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Marché «parallèle» de change: Et si on transformait le marché «de fait» en marché «de jure» ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 23 - 02 - 2023

Nous avons déjà écrit, par ailleurs (1), qu'au lendemain du décès du Président Houari Boumediene le 27 décembre 1978, l'option malheureuse qui fut prise en faveur d'une société de consommation prématurée et effrénée que la production nationale de l'époque ne pouvait pas satisfaire, ni en quantité, ni en variétés, ni en qualité, ni en habitudes. Elle fut, également, en accommodement mal venu, d'une parité du dinar administrativement gonflée. Celle-ci allait être à l'origine de distorsions dangereuses et très profondes sur les équilibres financiers postérieurs de l'Algérie, au lendemain de la première et dramatique chute des cours de pétrole survenue à compter de la fin de 1985.
Les drames prirent, à compter de 1989, des dimensions tragiques avec, en parallèle, le démentiellement désordonné du monopole de l'Etat sur le commerce extérieur (à compter de 1989).
Des drames économiques et sociaux que les liquidités artificielles créées par les facilités de paiement procurées par les rééchelonnements de la dette extérieure du pays du début des années 1990 et les crédits fournisseurs accompagnant obligatoirement ces rééchelonnements, ne purent que retourner la même situation en produisant des effets ‘‘trompe-l'œil'' sans apporter de solutions salvatrices, puisque le PIB du pays poursuivit sa dégradation que reflète nettement la poursuite de la chute de l'indice de la production industrielle.
Le chômage est alors ‘'camouflé'' par la mise en retraite anticipée de milliers de travailleurs du secteur public, encore largement en âge de travailler. Un phénomène qui sera difficilement gérable plus tard, au regard des nécessaires redressements de la gestion des finances publiques à compter de juin 2014, sous l'effondrement désastreux des cours de pétrole.
La chute du taux d'inflation qui s'ensuivit, ne put ‘'maquiller'' la chute de l'ordre de 50% de la masse salariale enregistrée entre 1980 et 1998.
L'ambigüité qui caractérisait le traitement du dossier du Secteur public marchand industriel (SPMI), ne connut pas, non plus, son épilogue et continuera à faire les frais de caprices tant individuels que relevant de groupes de pressions et d'oligarchies primaires.
La même ambigüité continua à marquer le rôle du secteur privé national, de plus en plus mercantiliste et peu soucieux d'une vision ambitieuse de développement à même de relayer le SPMI dans ses nobles ambitions motrices de développement économique et social du pays.
Comme ni les rééchelonnements de la dette extérieure ni les crédits fournisseurs (extérieurs) ne purent empêcher la dette extérieure de poursuivre son aggravation et la monnaie nationale (le dinar) de poursuivre sa descente aux enfers, leurs niveaux atteints à la fin 1998, en sont une traduction fidèle.
Le flottement non déclaré de la monnaie nationale (le dinar) qui accompagna les mesures ‘'monétaristes'' alors prises, allait, toutefois, permettre, durant cette période jugée comme ‘'heureuse'' et unique, la disparition de la coexistence de deux parités du dinar par rapport au dollar: une parité bancaire officielle et une autre informelle d'un marché parallèle (ou marché noir) qui allait réapparaitre, de plus belle, à la faveur des habitudes de consommation créées par ‘'forceps''. Cette double parité du dinar allait se poursuivre, en se corsant de 1999 à nos jours en 2023.
Les errements du dinar que provoqua le maintien d'une valeur (du dinar) administrativement supérieure à la valeur du franc français de presque le double jusqu'à 1986, n'allait pas résister à la vérité d'une situation économique surfaite et qui imposa une parité du dinar pour un dollar américain de 4,82 dinars et enclencha une dérive ‘'réaliste'' qui ne s'arrêtera pas, même de nos jours, avec une dégringolade de plus en plus accélérée, à l'exception de son appréciation bancaire officielle enregistrée à partir du mois de septembre 2022 sur laquelle nous reviendrons plus loin sans toutefois de répercussion positive sur sa parité dans le marché de change parallèle dit ‘'marché noir''.
La dégringolade était, malheureusement, permanente, même quand les cours du pétrole se redresseront, grimpant de 9 dollars le baril en 1986 à une moyenne de 100 dollars le baril (avec une pointe de 147 dollars) au début des années 2010 (de 2010 à juin 2014). L'effondrement de la parité du dinar, par rapport au dollar et à l'euro, se poursuivra durant les années 2014-2023 où les prix du baril de pétrole ont touché leur abime que leur redressement enregistré à compter de 2021 ne compensa pas.
C'est un flottement de fait, mais dans le seul sens de dépréciation, qui constitue, en réalité, un rappel à l'ordre contre une surévaluation administrative de la valeur du dinar au détriment d'un réalisme économique, financier et monétaire qui aurait dû en être le régulateur unique. Peu importe, alors, les valeurs de l'équilibre social, fondamentalement permanentes dans le discours politique depuis la déclaration du Premier Novembre 1954, prévalurent au-delà de controverses profondes quant au degré de pertinence de la gestion de la politique sociale du pays.
Celle-ci est, d'ailleurs, de plus en plus sujet à controverses dans la gouvernance des équilibres sociaux quand les ressources budgétaires viennent à tarir. Le sacrifice de l'impératif d'une gestion politique d'une nation qui se repose sur la recherche des grands équilibres, y compris les équilibres sociaux ‘'si politiciens soient-ils'' dont se servent même les nations s'autoproclamant les mieux ‘'managées‘' dans le monde pour ‘'se maintenir au pouvoir''. Même les plus réputées ‘'grandes démocraties'' dans le monde s'y exercent à souhait. Nous ne répéterons jamais assez, à cet égard, le cas des élections présidentielles des Etats-Unis d'Amérique du 3 novembre 2020.
S'y créa conséquemment, pour s'y greffer structurellement, un ‘'marché parallèle ou marché noir'' de change (des devises) qui, progressivement, mit à nu, deux lourdes problématiques: le besoin pressant à un sain fonctionnement de l'économie nationale et le besoin à une juste appréciation de ‘'marque'' de cette économie. Ce qui interpelle, avec grande insistance, les pouvoirs publics pour un traitement de fond de ces problématiques d'une manière spécifique et transitoire, si nécessaire.
C'est une question fondamentale, complexe et controversée, mettant en prise, prétendants superficiels, généralistes et profanes ne comprenant pas pourquoi les pouvoirs publics ne décident pas, de manière administrative, volontariste et ''révolutionnaire,'' de ‘'gonfler'' la parité du dinar pour la mettre au niveau des monnaies fortes et moins fortes, comme ce fut le cas ‘'au bon vieux temps'' des premières années de dérive économique et industrielle de la décennie 1980.
Etant d'une sensibilité exceptionnelle et d'une complexité inextricable, cette question exige une tentative d'approche dédiée qui ose dépasser les non-dits qui l'enveloppent pour des intérêts multiples.
Il serait alors impérieux, à la faveur de la conjoncture actuelle, dans une première phase, de transformer, par la loi, le marché ‘'parallèle'' de change actuel qui est un marché réel ‘'de fait,'' en marché de change »parallèle autorisé» ou marché de ‘'jure'' (de droit).
Il serait, ainsi, utilement et objectivement apprécié comme un juste instrument d'appréciation de l'économie nationale. Il serait, officiellement et rigoureusement, suivi et contrôlé et dont il faudrait, alors, corrélativement, définir par la loi, les règles de fonctionnement.
Car ce marché de change ‘'de fait'' qui est, actuellement, connu et pratiqué par ses clients, par ses taux de change uniformes au niveau de tous les bureaux de change (parallèles) effectifs, décimés dans les villes algériennes avec leurs prolongements à l'étranger, basculerait dans la transparence. N'y fait-on pas déjà recours, officiellement, pour la couverture de billets d'avion pris en Algérie au profit de voyageur en provenance de l'étranger ?
Ainsi, vite, sortiraient de l'anonymat les marques et les acteurs de ce marché ; ce qui permettrait de situer, normalement le réseau, d'en mesurer le poids du chiffre d'affaires des opérateurs et de leurs bénéfices pour le bien de l'économie nationale et celui des finances publiques.
Cesserait, par conséquent, la pénalisation de la détention, sur soi, des billets de banque étrangers. Ceci créerait un climat de sérénité, et de confiance, encourageant à loger, ne serait-ce que partiellement, les billets de banque étrangers, dans des comptes bancaires propres.
Ceux-ci deviendraient, progressivement, dans la longue pratique, des comptes à usage courant pour les personnes physiques et pour les personnes morales. Interviendrait dans la foulée, à ce moment et uniquement à ce moment, l'ouverture de bureaux de change tels que prévus par la loi sur la monnaie et le crédit de 1990 (actuellement en projet de profonds amendements) qui n'ont pas encore vu le jour. Sauf à imaginer l'Algérie en pays réellement émergent avec des entrées de devises régulièrement supérieures aux sorties de devises.
Ces mesures seraient de nature à éviter à l'Algérie une navigation à vue: une dévaluation à ‘'l'emporte-pièce'' ou un flottement s'appliquant régulièrement à ‘'sens unique, naturellement à la baisse'' de sa monnaie nationale, ne profitant, sûrement pas, à l'économie nationale, en son état actuel.
Car celle-ci n'est, encore, ni celle d'un pays touristique, ni celle d'un pays disposant de forts excédents de production agricole, industrielle ou de services exportables, tant sur le plan quantitatif que qualitatif et sur celui de la compétitivité à l'exportation, ni, enfin, celui d'un pays suffisamment attractif, à l'heure actuelle, des Investissements directs étrangers (IDE) que, respectivement, le fantastique saut haussier des exportations hors hydrocarbures et les grandes espérances qu'autorise, désormais, le nouveau code des investissement d'août 2022, rendent largement prenables.
Depuis juin 2014, les inquiétudes se sont sérieusement corsées et en l'absence de savoir-faire ou de volonté sincère de rationalisation des dépenses ou même d'équitable austérité si des circonstances d'extrême gravité l'exigeaient, le recours sélectif à de libres importations sans paiement, (c'est-à-dire sans recours aux devises de la Banque d'Algérie), devrait, pragmatiquement, constituer dans l'immédiat un palliatif fortement digne d'intérêt.
L'objectif demeure la tendance serrée à compenser, par réduction sélective à l'importation, de tout dollar perdu à l'exportation. Et ce, en attendant que les fruits attendus de la promotion, désormais bien engagée, des exportations hors hydrocarbures, à moyen et, plutôt, objectivement à long terme, soient amplement et durablement cueillis.
Mais cette mesure, de portée transitoire, ne s'appliquerait qu'à des biens ou services d'utilité sociale secondaire ou à des inputs de productions farfelues. Nous y sommes, progressivement, plein dedans, depuis 2020 et particulièrement depuis 2021.
Les intensions des pouvoirs publics semblent s'y inscrire tant que la conjoncture économique exige une veille de haute vigilance pour éviter de retomber dans le désarroi que provoquerait une autre crise pétrolière.
Désormais, le desserrage budgétaire est, à cet effet, hautement surveillé par, notamment, une pondération à la baisse, des importations en excluant les biens concurrents de la production nationale ou ceux de négligeable utilité sociale ; même celles qui sont financées sur devises propres.
L'importateur dans ce cas ferait appel à ses ressources en dinars pour se procurer ses besoins en moyens de paiement extérieurs propres transitant ou non, par le circuit financier et bancaire officiel que gèrent la Banque d'Algérie (Banque centrale) et les banques commerciales (banques primaires) selon des modalités à mieux préciser dans la révision programmée de la loi sur la monnaie et le crédit en vigueur (celle de 1990).
C'est un mécanisme qui est en train de prendre sérieusement place dans le pays pour tous les biens et services importés, autres que ceux qui sont couverts par les devises de la Banque d'Algérie et celles des banques commerciales.
L'établissement des listes de biens et services autorisés à l'importation par les opérateurs privés qui est en permanent réajustement pour des considérations de meilleure transparence, de juste nécessité sociale et d'inlassable lutte contre la corruption, demeure vitalement suspendu à une gestion prudentielle des importations pour éviter au pays de courir le risque de compromettre sa souveraineté dans son acception la plus large.
A cet effet et eu égard aux mesures prudentielles sur lesquelles veillent les pouvoirs publics, avec quelle monnaie seront payées les importations des voitures automobiles de moins de trois ans ? et les voitures qui sont fabriquées en Algérie ? Les tenants et aboutissants des utiles décisions prises au début du mois de février 2023, par les pouvoirs publics pour l'importation des légumes secs et du riz notamment, en constituent-ils un référentiel à généraliser ? La révision annoncée de la loi sur la monnaie et le crédit en en offrirait certainement, aux pouvoirs publics les moyens légaux de leurs décisions.
Le dinar en ressentira, mécaniquement, les contrecoups inévitables. Mais on devrait bien prendre le taureau par les cornes. Au début, la valeur du dinar continuerait, certainement, à en pâtir davantage. Elle se redresserait lentement mais sûrement après, une fois relativement asséchées les liquidités en circulation informelle sur le marché (en dehors des circuits officiels) et une fois les importations relativement stabilisées à leur niveau incompressible.
Les prix des biens et des services, inévitablement, en supporteraient les effets. Le secret résiderait, tout simplement, dans la réduction obligatoire de la demande sur les importations; même si le marché informel de la devise (étrangère) ne disparaitra pas totalement de sitôt.
Mais l'écart entre la valeur du dinar dans le marché formel et dans le marché informel se rétrécirait, au point de ne plus constituer, comme aujourd'hui, encore, la contrepartie d'une consommation de biens et services importés, supérieure aux capacités de paiement du pays en devises étrangères officiellement disponibles.
Les Institutions financières internationales (IFI) recommandent régulièrement, avec insistance, de laisser flotter le dinar. Il s'agit en réalité d'une dévaluation continue, c'est-à-dire d'un flottement permanent de la monnaie nationale, mais dans le ‘'sens unique'' de dépréciation (dévaluation). Ce sont les mêmes recommandations qui, d'ailleurs, furent faites par ces institutions financières à l'Algérie dans le cadre des rééchelonnements de sa dette extérieure durant les premières années de la décennie 1990. Ce qui fut fait. Une tromperie que cautionnèrent et endossèrent les responsables financiers algériens alors en charge du dossier et les responsables politiques du moment. Cela mérite d'être rappelé pour les besoins actuels du pays et pour ses besoins de demain si la conjoncture l'exigeait.
L'accélération de ce flottement, de tendance uniquement baissière, marqua le pas de manière profonde depuis la promulgation de la loi de finances pour 2001. La dépréciation du dinar y évolua dans le sens contraire de la chute du niveau de la dette extérieure du pays, contredisant ainsi la thèse qui défend le parallélisme des deux mouvements; le cas de 2010 n'en constituant qu'une exception à effet négligeable. Le tableau suivant illustre nettement ces faits :
Les mouvements comparés de la parité DA/US dollar officielle et du niveau de la dette extérieure de l'Algérie entre 2000 et 2022 (1)
Année----2000----2001----2002----2003----2004----2005----2006
Dette en Md$----30----25----24,7----21,6----22,71----21,9----19,45
Parité DA/US$----/----77,265----79,685----77,368----72,065----73,367----72,646
Année----2007----2008----2009----2010----2018----19/2/2023
Dette en Md$----5----3,96----2,7----5,41----1,79----1,79
Parité DA/US$----69,364----64,581----72,647----74,320----116,62----136,50
Nous rappelons que de la décision prise par les pouvoirs publics pour rembourser, par anticipation, la dette extérieure du pays fut rendue possible par le troisième «Boom'' pétrolier. Si sur le plan de la consolidation de la souveraineté nationale ce remboursement anticipé de la dette extérieure est hautement réconfortant, sur le plan strictement financier et économique, nombreux sont les spécialistes qui en émettent des sérieuses réserves si, toutefois, des opportunités de placements alternatifs meilleurs sont possibles. Mais trop spéculatif et aventurier parait ce dernier pari, face à la souveraineté de décision et au pouvoir de négociation que procure l'absence de dettes vis-à-vis de l'étranger.
Quant aux disponibilités circulant dans le marché parallèle des devises, les sources d'alimentation seraient constituées des avoirs logés dans les ‘'comptes devises propres‘' précités, éventuellement consolidés par d'autres transferts ordinaires de diverses origines en provenance de l'étranger. Ceux-ci peuvent provenir des transferts d'algériens résidents à l'étranger faits au profit de leurs parents résidents en Algérie.
Mais le gros des liquidités en devises en circulation dans le marché parallèle des devises, proviendrait de deux sources: (I) de la surfacturation à l'importation qui s'évaluerait à environ 30% de la valeur des importations et (II) d'un vrai ‘'marché noir'' de devises entre l'Algérie et l'étranger assimilable à un marché de biens (2). Ce ‘'bien,'' acheté à l'étranger, serait transféré illicitement vers l'Algérie pour alimenter le marché parallèle des devises et qui pourrait drainer de colossales richesses et de faramineux profits au profit des intermédiaires et des bénéficiaires.
Si sur le plan de la législation en vigueur ces faits sont condamnables, sur le plan de l'utilité et du service redu, l'apport en confort est immense en terme de production (investissements) de biens et services, de consommation et d'emplois, entre autres. Souterrains sont ces bienfaits, mais ils sont réels et saisissables échappant, malheureusement, à la comptabilité nationale en apport positif au Produit intérieur brut (PIB), notamment.
Une autre forme du marché ‘'parallèle'' des devises est constituée de la masse de la ''monnaie nationale-le dinar'' servie en Algérie contre une masse de devises qui, elle, est servie, essentiellement, en France et complémentairement, ailleurs dans le monde sans mouvement matériel des fonds mais jouant lourdement, à la hausse, sur la demande de la devise très recherchée contre le bradage du dinar monnaie d'échange; le but étant de disposer des devises à l'étranger contre des dinars servis en Algérie.
Les mouvements illicites qui se sont créé des outils bien huilés et des acteurs actifs situés à l'étranger, peuvent prétendre rendre service à l'économie nationale quand ces outils et ces facteurs financent les besoins économiques et sociaux en Algérie. A côté cependant, ils contribueraient profondément à l'effondrement du dinar. Quant à l'investissement et autres dépenses, toutes les retombées positives sont situées à l'étranger sans aucune retombée en Algérie. C'est l'appauvrissement net de cette forme de change illicite.
C'est un grand marché occulte destiné principalement à l'acquisition d'actifs à l'étranger: blanchiment d'argent par excellence. Ce qui accentue la rapide démultiplication des actifs d'algériens à l'étranger. Le bradage de l'immobilier en Espagne qui était en crise économique aigue il y a une dizaine d'années ou presque ou l'acquisition systématique de la nationalité turque contre logement acquis dans ce pays, constituent des exemples assez illustratifs de la floraison de ce marché de la devise contre un dinar devenu ainsi monnaie d'échange au rabais mais fortement utile.
Les importations sans paiement sont aussi une autre forme de la demande sur les devises par le recours au dinar. Celles-ci, rares, il faudrait mettre davantage de dinars pour se les procurer. Une autre raison qui explique le flottement du dinar dans le sens de la baisse sur le marché parallèle de change. Cette dernière forme est appelée à s'accélérer eu égard à un encadrement salvateur, de plus en plus serré, quant à l'accès aux devises de la Banque d'Algérie. Les importations sans paiement qui semblent avoir été retenues comme ‘'levier'' raisonnable pour satisfaire deux exigences contradictoires: pallier l'insuffisance des devises, tout en maintenant disponibles l'essentiel des biens et services à la production et à la consommation sur le marché national, en soutien aux cours du pétrole en années de vaches tant maigres que grasses pour éviter de retomber impuissants dans les grandes dépressions financières, tout en s'accommodant d'une inflation à gérer ; le FMI projetant, au vert, tous les indicateurs économiques de l'Algérie pour 2023 et en amélioration par rapport à ceux de l'année 2022. (3)
Le recours rampant à ces importations (sans paiement), ne serait pas étranger à cette brusque dégradation de la valeur relative du dinar. Le contre poids au resserrement salutaire des crédits en devises de la Banque d'Algérie à l'importation, s'avérait, incontestablement, indispensable. Sinon, l'abrupte asphyxie généralisée guettait l'Algérie. C'est une soupape peu orthodoxe mais, transitoirement, fort protectrice contre le naufrage massif de l'économie nationale. Le sauvetage réussi en 2020/2021 est difficilement reconductible.
Nous sommes réellement devant des facteurs peu saisissables pour espérer réduire efficacement et rapidement la pression sur la demande des devises. Le dinar moyen d'achat de ces devises continuerait normalement, selon l'analyse redondante, à se déprécier sur le marché parallèle et son flottement ‘'officiel,'' dans l'unique sens baissier, se poursuivrait jusqu'a atteindre sa valeur sur le marché parallèle ; sauf redressement spectaculaire de la parité bancaire officielle de la monnaie nationale. Celui-ci, en effet, sera un fait réel à compter de septembre 2022 dont nous traiterons plus loin dans notre présente contribution.
Les pouvoirs financiers du pays, précisément depuis janvier 2021 et jusqu'à septembre 2022, semblaient l'accompagner dans ce mouvement baissier en dépit du lourd impact sur le pouvoir d'achat des citoyens.
C'est un mouvement ‘'soft'' qui est devenu habituel depuis le début des années 2000 dont on s'accommodait tant que l'inflation était contenue à un niveau ‘'ingurgitable'' aux alentours de 4%.
Celle-ci ayant fait brutalement mouvement haussier en raison de la consistance des inputs importés fortement renchéris par les effets du coronavirus et de la guerre d'Ukraine et dont la prise en charge demande une haute et fine dextérité pour être contenu dans des proportions vendables, les hautes autorités durent réagir.
Fut alors l'anticipation de ces phénomènes sociaux qui semble avoir été concomitamment et diversement engagée par les pouvoirs publics matérialisée par les décisions surprises et contre toute attente, du président de la république pourtant faisant partie de son programme politique: indemnité du chômage historiquement instaurée pour la première fois en Algérie, augmentation à quatre reprises des salaires et revalorisation des retraites et diverses aides sociales, moyennant meilleure utilisation du déficit budgétaire dans les limites orthodoxes et en deçà des largesses débridées des orthodoxes censeurs occidentaux, y compris ceux des institutions financières internationales ; sujet eu à débattre dans notre ouvrage ‘' Algérie, problématique économique et impératif mondial.''(4
Fut aussi historiquement marquante, est la décision concomitante prise par les pouvoirs financiers et bancaires algériens en septembre 2022 portant appréciation du dinar de l'ordre de 12,5% au niveau des transactions bancaires officielles en comparaison avec la même période de l'année précédente.
Partiellement, on retrouverait la définition typique du flottement d'une monnaie qui, lui, est haussier et baissier mettant à mal le routinier flottement uniquement baissier du dinar depuis toujours, comme l'illustre le tableau précédent.
Indépendamment des commentaires et jugements émis à l'adresse de cette appréciation du dinar: objectifs ou d'accommodement, de réserves ou de rejet, cet enrichissement du dinar constitue un fait historique en direction d'une économie réelle. Il est d'effets à réduire la facture des importations au profit de la production nationale, au profit de la compétitivité, d'effets déflationnistes à impacts partiels, éphémères mais, en contrepartie, défavorisants à l'exportation qu'atténuent d'ailleurs, les mécanismes directs ou indirects, de subventionnement des exportations en usage dans tous les pays et/ou organisations économiques et commerciales
Cependant cette appréciation de 12,50% (du dinar) se limite au marché bancaire officiel. Car sur le marché parallèle de change, le dinar continue sa dépréciation en corrélation avec la forte demande sur les devises que suscitent les importations autorisées avec ou ''sans paiement'' et qui sont en nette progression, ainsi que le retour, à la normale, des voyages à El Omra et à El Haj (pèlerinage aux Lieux saints de l'Islam).
Comportement du dinar par rapport à l'euro et au dollar en valeur officielle et ‘'parallèle''. (5)
(nombre de dinars pour un euro et un dollar)
18 oct 2021----15 déc 2022----20 févr 2023
DA/Euro bancaire et officiel,DA/Euro parallèle (au noir)
159,17213----145,98218----146,329222
DA/Dollar banc/officielDA/Dollar parallèle (au noir)
137,089180----137,80217----136,943207
Sommes-nous actuellement (en 2023) loin de la situation que l''Algérie a connue durant la deuxième moitié des années 1990 ? La réponse est difficile à donner car tous les éléments d'appréciation ne sont pas tous réunis à l'état actuel de l'économie nationale tout récemment secouée et qui n'est pas encore hors retournement du marché pétrolier même si la conjoncture géopolitique internationale semble l'exclure pour encore longtemps.
A la fin de cette période (des années 1990), l'unification de la parité bancaire officielle et celle en cours sur le marché ‘'parallèle'' par flottement baissier officiel et anodin du dinar, fut atteinte.
L'inflation y fut maitrisée, mais à côté d'une économie toujours déstructurée, d'un indice de la production industrielle à un niveau plus bas que celui de 1989, d'une agriculture largement déficitaire et archaïque, d'un chômage au plus haut de son niveau jamais atteint (29,5 %), d'une dette extérieure toujours à son niveau record de tous les temps (30,40 milliards de dollars) et des réserves de change inférieures à cinq milliards de dollars en dépit des effets des reports des échéances de remboursement des dettes extérieures du pays rendus possibles par les rééchelonnements de ces dettes.
L'appréciation du dinar survenue depuis septembre 2022, vint-elle stopper durablement le creusement de l'écart entre la parité parallèle et la parité bancaire (officielle) du dinar par rapport au dollar et à l'euro qui semblait structurellement s'installer dans la pérennité depuis sa réapparition au début des années 2000, au profit d'une appréciation bancaire officielle plus durable du dinar et/ou d'une régression et/ou stabilisation, du moins, de sa valeur sur le marché parallèle ?
Maintenant que tous les voyants économiques et financiers du pays sont au vert et de plus en plus vifs, que les exportations hors hydrocarbures franchissent la barre désespérante de deux milliards de dollars pour atteindre déjà sept milliards de dollars en 2022 et ambitionne d'atteindre les quinze milliards en 2024, que le tourisme noble et distinctif se meut en direction d'une clientèle étrangère de moyenne et haute gamme, que l'agriculture plus ambitieuse que jamais et en profonde mutation, dégage progressivement des surplus exportables, compétitifs et croissants, que l'industrie ambitionne de réhabiliter ses lettres de noblesse sous sa forme de plus en plus à fort contenu de travail local, de technologies avancées et d'intégration d'inputs d'origine nationale de moins en moins extravertis et où les ‘'start-up'' projetées bien encadrées et fortement soutenues et appelées principalement à s'inscrire dans l'innovation et dans la sous-traitance fatidique requise, les conditions semblent être ainsi réunies pour cesser de ‘'fermer les yeux'' sur une réalité monétaire que l'algérien a déjà intégrée ‘'de fait,'' à sa culture et à la pratique quotidienne dans ses relations avec le marché, avec l'implication progressive de plus en plus d'agents opérateurs.
Alors, qui empêcherait de déclarer le marché de change ‘'de fait'' en marché ‘'de jure'' ?
Les avertis en charge de ces affaires en préciseraient le mode opératoire pour éviter, transitoirement, des interférences ou chevauchements malsains et nuisibles entre le marché officiel de la Banque d'Algérie et le marché parallèle alors ‘'de jure''. Ils saisiraient l'amendement programmé de la loi sur la monnaie et crédit pour répondre à ces questions en introduisant les souplesses législatives nécessaires aux adaptations réactives que requerrait l'inévitable évolution de la conjoncture nationale et internationale.
Notes :
1- Banque d'Algérie, Banque mondiale et FMI.
2-Déclaration du défunt ministre du Commerce Benbekhti. Algérie.centre.com. 16 novembre 2015. TAP
3-Le Jeune indépendant (jindant.net du 03 février 2023-02-20
4-Amar TOU. Algérie, problématique économique et impératif mondial. Click Editions. Alger. Mars 2022. 2ème édition actualisée, août 2022.
5- Banque d'Algérie et source parallèle


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