession sont en cours de procédure d'annulation avec retrait du foncier, selon la même source. LEVEE D'ENTRAVES ET MINI-ZONES D'ACTIVITES La commission de wilaya du suivi de la mise en œuvre des projets d'investissement a pour mission principale d'enquêter sur le terrain des circonstances des projets concernés. La première catégorie des annulations concerne les opérateurs qui ont obtenu des actes de concession durant la période étalée entre 2013 et 2014 et ont reçu l'ordre de versement, mais qui, à ce jour, n'ont pas payé les frais de concession. La deuxième catégorie touche les opérateurs détenteurs d'un acte de concession, mais qui n'ont pas encore déposé leurs permis de construire au niveau des services compétents. Quant à la troisième catégorie, elle concerne les investisseurs ayant obtenu l'acte de concession et le permis de construire, mais n'ont pas encore démarré leurs projets faute de crédits bancaires. Par ailleurs, durant l'année 2021 qui vient de s'écouler, le secteur de l'investissement dans la wilaya d'Oran a été boosté à la faveur du dégel de projets d'investissement à travers la levée des entraves freinant leur mise en exploitation, ainsi que la création de mini-zones d'activités à même d'instaurer un climat favorable aux jeunes investisseurs. Pour ce faire, une commission de wilaya chargée du suivi et de la levée des entraves a étudié, dans un premier temps, les dossiers de 40 projets d'investissement finalisés ou en voie de réalisation et qui se trouvent, actuellement, en phase de levée des entraves. Parmi ces dossiers, trois nécessitant un traitement à un plus haut niveau ont été soumis à une commission nationale. BUREAUCRATIE ET ZONES NON OU MAL AMENAGEES Afin de concrétiser ces investissements générateurs de richesses et d'emplois, une opération de recensement de projets d'investissement gelés se poursuit pour les soumettre à la commission de wilaya chargée de lever les entraves dans les plus brefs délais. Le retard dans la concrétisation des projets d'investissement est principalement dû au manque d'aménagement des zones d'activités et à des blocages administratifs, et ce dans différents secteurs d'activités, à l'instar des industries de transformation et alimentaires, le tourisme, les structures sportives et les services. L'opération de levée des entraves sur les projets d'investissement intervient ainsi dans le cadre des orientations des pouvoirs publics pour mettre fin à la bureaucratie et faciliter les procédures administratives aux investisseurs. D'autre part, la wilaya d'Oran a vu cette année l'entrée en exploitation de 30 nouveaux projets d'investissement, notamment dans les domaines de la fabrication de matériel médical, des industries alimentaires, du plastique et du bois, entre autres projets impulsant une dynamique de développement à la wilaya. Il y a lieu de rappeler que l'actuel wali d'Oran, Saïd Sayoud, avait tenu à la mi-septembre une première rencontre avec les investisseurs à l'effet de débloquer les projets en souffrance. Selon ses explications, il y avait trois cas de figure, soit autant de catégories d'investisseurs. Le 1er cas, les projets achevés mais non exploités (par changement d'intitulé en cours de route, par exemple). La situation devait être débloquée localement pour ce groupe et les opérateurs concernés devaient avoir par la suite leurs autorisations d'exploitation, exception faite pour certains cas dont par exemple les projets implantés dans des terres agricoles, l'instruction n°3 du président de la République l'interdisant (Ndlr : Conseil des ministres du 2 mai 202. « Durcir le contrôle et contrer toute tentative ou opérations de détournement des terres agricoles de leur vocation, notamment les terres boisées et irriguées...Charger le Gouvernement à l'effet d'élaborer un texte de loi relatif à la préservation des terres relevant du domaine de l'Etat et de régulariser tous les dossiers de propriété foncière en suspens »). L'APPROCHE DU WALI SAID SAYOUD Le 2ème cas, les projets en cours de concrétisation dont les travaux étaient à l'arrêt. Le 3ème cas, qui comportait deux types : 1. Les projets n'ayant pas démarré (problème administratif, technique, financier...). 2. Les projets dont le foncier a été détourné. Là, on parle littéralement d'indus investisseurs. Pour ceux-ci, les actes seront annulés et les terrains récupérés et redistribués par l'ONTA (Office national des terres agricoles) ou l'ONFI (l'Office national du foncier agricole, lequel organisme naîtra de la fusion de l'Agence nationale d'intermédiation et de régulation foncière (ANIREF) et Divindus Zones Industrielles, entité chargée de la gestion des zones industrielles et zones d'activités : Ndlr), selon la nature du foncier. M. Sayoud a fait savoir qu'une proposition de mettre ces offices sous l'autorité du wali à cet effet a été formulée lors de la dernière rencontre Gouvernement-walis. Mais la grande nouveauté, a-t-il encore indiqué, reste la possibilité dorénavant d'annuler aussi bien les actes de concession que ceux de propriété (actes de cession) par arrêté administratif sans recours à la justice (le tribunal administratif, le cas échéant). Répliquant à bon nombre de doléances d'investisseurs ayant trait aux multiple et diverses carences déplorées dans les ZI et les ZA, le wali a promis de remédier progressivement à ces déficits en viabilité et VRD. « Nous allons visiter ces sites un à un. On va aller dans le détail. Pour les ZI, il n'y aura pas de problème financier, le taux de consommation des crédits n'ayant pas dépassé 24% ». « Notre problème, c'est qu'on a mis en place de grandes ZI de 400 à 500 ha et plus. Or, on n'a pas les moyens de viabiliser ces sites trop spacieux ni même les instruments de gestion adéquats. Il est plus pratique d'aller vers des petites/moyennes plateformes industrielles. Les micro-entreprises ANSEG/ANGEM auront quant à elle des petites zones d'activités dans un proche avenir », a révélé le chef de wilaya, qui rassure que le fichier national du foncier industriel, en cours d'élaboration, résoudra la problématique du foncier industriel. DES MICROSITES POUR REMPLACER LE GIGANTISME CASSE-TETE DES ZI L'Algérie dispose d'atouts attractifs, voire des facteurs clés pour l'émergence rapide, lui permettant d'attirer le maximum d'investisseurs algériens et étrangers. Notamment, sa situation géographique stratégique, la disponibilité de la main-d'œuvre et des ressources énergétiques à moindre coût. Néanmoins, l'émergence économique de l'Algérie traîne toujours et les causes sont multiples. L'une des solutions très pratiques : les petits/moyens sites industriels clés en main. Une alternative qui permet de raccourcir les délais, d'anticiper les procédures administratives, d'optimiser les coûts et ainsi offrir aux investisseurs une disponibilité immédiate pour produire. Et tous ces avantages qu'offrent ces petites ZI permettent en conséquence de réaliser des gains de productivité. À savoir, réaliser des valeurs ajoutées permettant aux opérateurs économiques d'optimiser, de moderniser et de pérenniser leurs investissements. Cette solution permettra aux promoteurs économiques nationaux et étrangers d'avoir accès aux sites industriels aménagés et dotés de toutes les commodités, répondant aux normes internationales. La réalité est là, le modèle économique prôné par l'Algérie depuis l'indépendance est obsolète en termes de coûts d'investissement et de délais de réalisation. L'investisseur est obligé d'établir une étude technico-économique, puis la déposer auprès de l'ex-Calpiref qui décide après délais de lui attribuer ou pas un terrain. C'est-à-dire que la problématique du foncier industriel constitue le nerf de tout investissement. Et, pour cela, il doit attendre une ou plusieurs années pour avoir l'autorisation. Ces lenteurs font que les délais de réalisation, initialement accordés, se trouvent consommés. En conséquence, pas mal de projets ne trouvent pas concrétisation à cause de cette politique dévastatrice qui n'a jamais donné impotence au temps. Un système d'investissement obsolète qui impose d'établir des études, attendre les décisions puis construire les hangars. Alors, il faut renverser l'équation pour rationaliser les délais et les coûts de réalisation. De ce fait, l'intervention du gouvernement actuel étant plus qu'impérative pour débloquer cette situation. Mais pour ce faire, nécessité oblige : il faut revoir toute la législation inhérente à l'acte d'investir. Et c'est là toute la finalité du projet de loi relative à l'investissement qui devra être très prochainement adopté.