Un certain 17 novembre, on apprenait cette nouvelle, confirmée par le ministère français de la défense : sur proposition du ministre Gérard Longuet, les cendres du général Marcel Bigeard devraient être transférées à l'hôtel des Invalides. Pour l'opinion publique, la chose a valeur d'anecdote. Pour nombre d'anciens combattants, pour les historiens, pour des militants d'un camp ou d'un autre, en revanche, cette initiative donne à réfléchir. Si en France, les mérites militaires du général Bigeard ne sont pas contestables pendant la seconde guerre mondiale ou à Dien Bien Phu, le flou qui entoure sa participation à des actes de torture pendant la guerre d'Algérie, ses prises de position politiques, ses dérobades, sont sujettes à caution. Le moins que l'on puisse dire est qu'en tant que personnalité française du 20ème siècle, à la fois soldat, secrétaire d'Etat à la défense et député, Marcel Bigeard est loin de faire l'unanimité. Sans compter que ses dernières volontés étaient de voir ses cendres dispersées au-dessus de Dien Bien Phu. Le gouvernement vietnamien ayant opposé une fin de non-recevoir, il semble que le gouvernement de Nicolas Sarkozy ait saisi l'occasion. Pour certains français, les cendres de l'un des généraux les plus gradés et les plus controversés de l'histoire contemporaine de la France ne doivent pas être transférées aux Invalides. L'onction du lieu, par excellence lieu de mémoire, reviendrait à justifier au nom de la nation française les atermoiements du général Bigeard. A légitimer, ou à pardonner au nom du peuple français, la torture en Algérie, ce n'est pas le problème. L'histoire n'est pas la justice, et la présomption d'innocence, ici, ne s'applique pas. Le président français, prend une terrible responsabilité, celle de préférer le silence à la vérité, de nous dire comme un évangile que tous les moyens sont bons. La torture ? Peut-être. Comme disait publiquement le général Bigeard bien sûr qu'elle existait. Bien sûr ? La manœuvre politique illustre cette idéologie de la fin qui justifie tout, puisque par ailleurs, pour quelques voix de plus, de pieds noirs, de nostalgiques de l'empire français, la droite française vient d'offrir les Invalides aux criminels.