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L'éternelle nuit religieuse : l'Horloge bloquée sur minuit
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 19 - 01 - 2022

Prisonnier de la pensée religieuse pour qui Dieu a déjà scellé le destin de l'homme et de l'univers depuis la naissance du globe, le croyant ne peut concevoir la remise en cause de ce scénario de vie dans lequel il joue le rôle de simple spectateur, sans éprouver la crainte de heurter son créateur.
Le croyant, pétri de cette pensée religieuse ou raison paramagique, comme la désigne le défunt psychiatre algérien Khaled Benmiloud dans son livre éponyme, persuadé de la prégnance de la divinité derrière tout acte, s'interdit d'envisager la possibilité d'une volonté humaine libre, capable de modeler le sort de l'humanité avec sa seule Raison et surtout son productif Labeur. Maintenu encore au stade de la raison prélogique, le croyant ne conçoit pas la société comme le produit de rapports sociaux évolutifs élaborés historiquement par la seule volonté de l'homme inséré au sein d'un mode de production en constantes transformations, sous l'impulsion de la lutte des classes, mais comme le fruit de la main invisible de Dieu. Le fatalisme règne en maître absolu et le Maître absolu règne sur ses fidèles pétris de fanatisme. De là s'explique la résignation manifestée devant les phénomènes perçus comme imparables et fatidiques. Aucune main humaine ne peut et ne doit modifier le cours de l'histoire tracée d'avance par la Providence. Il s'ensuit une absence totale d'une quelconque velléité de changement de la vie de sa trajectoire prédestinée. Cela se traduit corrélativement par une soumission au cours du destin que rien ne doit troubler, ni bouleverser, ni révolutionner.
Pour le croyant, le doute n'est pas permis. Pour ne pas dire : n'est absolument pas intégré dans le mode de cognition et d'appréhension de son existence. Rien ne doit remettre en cause le Livre Sacré sur lequel sont gravés les fondements et les fondamentaux de la vie du croyant (et de l'univers).
Toute réflexion empreinte de scepticisme et d'incrédulité est perçue avec méfiance, défiance, malveillance. La tranquillité de la communauté ne doit pas être rompue par l'infiltration d'un axiome doctrinal iconoclaste ou d'un élément comportemental novateur, susceptibles de perturber l'ordonnancement rituel du quotidien. Dans l'optique du croyant aveuglé par l'observance obsessionnelle de principes millénaires intangibles, l'innovation est tenue en suspicion, la modernisation, en répulsion, la sécularisation, en exécration.
Qui plus est, dans une vision téléologique, les phénomènes naturels et humains étant prédéfinis dans leur éclosion et leur finitude par une puissance divine, toute curiosité humaine pour tenter de les analyser et les expliquer scientifiquement est vaine. Du berceau au tombeau la vie du croyant se réduit ainsi à une existence ascétique (assistée) dans la perspective d'une récompense matérialisée «paradisiaquement» par une destinée céleste éternelle exaltante. De là s'explique la perpétuation d'observances et de rites millénaires admis comme éternellement valides pour toutes les époques et sous tous les cieux.
Dépositaire de cette immuable tradition édictée par Son dieu par la bouche de son prophète, le croyant ne peut concevoir le réexamen de ces observances, le remaniement de ces rites religieux sans éprouver la crainte de commettre un sacrilège, de verser dans le reniement. Toute transformation sociétale, tout bouleversement social, constituent une hérésie.
À plus forte raison, la tentative de renversement de la hiérarchie et de l'autorité de la société, du mode de production dominant, quoique fondé sur l'iniquité, l'exploitation et l'oppression. Pour le croyant, l'inégalité sociale est une donnée naturelle instaurée par Dieu. La pauvreté, une condition normative, constitutive de la vie en société légitimement divisée en classes. La richesse, un don de Dieu qu'aucune volonté humaine ne doit subvertir, ni abolir. La pauvreté, une épreuve imposée par Dieu à la majorité de l'humanité croyante pour affermir sa résistance au sacrifice, tester son dévouement au respect de l'ordre (divin) établi, consolider son sens de fraternité entre tous les membres de la communauté par-delà les divisions sociales et l'oppression subie. Aux yeux du croyant, Dieu est le créateur absolu du monde, aussi est-il l'unique Législateur suprême de la société. La raison des phénomènes sociaux est extérieure et transcendante aux sociétés. En dernière instance, elle est en Dieu. Il appartient à Dieu la décision d'enrichir ou d'appauvrir ses créatures. Toute velléité de changer l'ordre existant constitue un sacrilège contre la volonté divine. Elle est par conséquent frappée d'interdit. Car le monde est conforme à l'ordre des choses qu'a voulu Dieu, et le sens de cet ordre, comme son origine, est transcendant à l'homme.
Par ailleurs, il est de la plus haute importance de souligner que la religion revêt également une dimension identitaire objectivée par une représentation clivée et discriminatoire du monde. En effet, pour le croyant, le monde se divise en deux catégories humaines : «Nous (la race des purs et fidèles croyants de l'authentique et pure religion, détenteurs de la Vérité dictée par notre Saint Livre inégalé) et les «autres» (l'engeance mécréante, immergée dans l'imposture d'une religion falsifiée, ou égarée par le diable de l'athéisme)». Le croyant d'une religion rejette non seulement les athées mais également les religieux d'autres confessions. L'histoire nous enseigne qu'épouser une religion induit inéluctablement le divorce d'avec d'autres êtres humains d'obédiences différentes, du même pays, voire de la même famille.
En vrai, derrière la vitrine officielle réfléchissant une rhétorique religieuse pacifique universaliste se dissimule les bas-fonds d'une société où le langage belliqueux et inquisitorial le dispute au vil tempérament agressif, voire, dans certains pays fanatisés, potentiellement scélérat.
Au demeurant, captif de cette pensée magique dominée par l'irrationalité, le croyant vit sous l'emprise de la Peur. Peur omniprésente de ne pas être à la hauteur des exigences doctrinales de son créateur, des impératifs moraux de sa religion. Peur du changement. Peur de la nouveauté. Hanté par la peur de ne pas complaire à son Dieu, il scrute et surveille constamment toutes ses attitudes et paroles. Il vit avec un gendarme moral religieux greffé dans son cerveau constamment tourmenté par la phobie de la commission d'un péché. Aussi, pour augmenter ses chances de récompenses dans l'au-delà, s'érige-t-il en juge moral ici-bas. Avec un zèle exalté et fanatique, il s'improvise même procureur théologique de Dieu sur terre aux fins de traquer les comportements des autres coreligionnaires ou non pour pourchasser et dénoncer tout manquement à « Ses » principes dogmatiques, châtier toute déviation doctrinale et comportementale.
Quoi qu'on en dise, le croyant envisage rarement sa foi dans une perspective d'union intime à son Dieu, relevant de sa seule individualité portée par sa conscience singulière et originale, inscrite dans une dynamique d'épanouissement personnel, mais comme une entreprise de communion grégaire fondée sur une conscience collective totalitaire visant à soumettre l'ensemble des membres de la société (de l'humanité) au culte dominant, érigé en unique et supérieure religion, hors de laquelle il n'y point de salut. Autrement dit les fidèles des autres religions, ou encore les athées ne peuvent être admis au sein de la communauté, par manque de la foi idoine ou nécessaire. Aussi, dans certains pays où la religion est inscrite constitutionnellement dans le droit, faute de possession de la foi, tout agnostique ou athée est considéré comme hors-la-loi.
Il est Minuit dans le siècle assombri par l'obscurantisme. Le Ciel ténébreux veille tyranniquement sur le sommeil de l'esprit des croyants, nullement désireux de se réveiller de leur hibernation intellectuelle et de leur léthargie culturelle.
Ainsi réglé comme une montre par son Maître horloger qui a bloqué l'heure sur Minuit, le croyant s'interdit de manœuvrer les aiguilles pour régler sa montre afin de (la) remonter vers Notre temps. Fixé éternellement sur l'heure de son créateur, en particulier sur l'époque de son prophète, il demeure enfermé dans cette période reculée plongée dans l'obscurité. Il est toujours Minuit dans le siècle. L'aube ne se lève jamais. Il est toujours Minuit dans le ciel. Le crépuscule règne sans scrupule. Il a le soutien de la voûte céleste. Et l'assentiment de la foule religieuse terrestre. La nuit religieuse ne voit jamais le jour. Elle a élu domicile dans l'obscurité, loin de la clarté de la conscience, de la lumière de l'intelligence, de l'éclairage de la connaissance.
Comme dans l'allégorie de la Caverne de Platon, mais de manière inversée, le croyant vit enchaîné et immobilisé dans une obscure caverne existentielle parmi d'autres zombis de son acabit, devenus l'ombre d'eux-mêmes. Pourtant, il veut nous persuader que son théâtre d'ombres insensées où la vie de marionnette est réduite à une représentation théologique scénarisée, dictée par des metteurs en scène qui tirent les ficelles derrière les tyranniques coulisses du pouvoir terrestre drapé dans une sanctification céleste, est la réelle et merveilleuse existence. Cette divine existence qu'il nous convie, nous également, à adopter, partager, propager, prolonger.
Depuis quelques décennies, à la faveur de la révolution industrielle, doublée de l'émergence de la société de consommation et de l'essor de l'urbanisation mondiale, avec la découverte de l'existence d'un autre univers sorti depuis longtemps de sa caverne religieuse, menant une vie avec des Horloges réglées sur notre Temps moderne, notre croyant des sociétés archaïques daigne s'extraire de sa caverne peuplée d'ombres, mais uniquement pour profiter des bienfaits matériels et commodités produits par cet univers productif moderne occidental, sécularisé et «scientifisé».
Cependant, il refuse toujours viscéralement de réparer son Horloge, encore moins la reléguer au musée de l'Histoire. Il persiste à continuer de régler son quotidien sur l'Horloge confectionnée à l'époque de son prophète, même si elle ne donne plus l'heure depuis des siècles. Désynchronisé, il oscille entre la temporalité figée et surannée de ses croyances mystiques anachroniques et la réalité contemporaine fondée sur l'accélération du temps et la précipitation perpétuelle des phénomènes socio-économiques et politiques. Il ne faut pas s'étonner qu'il soit constamment pris de tournis civilisationnels, d'étourdissements réflexifs, victime de déphasage culturel, de désorientation sociétale, de confusion mentale. De là s'explique sa morbide haine de la société moderne sécularisée, ses ressentiments, son aigreur, son agressivité à l'égard de la majorité de l'humanité désormais marquée au sceau de l'altérité, façonnée par l'esprit de liberté.
Quoi qu'il en soit, ces dernières décennies le Dieu-capital, nouveau maître absolu sur terre, a déréglé les dispositifs sociaux de toutes les sociétés archaïques encore culturellement fixées sur l'ancien temps religieux, dérégulé les rouages de leur Horloge réflexive périmée, restructuré les mécanismes de leur économie désormais intégrée dans le capitalisme mondialisé, remodelé leur mode de penser figé pour le moderniser, certes timidement mais sûrement.
«Chaque heure nous meurtrit ; la dernière nous tue». Chaque avancée économique bouleverse la société ; l'ultime révolution sociale émancipatrice anéantira les derniers vestiges des sociétés archaïques au temps réglé sur une Horloge civilisationnelle obsolète.


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