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Covid-19, variole du singe et guerre en Ukraine: Une situation compliquée !
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 11 - 06 - 2022

La Covid-19 et ses graves conséquences sur la santé physique et mentale des citoyens, la variole du singe, les changements climatiques, les événements géopolitiques à l'instar de la guerre en Ukraine pourraient enclencher, selon les spécialistes, des cycles de grandes épidémies et diverses catastrophes dans le monde.
Un tableau apocalyptique que les spécialistes redoutent comme c'est le cas du président de la Forem, la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche. Interrogé en premier sur la situation sanitaire liée à la propagation de la Covid-19 en Algérie, et bien qu'il estime que «le virus est en voie de disparition», Professeur Mostafa Khiati en fait le point et s'arrête particulièrement sur les problèmes de l'après-Covid, «ce qu'on appelle le post-Covid», les symptômes qui apparaissent, selon lui, chez des personnes après qu'elles aient contractée la maladie. Des symptômes qui, explique-t-il, «durent des semaines, même des mois et qui réalisent des pathologies parfois individualisées qu'il faudra prendre en charge». L'Algérie n'en est pas épargnée. «On pense qu'ils représentent chez nous déjà 10% des cas des personnes qui ont été contaminées par la Covid-19», affirme Professeur Khiati. Il rappelle qu' «officiellement, l'Algérie a enregistré 260.000 cas de contaminés (PCR positif) et 6.000 décès». Il explique que «les cas post-Covid ne sont pas contaminants mais doivent être suivis de près parce que le virus a réalisé des lésions au niveau d'un ou plusieurs organes, des lésions neurologiques, au niveau de l'œil, des glandes gustatives, au niveau ORL, au niveau du cœur, au niveau rénal..., ce sont des pathologies qui vont évoluer à leur propre compte, qui sont lourdes et qui demandent une réadaptation et une prise en charge». Il attire toutefois l'attention que «c'est surtout le diagnostic qui est très difficile à établir parce que parfois les gens ne savent pas s'ils ont ce genre de lésions, il faut créer des équipes multidisciplinaires qui les prennent en charge, pour l'instant on n'a pas ce genre d'équipes médicales». Il fait savoir que «l'asthénie est un des signes majeurs de l'après-Covid» et recommande «il faut faire un bilan, si l'asthénie persiste, il faut absolument consulter».
«Il y a des démences qui ont été décrites chez nous»
La prise en charge de ces pathologies par le système de santé national exige ainsi, selon lui, «des efforts d'organisation, il faut s'organiser». Il insiste sur «la création d'unités multidisciplinaires pour suivre ce genre de malades parce qu'ils ne peuvent pas être pris en charge par un simple médecin». Entre autres problèmes post-Covid, il est signalé «un mental à plat» chez un nombre important de personnes qui ont été contaminées par le virus... «Oui, c'est toujours le post-Covid, il nous faut des psychologues et des psychiatres parce qu'il y a eu des démences qui ont été décrites chez nous, un grand nombre d'atteintes cérébrales...».
En référence à la prise en charge durant les années 90 des personnes touchées par le terrorisme notamment les enfants, dans laquelle il s'est grandement investi, Prof Khiati fait savoir qu'«on a déjà créé des consultations pour la Covid parce qu'elle s'est accompagnée de problèmes psychologiques et autres, on travaille sur ça depuis plus de 6 mois». Il prévient ainsi qu'«aujourd'hui, c'est une autre pathologie qui est apparue, c'est une complication tardive de la Covid qui peut également toucher le côté cognitif, ce qui nécessite une prise en charge psychologique ou psychiatrique, selon le cas». Qui risque d'en être atteint parmi les personnes touchées par la Covid-19, lui demandons-nous. «On ne sait pas, ce sont des problèmes qui sont actuellement à l'étude, aucun pays ne peut donner des chiffres précis, de nombreux pays ont mis en place des systèmes d'études et de recherches à cet effet. On attend que les gens trouvent pour qu'on puisse appliquer », répond-il. Question de citoyen lambda : y aurait-il une relation de cause à effet entre la Covid-19 et la variole du singe? «Il n'y a pas de similitude, les deux maladies sont certes causées par des virus mais qui sont différents», répond Khiati. Il explique que «le virus de la Covid-19 (Arn) se modifie souvent et a beaucoup de variants alors que le virus de la variole du singe appelée aussi Monkeypox est beaucoup plus stable et donne rarement des variants». Il fait savoir qu' «il y a trois types de varioles, la variole humaine qui a été totalement éradiquée en Algérie vers la fin des années 70».
«On ne sait comment la variole du singe s'est déplacée en Europe ?»
D'ailleurs, dit-il, «la vaccination antivariolique a été arrêtée en Europe depuis le début des années 70. Au début des années 80, l'OMS avait déclaré que la variole a été éradiquée dans le monde. En 1981, elle avait affirmé qu'il n'y avait plus lieu de vacciner. Depuis, il n'y a plus eu de vaccination contre la variole humaine. En parallèle, il y a la variole du singe qui est surtout concentrée dans quelques pays de l'Afrique centrale, le Congo et quelques pays qui l'entourent, c'est un virus qui touche uniquement les singes mais il y a eu des personnes qui ont été contaminées puisque des cas ont été rapportés en 1973. Et il y a la variole des mammifères comme les vaches, connue par les vétérinaires». Confiné donc en Afrique, le virus de la variole du singe «qui est apparu dans les années 50» s'est déclaré depuis quelque temps en Europe. «On ne sait comment cette variole est arrivée en Europe et a touché des personnes», avoue Prof Khiati en rappelant à cet effet que «des cas de contamination ont été détectés après une «gay partie» qui a eu lieu aux Canaris et qui a rassemblé 10.000 personnes, parmi ceux qui sont retournés notamment en Angleterre, au Portugal, en Espagne, en France(...)». Il note que «les personnes atteintes ont certainement un problème d'immunodéficience(...)». D'autres personnes ont été ensuite contaminées, «leurs proches ou lors de contacts étroits, il faut savoir que le virus se transmet par la salive et la toux», affirme-t-il. Il indique en même temps qu'il peut se transmettre assez rapidement comme ça a été le cas de la Covid-19.
Pour la presse occidentale, le premier cas de variole du singe a été détecté en Angleterre le 7 mai dernier. Il s'agit d'un homme revenu du Nigéria. D'autres cas ont été enregistrés début juin en France, Belgique, Portugal, Italie, Espagne, Suède, Autriche, Etats-Unis, Canada... L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait état mercredi dernier de plus de 1.000 cas confirmés dans une trentaine de pays occidentaux où la maladie n'avait jamais apparu auparavant. Premier pays arabe à en être touché, les Emirats arabes unis qui ont déjà enregistré quatre cas à la fin de mai dernier. Seuls les pays endémiques comme le Congo (RDC) et le Nigéria ont enregistré des décès. «Le bombardement de laboratoires en Ukraine fait craindre le pire» Si l'OMS a relativisé il y a une quinzaine de jours en jugeant le risque mondial de contamination «modéré», son directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, affirme aujourd'hui que «le risque que la variole du singe s'installe dans des pays non endémiques est réel». Il recommande «la mise en place de mesures de surveillance sanitaire dans les pays non endémiques». L'apparition des cas de Monkeypox en Europe et en Amérique, en plus de son explication scientifique, a laissé s'infiltrer dans les analyses des théories proches de celle du complot. «La thèse du complot est pour expliquer comment un virus qui était jusque-là confiné en Afrique, apparaît en Europe sans qu'il y ait eu de déplacement de populations ou de singes». «Le bombardement de certains laboratoires en Ukraine fait craindre le pire...», relève Prof Khiati. Pour lui, «ce qui se passe en Ukraine est problématique, attire l'attention parce qu'effectivement l'Ukraine a investi dans les laboratoires et en dispose d'une dizaine de haut niveau microbiologique, comme c'est un pays en guerre, il y a à craindre que des fioles disparaissent, qu'il y ait transfert de virus ou de bactéries pathogènes de ce pays vers d'autres». Interrogé sur la couverture du vaccin contre la variole humaine, le président de la Forem affirme, comme le fait l'OMS, qu'il protège à 85% et protège aussi contre la variole du singe. Et «comme les personnes âgées de plus de 40 sont vaccinées contre la variole, normalement elles sont protégées», dit-il. Peut-on parler de pandémie ?, interrogeons-nous. Pour l'instant, dit-il, «on ne peut pas le savoir mais il y a des risques, c'est un virus à transmission rapide qui peut toucher n'importe qui, surtout qu'actuellement les nouvelles générations ne sont pas vaccinées et que les contacts, soit étroits, soit sexuels, peuvent entrainer ce genre d'infection. Théoriquement, ça reste donc possible». Mais contrairement au virus de la Covid-19, le Monkeypox est, selon lui, gérable. «Ses formes sont plutôt banales, ses symptômes : température, céphalées, douleurs, une irruption deux trois jours après, mais tout rentre dans l'ordre après trois semaines, avec un traitement symptomatique». Il prévient «si des personnes développent ces signes, il faut les mettre en confinement pendant trois semaines ». Faut-il alors vacciner ? «Il faut le faire avant la maladie, sinon après, les cas contaminées ont acquis l'immunité», dit-il.
«On est dans l'expectative armée»
Premières précautions à prendre en Algérie, «éviter les contacts étroits, il faut le port de masque dans les ambiances fermées, et éventuellement, et s'il y a beaucoup de cas, on peut vacciner les personnes non atteintes par l'antivariolique», conseille Prof Khiati. Pour l'instant, il affirme qu' «aucun cas n'a été détecté en Algérie mais il faut se préparer et décider en connaissance de cause ». Il estime qu' «on est dans ce qu'on appelle l'expectative armée, c'est-à-dire qu'il faut mettre en place un dispositif qui peut être enclenché à tout moment en cas de problème». Un dispositif classique qui se décline, selon lui, «en des contrôles sanitaires renforcés au niveau des aéroports et des ports notamment avec la mise en place de caméras thermiques, dépistage des personnes, le port de masque dans les ambiances fermées, la vaccination s'il le faut contre la variole parce qu'on a le vaccin, le confinement des personnes malades pendants trois semaines pour éviter la contamination et la diffusion». «L'expectative armée » dont parle Khiati semble s'imposer et le sera probablement pour longtemps. «Tout à fait, nous sommes dans un monde en plein changement, je pense que l'avenir sera marqué par l'apparition de virus parce qu'on est mal protégé, il y a trop de manipulations, il y a une diminution -en tout cas dans les grandes agglomérations- de l'immunité liée aux pollutions, aux types d'alimentation, au sédentarisme, l'obésité joue un rôle(...), donc il y a beaucoup de facteurs qui favorisent cela parce qu'ils créent un terrain propice», dit-il. Il affirme d'ailleurs que «les scientifiques ont annoncé qu'il y aurait des épidémies redondantes».


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