Le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé le 15 avril lors d'un discours télévisé à la Nation, la dépénalisation des délits de presse. Cette décision passe notamment par la révision de la loi 90/07 relative à l'information. Mais le code pénal, amendé en 2001 prévoit plusieurs peines (emprisonnement et amendes) relatives à la diffamation, l'injure, l'offense, etc. Des dispositions qui concernent directement les journalistes. Le code pénal sera t il épuré de ces articles limitatifs de la liberté d'expression et d'opinion ? Pour l'heure, c'est le flou total. Le gouvernement semble jouer un drôle de jeu en matière de « dépénalisation de délit de presse ». Conscient de l'existence d'un cumul de peines entre la loi sur l'information et le code pénal, les autorités semblent vouloir supprimer les dispositions pénales du premier texte pour les maintenir dans le second. Cela revient à frapper l'eau avec un bâton. Cette volonté a été confirmée, indirectement, mercredi 20 avril, par le ministre de la communication, Nacer Mehal. Intervenant à la chaîne I de la radio nationale, il a invité les professionnels à participer à « un atelier » consacré à la révision de la loi sur l'information. Il n'a, à aucun moment, parlé du code de pénal. M. Mehal, qui a été pendant longtemps correspondant de l'agence officielle APS à Washington avant de diriger cette agence officielle à Alger, a aussi prétendu qu'il n'existait pas de censure en Algérie. Pourtant, cette semaine, les médias publics (télévisions, radio et APS) ont bien reçu instruction de ne pas reprendre les critiques émises par le rapporteur spécial de l'ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'expression et d'opinion, exprimées dimanche 17 avril lors d'une conférence de presse à Alger. Ces médias publics ont également passé sous silence les derniers attentats terroristes qui ont été perpétrés à Boumerdès, Bouira et Tizi Ouzou. Aucun mot sur les 20 militaires et gendarmes tués lors de ces attentats. Comme si cela se passait dans un autre pays ! Pire, les médias publics, au lendemain du discours présidentiel appelant à « l'ouverture » de la télévision, des radios et de l'agence APS, n'ont diffusé que les avis favorables et les louanges de la prestation télévisée de Bouteflika. Aucune critique, même la plus minime, n'a été diffusée. Tous « les débats » organisés après le discours étaient à sens unique. L'instruction était de « positiver » jusqu'à la caricature « les réformes » annoncées par le président. Pourtant, ces annonces ont suscité de nombreuses critiques et beaucoup de réserves, y compris au sein de l'Alliance présidentielle, comme en témoigne la position prudente du MSP.Depuis plusieurs mois, les responsables de la radio et de la télévision sont en possession de « listes rouges » dans lesquelles figurent des noms de syndicalistes, journalistes, universitaires, militants des droits de l'homme, artistes et politiques interdits d'antenne. Il leur est reproché d'être « trop » critiques vis à vis du pouvoir. Sur la chaîne I, le ministre de la Communication a déclaré que l'accès aux médias nationaux sera assuré à « tous les Algériens » pour « débattre des différents problèmes que connaît la scène nationale ». Or, hormis le sport, la télévision n'a plus le droit de diffuser des émissions en direct, y compris des talk shows culturels. « Maqha Essahafa » (Café de la presse), émission de débat de la chaîne I, a été supprimée récemment de la grille des programmes après que des journalistes eurent abordé sommairement la santé d'Abdelaziz Bouteflika. Les ministres, les directeurs d'entreprises et les responsables d'institutions ont reçu une instruction formelle de ne pas s'exprimer sur la chaîne qatarie Al Jazeera ou BBC Arabic. Même si de nombreux visas ont été accordés à la veille de la marche de la CNCD du 12 février – afin de montrer que la police algérienne ne réprime pas avec des armes à feu –, les visas pour les journalistes étrangers sont filtrés au compte-gouttes. Des questions du genre « qu'allez vous faire en Algérie ? Qui allez vous rencontrer ? » Sont posées aux journalistes. Une fois en Algérie, les reporters, surtout ceux travaillant pour les télévisions, sont filés par la police et parfois reconduits aux frontières, comme ce fut le cas pour une équipe de la chaîne française M6, chassée du territoire en janvier 2011. Récemment, un reporter américain a été sommé de quitter la wilaya de Chlef où il est allé en reportage, et de revenir à Alger. Un commissaire de police lui a curieusement dit que « le visa pour l'Algérie » n'est valable qu'à…Alger. Enfin, la suppression du délit de presse ne résout pas les vrais problèmes de la presse nationale. L'ANEP garde le monopole sur la publicité et reste un instrument puissant entre les mains de la présidence et du DRS pour punir ces titres. De même que le lancement de nouveaux titres reste soumis à des autorisations complexes. Ces dernières années, seuls des hommes puissants, souvent sans aucun lien avec le monde des médias, ont réussi à lancer des journaux.