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Incendies de forêts: Le syndrome de l'été meurtrier !
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 27 - 07 - 2023

Les services de la protection civile ont réussi à éteindre la majorité des feux de forêts (80%) qui se sont déclarés dans plusieurs wilayas de l'est de l'Algérie, indique un communiqué du ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire.
«Ces résultats positifs ont été réalisés grâce à l'efficacité des interventions aériennes à travers les avions anti-incendie notamment après l'amélioration notable des conditions météorologiques et la baisse de la vitesse du vent et des températures», a précisé la même source qui fait savoir que « les opérations d'extinction se poursuivent actuellement au niveau de 13 foyers d'incendie dans 7 wilayas où les feux, quoique éteints, restent sous contrôle par les services opérationnels mobilisés ». Pour l'heure, les autorités locales dans les régions où les feux ont été maîtrisés ont entamé le constat des dégâts et le recensement des sinistrés en vue de procéder aux indemnisations, a conclu le communiqué.
Il faudrait dire que ces derniers incendies ne sont pas sans rappeler les énormes feux de forêt qui s'étaient déclarés l'année passée dans plusieurs régions du pays en raison de leur simultanéité, presque chirurgicale !
Il n'en reste pas moins qu'il est admis que les incendies de forêts sont fréquents durant la saison sèche qui s'étend de début juin à fin octobre de chaque année. Durant cette période, la végétation est confrontée à un stress hydrique. Les plantes perdent une quantité importante de l'eau absorbée par le processus de l'évapotranspiration, afin d'atteindre un certain équilibre de température. La végétation se dessèche et constitue ainsi un excellent combustible pour les feux et, aussi étonnant que cela puisse paraître, les feux de forêts, selon les experts, sont aussi vitaux pour la forêt que le soleil et la pluie :
- Ils permettent d'éliminer les arbres les plus vulnérables aux insectes au même titre qu'aux maladies.
- Ils favorisent également la croissance des jeunes plantes en produisant des ouvertures permettant au soleil de les atteindre.
- Certaines espèces de conifères ont même besoin de la chaleur des incendies pour ouvrir leurs cônes et libérer les graines qui donneront, à leur tour, naissance à de nouveaux arbres. Cependant, il serait légitime de se demander ce qui rend les feux de forêts non seulement plus fréquents, mais aussi plus violents et remarquablement incontrôlables.
Les experts pointent du doigt le nombre croissant des habitants en prise directe avec la forêt même si les années noires de grands feux sont des scénarios sans cesse répétés.
Ils sont surtout exacerbés par la pression démographique et l'interpénétration croissante des espaces forestiers et de l'habitat qui font que les enjeux s'accroissent considérablement.
Il n'en reste pas moins que les points d'éclosion de grands feux reviennent à intervalles réguliers dans certaines de nos régions et les changements climatiques n'en sont pas les causes principales ! Chaque année donc, des milliers d'hectares de forêts sont dévorés par les flammes. Les incendies se déchaînent surtout entre les mois de juin et de septembre. La faune, la flore, le tourisme et l'air ambiant sont les principales victimes des feux de forêt qui ont ravagé ces dernières années les massifs montagneux de l'Algérie.
Si en valeur absolue les superficies brûlées restent, relativement, modestes comparativement à certains pays du bassin méditerranéen, la rareté des forêts et les menaces de désertification font que les incendies ont un impact particulièrement désastreux sur l'environnement sans compter bien évidemment les atteintes aux riverains qui en viennent à perdre leurs biens, leurs terres, leurs animaux et pour certains, leur vie !
Même si les causes directes des feux sont le plus souvent humaines, que ce soit par des départs de feu accidentels ou criminels, les études tendent à prouver que l'augmentation de l'étendue des dégâts est une répercussion du changement climatique qui assèche la végétation et entraîne une augmentation du risque des feux des forêts. Les températures plus élevées favorisent la transpiration des plantes et assèchent l'eau contenue dans les sols.
Ces deux faits conjugués rendent plus propice le risque d'incendie.
Mais les spécialistes sont allés plus loin en affirmant avoir identifié 29 motifs d'incendies possibles pour l'Algérie ! Ils les ont divisés en trois catégories : naturels, accidentels par malveillance, et/ou négligence.
Ces experts sont arrivés à la conclusion qu'en Algérie, il n'existe pas déjà de « programme institutionnalisé d'enquêtes sur les motifs des incendies » !
Ce qui réduit, selon eux, l'efficacité potentielle des initiatives de prévention, par manque d'actions ciblées sur les groupes humains responsables. La prévention, disent-ils, restera donc vouée à l'échec. Et ancrée à des modèles maintenant dépassés qui ne s'appuient que sur des infrastructures du type pistes, points d'eau et pare-feux.
Les pouvoirs publics s'en sont tenus, quant à eux, à leur idée, à savoir que des nombreux incendies qui ont ravagé l'été dernier des milliers d'hectares de forêts dans les wilayas du pays, ont été causés par des « mains criminelles » ! Et la motivation de cette « pyromanie » était avant tout pécuniaire !
Ils rejoignent en cela les riverains des massifs forestiers qui avaient estimé que «l'on est en face de prédateurs du foncier; c'est une opération politique, une vengeance orchestrée par des centres prédateurs dérangés visant à garrotter la prédation, récupérer le foncier agricole détourné de sa vocation ou utilisé, exclusivement, comme garantie pour l'obtention des crédits bancaires qui ne donnent lieu à aucun projet».
C'est maintenant établi : des maffieux tirent profit des hectares dévastés qui sont récupérés pour les besoins des promoteurs immobiliers sans scrupules. Il y a aussi l'escroquerie à l'assurance pratiquée par certains pour retaper leurs maisons ou se faire rembourser leurs plants !
Il y a également les chercheurs de miel sauvage qui n'hésitent pas à enflammer les branches pour récupérer le produit.
Ces catastrophes ont bien sûr fait réagir d'autant plus que derrière les récents incendies, des criminels pyromanes ont agi pour leur propre compte ou pour des lobbies.
Que font, entre-temps, les collectivités locales ?
1. Disposent-elles, par exemple, d'un système d'alerte rapide pour signaler tout départ d'un feu ?
2. Ont-elles mis en œuvre des aménagements adéquats pour faciliter l'intervention des services compétents en matière de lutte contre les feux de forêt ?
3. Ont-elles procédé en temps et en heure, aux débroussaillages nécessaires des endroits à risque ?
4. Ont-elles identifié les moyens humains et matériels à mobilier rapidement en cas d'incendie ?
5. Ont-elles un plan de communication destiné aux fumeurs négligents ?
Il faut dire aussi que le laisser-aller et les interventions conjoncturelles d'un personnel non formé pour la circonstance aggravent la situation, quand la catastrophe se produit !
Mais force est de constater qu'en l'absence d'une stratégie d'intervention à moyen et à long termes, les mêmes erreurs et les mêmes défaillances se reproduisent de manière cyclique, avec leur lot de drames humains et de dégâts matériels.
Autre question : nos communes disposent-elles d'un plan orsec ?
Oui, avait répondu, par exemple, un élu de l'APW de Tizi Ouzou en ce qui concerne le plan orsec; il affirme toutefois que «les plans de lutte contre les incendies sont très mal adaptés et vraiment dérisoires dans une wilaya telle que Tizi Ouzou dont le boisement occupe 38% de sa surface totale». Et à l'élu d'asséner : «Le plan orsec a démontré tout au long de cette calamité exceptionnelle, qu'il était tout simplement obsolète, car il n'a pas répondu à l'urgence du moment» !
Il en est ainsi des 600 autres communes dont les plans orsec nécessitent, pour le moins, et de l'aveu du responsable de la Délégation aux risques majeurs dépendant du ministère de l'Intérieur, des opérations de mise à niveau de moyens d'intervention et de lutte contre les risques majeurs. Rappelons que dans une époque pas si lointaine, les présidents d'APC avaient bénéficié d'une formation de 5 semaines à l'ENA, en matière « de management opérationnel et de gestion des risques ». De plus, les communes ont été dotées de tous les équipements et autres engins à même de leur permettre de suivre et de réaliser leurs projets, mais aussi, en cas de besoin, pour pouvoir intervenir pour dégager les voies de circulation et réaliser les opérations de secours. En plus de ces dotations, les 1.541 communes du pays ont bénéficié de l'apport de cadres techniques de haut niveau : 1.000 architectes et ingénieurs ont été ainsi recrutés et déployés dans les collectivités locales.
A ce propos, le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement territorial serait bien inspiré de lancer « un audit » à ce sujet ou pour le moins, dépêcher une inspection pour connaître les causes de ce gâchis ! Par le passé, les étés meurtriers et les incendies avaient marqué profondément les populations durement touchées dans leurs chairs et leurs biens. Elles s'attendaient, pour le moins, et devant la gravité de la situation, à ce que le gouvernement classe leurs régions « zones sinistrées ». C'est cette insolente torpeur, le manque de réactivité, voire l'indifférence des institutions, tant centrales que locales, à l'égard de la détresse des populations qui avaient provoqué par le passé la désaffection de ces dernières à l'occasion des élections. Ce qui, rappelons-nous, avait fait réagir le président Abdelmadjid Tebboune qui, dans l'urgence, avait convoqué le Haut-Conseil de sécurité suite aux dysfonctionnements graves qui avaient impacté négativement la vie du citoyen et pris la forme, dans certains cas, d'actes de sabotage destinés à nuire à la bonne marche de l'économie et des institutions du pays. Il avait insisté pour que des enquêtes approfondies soient menées avec la plus grande célérité sur de tels agissements, entre incendies de forêts, ruptures en alimentation en électricité et eau potable, indisponibilité brutale des liquidités au niveau des centres postaux et dégradation des bouteilles et citernes d'oxygène dans les hôpitaux, à l'effet de déterminer avec précision les véritables responsabilités.
Et après les feux de forêts ?
A cause des changements climatiques, les feux de forêts risquent de devenir plus fréquents et plus intenses dans les pays au pourtour méditerranéen. Il est donc primordial de mettre en place «une stratégie de prévention et de lutte contre les incendies de forêt qui sont classés parmi les dix risques majeurs inscrits dans la loi 04-20 du 25 décembre 2004 relative à la prévention des risques majeurs et à la gestion des catastrophes dans le cadre du développement durable».
De quoi faire réagir promptement la Délégation nationale aux risques majeurs.


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