Quel concours de circonstances peut se prêter aux deux anciens ambassadeurs de France à Alger, Xavier Driencourt et Bernard Bajolet, quand ils se relâchent de leur réserve de diplomates, et se mettent à relater, par l'écrit, «leurs» vérités sur l'Algérie ? Les deux ambassadeurs ont une particularité en commun, ils connaissent bien le pays dans lequel ils ont séjourné à deux reprises, chacun d'entre eux, de 2008 à 2012, sous Nicolas Sarkozy et de 2017 à 2020 sous Emmanuel Macron pour Driencourt, et de 1975 et 1978 en tant que premier secrétaire de l'ambassade de France à Alger et en tant qu'ambassadeur de 2006 à 2008 pour Bajolet. Ce dernier, devenu par la suite patron du contre-espionnage français, a consacré à l'Algérie 29 pages seulement sur 457 de son livre témoignage paru en 2018, «Le soleil ne se lève plus à l'Est : mémoires d'Orient d'un ambassadeur peu diplomate», le reste traite de son expérience en Jordanie, en Irak, en Afghanistan et en Bosnie, alors que dans son livre «L'énigme algérienne - Chroniques d'une ambassade à Alger», paru le 16 mars 2022, Xavier Driencourt cadre entièrement son écrit sur l'Algérie. Bien sûr, dans son temps, le livre de B. Bajolet a fait l'effet d'une bombe, notamment quand il parle des «sommets que la corruption avait atteints, touchant jusqu'à la famille du chef de l'Etat», ajoutant un plus quand il a affirmé dans un entretien avec un média français que «le président Bouteflika, avec tout le respect que j'éprouve pour lui, est maintenu en vie artificiellement», et plus loin encore, il a soutenu que «cette momification du pouvoir algérien sert certains groupes qui, ainsi, se maintiennent au sommet et espèrent continuer à se maintenir et à s'enrichir». Des déclarations qui ont été vérifiées une année plus tard, après la chute de l'ancien président Bouteflika, qui a entraîné dans son sillage l'effondrement d'un système construit sur la rapine et la corruption. Exactement comme l'affirmait B. Bajolet, dans des moments où les connivences et les intérêts, laissent dire à certains hauts responsables étrangers que «le président se porte bien». Le livre de Driencourt n'est pas aussi détonnant, mais il n'est pas pour autant sans sauce piquante, notamment à travers certains passages du livre où il parle de «l'opacité du système politique», de «discours antifrançais souvent utilisé par le pouvoir algérien pour faire oublier ses échecs intérieurs» et d'un «pays jeune dirigé par la vieille garde qui a pris le pouvoir en 1962». Et l'auteur sait pertinemment, «sans doute», en convient-il, que son livre sera analysé, commenté et critiqué à Alger. Mais au-delà des cordes sensibles et des esprits qui seront heurtés par certains passages du livre, on se demande s'il s'agit de la pure littérature ou de la poursuite de la diplomatie sous une autre forme et sans réserves, surtout ?