« Vous pouvez violer, mais faites ça discrètement... » Dans les mechtas éloignées ou à Alger, dans les centres d'interrogatoire, les sévices sexuels étaient fréquents. Mais le poids de la honte a longtemps étouffé les témoignages. Le viol partouze L'avocate rejoint ainsi l'idée exprimée par l'historienne Raphaëlle Branche, dans son livre La Torture et l'armée (Gallimard), à savoir que la torture avait moins pour objet de faire parler que de faire entendre qui avait le pouvoir. "Ça commençait par des insultes et des obscénités : "Salope,?", rapporte-t-elle. Et puis ça continuait par la gégène, et la baignoire, et là, quand la femme était ruisselante, hagarde, anéantie, on la violait avec un objet, une bouteille par exemple, tandis que se poursuivait le torrent d'injures. Après ce premier stade d'excitation et de défoulement, les tortionnaires passaient au second : le viol partouze, chacun son tour."Contrairement à l'idée répandue, les viols ne se sont presque jamais limités aux objets, ce qui achève de détruire l'argument selon lequel les sévices sexuels visaient à faire parler les suspectes. Gisèle Halimi révèle aujourd'hui que, neuf fois sur dix, les femmes qu'elle a interrogées avaient subi successivement tous les types de viols, jusqu'aux plus "classiques", mais que leur honte était telle qu'elles l'avaient suppliées de cacher la vérité : "Avouer une pénétration avec une bouteille, c'était déjà pour elles un anéantissement, mais reconnaître qu'il y avait eu ensuite un ou plusieurs hommes, cela revenait à dire qu'elles étaient bonnes pour la poubelle."Saura-t-on un jour combien de viols ont eu lieu ? Combien de suicides ces drames ont provoqués ? Combien d'autres victimes, souvent encore des enfants, ont subi des agressions sexuelles (fellations, masturbations, etc.) devant leurs proches pour augmenter encore le traumatisme des uns et des autres ? Il faudra aussi se pencher sur la question des "Français par le crime", comme se définit Mohamed Garne, né d'un viol collectif de sa mère, Khéira, par des soldats français, alors qu'elle était âgée de quinze ans. Cinquante ans de silence Après cinquante ans de silence, les femmes violées et les témoins de cette guerre parlent.- le 26 novembre 2001 le général Paul AUSSARES comparait devant la justice pour avoir vanter les crimes de guerre pendant la guerre d'Algérie dans un ouvrage écrit. Lors de son interrogatoire, il nie les viols de l'armée française pendant les interrogatoires.- Louisa IGHILAHRIZ, a été torturée et violée pendant la guerre d'Algérie. Elle explique pourquoi elle parle aujourd'hui.- Annick CASTEL PAILLER , marièe à un français communiste et sympatisant de l'indépendance de l'Algérie a été arrêtée et violée. Elle a porté plainte devant la justice en 1958. Le parachutiste violeur a été condamné à une peine de deux ans de prison avec sursis- Henri POUILLOT, ancien soldat de la guerre d'Algérie, a parlé dans son livre "La villa Susini" des viols commis dans les centres de tortures. Revenu à Alger dans cette villa, il rappelle les faits. Il dit que le viol était aussi bien un moyen de défoulement que de torture pour l'armée française.- L'historien Benjamin STORA ne pense pas que le viol a été planifié et organisé par la hiérarchie militaire.- Images d'archives de l'armée française dans les djebels.- Jacques DUQUESNE , auteur du livre "Pour comprendre l'Algérie" montre une photo remise par un soldat à la fin de la guerre d'Algérie. Une femme algérienne est nue entre deux soldats français.Il parle des violences qu'elle a subit.- Jean VULLIEZ qui a été soldat en Algérie parle des viols tournants- Le 22 novembre 2001, la cour d'appel a accordé une pension et le statut de victime civile de guerre à Mohammed GARNE nait d'un viol collectif. Il parle de son histoire. - Deux anciens combattants algériens, Abdelkader AHMANE et Abdelkader DJEBARI expliquent pourquoi les Algériens n'ont pas pardonné à la femme violée, même si elle a été une victime.- Le docteur SIGG psychanaliste et auteur du livre "Le silence et la honte" explique la raison du silence des soldats français sur leurs actions pendant la guerre d'Algérie.- Louisa IGHILAHRIZ, Henri POUILLOT et Abdelkader AHMANE se rejoignent devant la villa Susini.Ils n'apparaissent dans aucun registre, ne figurent pas dans les archives. Rien, jamais ne permettra de les comptabiliser. Et pourtant, en Algérie, de 1954 à 1962, de nombreux viols ont été commis par certains soldats de l'armée française. En France, les aveux du général AUSSARESSES ont permis qu'un débat s'engage enfin au plus haut niveau sur la torture et les exécutions sommaires. Mais le débat sur le viol n'est pas encore ouvert. Tabous des tabous, l'histoire du viol reste à écrire. Pour Envoyé spécial, des victimes et d'anciens bourreaux ont accepté de témoigner. Ensemble, ils lèvent un coin du voile sur l'un des derniers tabous à la guerre d'Algérie. A suivre